Matt Reeck | Mitry-Mory, 1 : démarche du piéton à l’aéroport

deuxième épisode (une comédie)
Mitry-Mory, à l’aisselle de Roissy

le 3 décembre

*

fin d’après-midi je me suis baladé un peudisons
perdu la routecommencé dans les champs
de betteraves(comme l’héroïne dans « Sans toit, ni loi »)
puis vagabondage dangereux aux rives de l’autoroute
le reste est le conte ci-dessous …

*

sous la pluie [de Paris] des avionschaque gouttelette
bourrée de touristes cherchant un bref répit de leurs soucis 
souci A : pas assez d’argent pour vivre bien à l’aise
même si assez bien à l’aise pour voyager à la touriste
3 fois par an souci B : manque de sens de la vie
même si un souci partagé par la moitié de la planète 
souci C : la vie où va-t-elle si la réponse concrète
cette fois-ci est Paris-Roissy …

*

JE SUIS LES SIGNES qui me mèneront à la gare SNCF, signes qui ne sont pas exactement malhonnêtes si en même temps pas complètement honnêtes, par exemple, un manque de panneaux à un moment donné, c’est dire, au moment décisif, et voilà, juste après la station des pompiers, j’entre au parc industriel à l’aisselle de l’aéroport. Le terrain presque vidé de personnes, je vois trois Pakistanais qui attendent le bus, et je dis « bonsoir » au monsieur qui me regarde, juste pour le rassurer que je ne sois pas raciste. Un bus me passe à toute allure avec un signe qui m’aveugle, la lumière du panneau tellement forte, « Ce véhicule ne prend pas de voyageurs », voire, de sujets-citoyens-humains. Je le vois en passant dans tous les deux sens (montant d’où on ne sait, descendant d’où on ne sait). C’est un périple acharné, la conductrice qui essaye de retourner au monde extérieur, cherchant désespérément le pont sur le Styx (pas de pont sur le Styx, désolé). Puis un seul joggeur, peut-être aussi perdu que moi, un esprit en tourbillon. Au parc, tout est à grande échelle, des dépôts, comme des énormes boîtes en carton, les véhicules comme ce bus-là qui cherche le point d’embarquement au monde vivant, les camions à grande échelle, défrettés pour l’instant. Je n’aime pas la vie à grande échelle, les détails que perd cette vie sont ceux qui nous donnent envie de vivre, n’est-ce pas ? Au parc industriel, sous la pluie des avions où je cherche le panneau qui va me diriger vers la gare, que je ne trouverai à tout jamais, au moins, jusqu’à la fin de cet après-midi noir et froid, le 3 décembre 2023.

Mitry-Mory - vers la gare ?
©Matt Reeck

On cherche tous découvrir nos abris au monde.

7 mars 2024
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