Benoît Artige | Figures libres, Fanny Ardant

J’ai longtemps été raide dingue d’une sorte de Fanny Ardant dont la blondeur rendait cette ressemblance immédiatement factice et assez décevante. Pourtant, presque tout y était : le nez anguleux, la voix traînante et vaporeuse, même ce sourire immense qui était comme un sceau apposé sur une lettre de cachet. Elle feignait de ne pas vouloir céder à cette image que je me faisais d’elle ; je persistais à ne voir en elle rien d’autre qu’un sosie presque parfait : sans doute le désir provenait-il, en grande partie, de cet entrechoquement de nos obstinations affûtées. « Personne ne m’a jamais traitée de la sorte », s’indignait-elle continuellement dans un tressaillement de boucles couleur paille, et cette façon qu’elle avait de protester tout en prenant la pose me confortait dans cette certitude que j’avais depuis le début — ressemblance ou pas — que toute occasion lui était bonne pour rejouer devant moi cette unique scène apprise par cœur du film miteux de nos amours.

7 janvier 2019
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