Benoît Artige | Figures libres, Frans Brüggen

Chaque instrument de musique a ses grands chambellans : le piano a Martha Argerich, Erroll Garner ; la trompette, Miles Davis ; la guitare, Baden Powell. La flûte à bec a Frans Brüggen – dans ses premières années, sorte d’angelot grandi trop vite, de ceux qui soufflent, joues grenades, la gloire de Dieu dans les cieux des maîtres italiens, puis, au fil des ans, comme consumé par le feu des pyrotechnies modestes toujours sur le fil de la justesse qui constituent le seul trésor que cet instrument peut offrir, silhouette décharnée – les doigts très longs, les joues désormais creuses –, joueur de roseau devenu roseau lui-même : métamorphose vers laquelle tout virtuose tend ayant atteint avec lui son aboutissement.

11 juin 2023
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