(1) Comment avez-vous eu connaissance des résidences d’écrivains financées par le Conseil Régional d’Île-de-France ?


En juillet 2012, j’ai été invité àparticiper àun colloque sur l’autofiction au Château de Cerisy-La-Salle. Depuis des décennies, des colloques philosophiques et littéraires y sont organisés ; un nombre étourdissant de mouvements y sont nés. Des personnages incroyables y ont séjourné (Ionesco, Sartre, Gide, etc.).

Au cours de ce colloque, j’ai notamment fait la connaissance de deux écrivains : Claire Legendre et Thomas Clerc. Claire avait été pensionnaire àla Villa Médicis ; Thomas s’était présenté mais n’avait finalement pas été retenu. Tous les deux m’ont conseillé de déposer un dossier. Je n’y avais jamais pensé.

Je suis avocat et écrivain. Avocat occupe la plus grande partie de mon temps. Postuler pour la Villa Médicis. Le simple fait de l’imaginer me faisait rêver. J’ai commencé àimaginer une vie différente. Dans laquelle l’écriture aurait plus de place. Pas l’écriture au sens premier (j’ai toujours beaucoup écrit, et je ne pense pas avoir besoin d’une « résidence  » pour écrire), mais l’écriture au sens social : pouvoir monter des dispositifs autour de l’écriture. Tous mes livres sont construits autour de dispositifs. Souvent ils sont construits de bric et de broc, avec le peu de temps dont je dispose. Avoir une résidence. Avoir du temps. Pouvoir accomplir, de manière plus profonde, des rêves d’enfant avec des gestes d’adulte. Quelque chose s’est mis en vrille dans mon cerveau. J’étais alors avocat depuis quinze ans. J’avais envie de prendre un peu de large avec le cabinet dont j’étais associé. Je voulais rester avocat, mais je ne voulais plus que le droit représente nécessairement mon activité principale.

Obtenir une résidence àla Villa Médicis. Pendant plusieurs mois, je n’ai pensé qu’àça. J’ai présenté un projet qui consistait àinventer un nouveau mot avec 10 000 personnes. J’étais persuadé que je serai au moins retenu pour les oraux. Que le jury aurait envie de comprendre ce qu’il y avait derrière cette idée saugrenue.

J’ai passé des dizaines d’heures àpréparer ce dossier. Je m’y suis plongé àcorps perdu. J’ai été recalé. Je n’étais pas le seul. L’écrivain Astrid T. a aussi vu son projet refusé. On savait tous les deux qu’on était candidats (quelques mois plus tôt, Astrid et moi avions déjeuné ensemble : elle était gênée qu’on puisse être en compétition ; moi pas. J’étais àpeu près sà»r – comme on croit àla magie - que nous serions admis tous les deux : il y a 12 places àla Villa Médicis, dont deux ou trois, qui sont parfois accordées àdes écrivains). On était tous les deux tristes. On s’est consolés. Astrid m’a parlé d’une résidence. D’une autre. Pour me consoler. Pour se consoler. Les résidences d’écrivains accordées par le Conseil Régional d’Île-de-France : « C’est moins prestigieux, mais c’est plus facile àobtenir.  » Je me suis renseigné. J’ai hésité. J’avais été échaudé par l’expérience de la Villa Médicis. Et puis j’ai replongé. De nouveau, j’ai réfléchi àun dispositif.

10 janvier 2014
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