Berlin - Paris

13 décembre. Au cours de la réunion àlaquelle sont conviés les auteurs et porteurs de projets nouvellement choisis, Xavier Person nous avertit que les résidences d’écrivains présentent deux écueils : soit se laisser absorber par le travail sur le territoire et n’avoir plus de temps pour écrire son projet personnel, soit l’inverse. Je repère aussitôt mon risque.

14 décembre. Je vais écrire sur le son, et au-delàdu son, sur la vibration. Je vais mettre en scène un expert acousticien, qui découvrira qu’il est également sensible àla vibration des espaces et des êtres.
L’une des branches de mon histoire prenant sa source àBerlin, et la résidence commençant officiellement début janvier, je décide de l’inaugurer par un séjour àBerlin. En guise d’engagement vis-à-vis de moi-même, àprendre le temps d’écrire.

Début janvier. Loin des obligations chronophages, j’arpente la ville, je lis, je rêve. Si absorbée que je manque le terminus du métro et reste coincée en voie de garage, ou bien j’oublie l’heure dans le cimetière juif et voulant sortir, trouve la grille fermée. Frayeurs d’une minute àpeine. Dans les deux cas, un gardien veille.
Dans un café gemütlich où je m’initie au cappuccino lait de coco, je relis mes notes prises depuis dix-huit mois : des questions, des hypothèses, sur le déroulement de l’histoire qui àtravers moi cherche àse raconter. J’écoute les personnages, devine leurs intentions, leurs actions, leur transformation.

10 janvier. Je suis en présence d’un squelette. Mon histoire a un tronc, des membres détaillés, une tête. Je pourrais m’asseoir àma table et aussitôt faire dialoguer mes personnages. Mais je me retiens. Je ne suis pas pressée. Je veux me laisser faire, par mes rencontres au cours des ateliers, avec les ados et les adhérents de la Semaine du Son.

12 janvier. Ce matin, le tableau unique suspendu au salon de mon appartement m’apparaît comme pour la première fois : un poster qui dit affiche « Â WE ARE ONE  ».
Dans la vibration, c’est exactement ça. Nous ne faisons qu’un.
La vibration nous réunit les uns les autres au-delàde l’audible, du visible, organiquement, me disait le mur de mon appartement. Et en anglais, pour que tout le monde comprenne. Comment ne pas l’avoir perçu avant ?
Je peux quitter Berlin, sa vibration est avec moi.
Je boucle ma valise.

13 février 2018
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