Christian Garcin & Patrick Devresse | Mini-fictions, 11. La joie

La balle roula et dévala l’escalier. « Je vais la chercher !  » cria Mélanie, 6 ans, en visite chez son amie Laura. Elle descendit la volée de marches, arriva àla cave, chuchota « Minou, minou ! Que tu es belle ma minouche, viens là !  » àla silhouette indistincte vers laquelle elle avança la main tandis que celle-ci reculait dans l’ombre et se rencognait tout au fond, n’insista pas, sourit àla silhouette àprésent invisible, saisit la balle et remonta.
Le gros rat se tenait accroupi derrière le sommier métallique qui lui tenait lieu d’abri. Comme il était très vieux, il était devenu très émotif, et avait en outre le cÅ“ur fragile. Il était tout chamboulé. C’était la première fois de sa longue vie de rat qu’on lui disait des mots doux sur un ton amical, la première fois qu’on voulait le caresser, que l’on faisait preuve àson égard d’autre chose que de la haine, de la défiance et du dégoà»t. L’émotion le submergea, et finit par l’engloutir tout entier. Il soupira, hoqueta, ne parvenant pas àcontenir cette joie inconnue qui soudain l’envahissait, puis il roula sur le côté et expira en couinant. C’était, en somme, la meilleure fin qu’il pà»t souhaiter.