Clichy-sous-Bois n’est peut-être pas la plus belle ville du monde mais...

Clichy-sous-Bois n’est peut-être pas la plus belle ville du monde mais il y a une certaine période où Clichy-sous-Bois ne ressemble plus à Clichy-sous-Bois, c’est au printemps : le soleil y est étincelant, la chaleur n’est pas accablante. Le soleil brille assez pour le sentir réchauffer notre joue sur laquelle le vent souffle. On observe ses rayons illuminer les fleurs, les bords de route, tellement qu’on en oublierait les voitures qui passent. Le soir, il laisse apparaître un beau ciel un peu rouge, un peu orange qui rendrait presque magnifiques tous les immeubles du paysage, à l’horizon. Pendant la période du ramadan, je jeûne jusqu’à l’heure où le soleil se couche. À cette heure-là, je suis souvent au marché, à Montfermeil, à faire des courses, m’acheter des dattes et de l’eau. Je regarde le ciel et les nuages se volatiliser comme si le ciel bleu les absorbait. Le soleil se met à gauche, mélange de jaune et de rouge, couleur claire et scintillante. Les derniers rayons frappent les visages des Clichois qui n’ont pas mangé depuis la veille, visages eux-mêmes scintillants qui témoignent du bienfait de jeûner. Le marché est plein, tout le monde partage ses saveurs. La chaleur commence à tomber et une bouffée d’air frais caresse mon visage, faisant disparaître les traits de la fatigue. On peut lire à travers les visages. Assis sur les marches d’escalier, le reflet du soleil éclairant la moitié de mon corps, mon dos contre la porte, et la forme des bâtiments autour de moi, l’ombre qu’ils projetaient, la place des fleurs et des arbres aussi, à ce moment-là on aurait dit qu’il n’y avait aucun problème dans le monde, que tout était parfait. Je pourrais m’endormir sans crainte comme sur un matelas rempli de plumes. Je flotterais dans un nuage humide et sec à la fois. Quelquefois je chute ainsi dans une atmosphère sèche qui me retient et me trouble mais je finis toujours par glisser sur un toboggan que moi seul connais, toboggan qui est ma pensée, que je vole ou que je chute. L’autre jour, j’ai vu quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant. Le ciel avait pris une teinte inattendue, il était rose. Il n’était pas orangé comme dans les levers de soleil classiques, il était rose. Le plus haut point du ciel était bleu, ce qui fait que la transition entre le rose et le bleu créait une sorte de violet. Les couleurs étaient claires, donnant une impression de légèreté. Je ne me souviens plus si c’était le printemps ou l’été mais je me souviens que la température était douce. La ville se trouvait dans les bras de Morphée, il n’y avait presque pas de bruit. Sous la douceur du printemps, les étoiles dans la nuit bourdonnante, la pente de la maison du 3bis allée de Nantes se dissipait derrière les maisons. Et autour de moi s’assemblaient les couleurs, le vert et le jaune et l’orangé du soleil qui se déposait sur les arbres et buissons cachés derrière les chênes, puis s’échappait au fur et à mesure du mouvement des voitures sur la grande voie. Du haut de ma tour aussi, j’aime apercevoir ce gros nuage orange et silencieux. Ce nuage m’apaise. Il m’apporte un vent doux qui me chante une berceuse. Mais il est éphémère et il repart très vite mais ce n’est pas grave car demain, à nouveau, il sera là. Et à nouveau il éclaircira les jours sombres. Je dis orange, mais il est souvent rose ou même un peu jaune. En fait, il est comme une énigme que je dois déchiffrer chaque jour, par exemple, lorsque le soleil se lève, l’école qui est devant chez moi, une école comme toutes les autres écoles, vers 6 heures le matin, elle devient un des plus beaux endroits du monde, un paysage magique avec en arrière-plan deux lumières superposées, l’une blanche et l’autre sombre qui forment une sorte de couleur étrange, très belle qui me donne envie de commencer la journée. La lumière se diffuse sur la cour de récréation, sur la forêt aussi derrière. Là-bas, quelque part en haut de la ville, il y a même un endroit où on peut voir Clichy, Livry et bien après, c’est la forêt mais ils ont coupé les arbres et puis là, c’est en travaux mais je peux vous dire que là-haut, vous pouvez être vraiment tranquille quand vous voulez rester seul. Et autour il y a les arbres et le ciel magnifique que vous pouvez voir au coucher du soleil. On ne saura jamais à quel point on l’aime. On pourrait croire qu’on habite notre maison mais non. On s’en rend compte quand on quitte notre ville pour un voyage. À un certain moment, il y a un manque, un manque de chez soi. On pense que c’est notre maison qui nous manque mais non, c’est notre ville. Dans la voiture, dès qu’on arrive dans la ville, on se sent mieux. On regarde les bâtiments, les paysages, on est heureux. Maintenant

(extrait du livre écrit par les lycéens de Clichy-sous-Bois )

3 février 2016
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