Dans l’antre du roi de la montagne

Lors d’une précédente résidence (à l’Institut National de l’Audiovisuel), il a été abondamment question d’images muettes – sans doute pour rétablir des équilibres (comme on compense la minute de sauna par un petit bain de neige), on s’occupera pendant les mois à venir de bandes sonores sans image. Douze étudiants du BTS Culture audiovisuelle et artistique, section Son, sous la houlette de leur professeur-&-écrivain Stéphane Audeguy (qui manie élégamment la houlette, comme si c’était un porte-plume), vont en effet s’initier aux joies de l’écriture de fictions radiophoniques. Ce qui suppose d’emblée d’en écouter, un certain nombre, tant longues que brèves, humoristiques ou horrifiques, d’en interpréter et d’en analyser le contenu, de voir comment la chose se construit puis d’en construire à son tour.

Pour débuter sans trop de brusquerie une promenade du côté du sonore, l’auteur-en-résidence (a-e-r) a choisi d’entamer son premier jour par l’audition (suivie de la vision) d’un film : le premier film sonore de Fritz Lang.

Dans son célébrissime M le Maudit, Fritz Lang fait preuve, c’est une évidence, d’une admirable maîtrise de l’image, héritée de sa pratique du cinéma muet (gestes, affiches, ombres, objets, décor, volumes, signes et géométrie), mais s’ingénie aussi à jouer avec les indices sonores (coucou, cloches, klaxons, crieurs de journaux et le célèbre Dans l’antre du roi de la montagne de Grieg, sifflé approximativement par le personnage de l’assassin). À partir de ces seuls indices sonores, les étudiants sont invités à reconstituer le récit des premières séquences de M – puis à imaginer (en dignes futurs auteurs de fictions radio) comment traduire par des sons les indices donnés ici par les images – comme le disait Arthur Schopenhauer dans d’autres circonstances, c’est plus facile à dire qu’à faire.

Bien sûr, nous ne sommes pas là pour seulement définir la radio de façon négative (selon quoi la fiction radio serait un téléfilm sans les images) ; mais plutôt pour faire découvrir les innombrables possibilités de la fiction sonore : ses vertus, ses qualités, ses fantaisies, ses idiosyncrasies, et même ses atouts refusés au cinéma comme au théâtre. Ce qui faisait dire à Orson Welles cette phrase si souvent citée par les réalisateurs de la Maison de la Radio (et reproduite ici de mémoire) : Je préfère la radio au cinéma, l’écran y est beaucoup plus grand.



22 septembre 2015
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