Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons
Avec la publication de Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons [1], sous la direction de Frédérik Detue et Pierre Ouellet, les études volodiniennes s’enrichissent d’un nouvel opus qui ouvre de multiples voies et perspectives. Ce volume apporte une pierre supplémentaire à l’édifice critique suscité ces dernières années par l’œuvre d’Antoine Volodine. Ainsi, en 2006, les éditions Minard avaient fait paraître un volume d’articles, dirigé par Anne Roche et Dominique Viart, dans la collection « Ecritures contemporaines », intitulé Antoine Volodine. Fictions du politique [2]. L’année suivante, paraissait aux éditions Cécile Defaut la thèse de Lionel Ruffel sous le titre Volodine post-exotique [3]. Ce troisième ouvrage comprend, d’une part, la plupart des contributions du « Colloque de Moscou », qui avait été organisé par Frédérik Detue et Ekaterina Dmitrieva les 14 et 15 avril 2006 et, d’autre part, des contributions inédites de chercheurs québécois. De Moscou au Québec – il ne faudrait pas oublier Aix-en-Provence – l’internationale post-exotique, en voie de constitution, entend défendre et faire connaître cette œuvre déroutante et passionnante. C’est bien le sens du titre choisi par les directeurs de ce volume : l’illustration se met au service d’une défense de cette œuvre encore trop méconnue du grand public.
Il n’est jamais simple de rendre compte d’un ouvrage collectif tant les perspectives adoptées diffèrent d’un auteur à l’autre. Dans l’avant-propos, Frédérik Detue et Pierre Ouellet positionnent le post-exotisme contre le présentisme que recèle potentiellement le terme de « littérature contemporaine », ils entendent nous mettre en garde contre ce présent qui « […] entend tout prendre au piège de l’indifférenciation » (p. 7). Selon eux, le post-exotisme relève d’un engagement « […] dans le fleuve de l’histoire à contre-courant […] » (p. 8) et, simultanément, d’une projection vers la fin de l’histoire humaine, la fin de cette civilisation qui avait pour nom humanité. On ajoutera, en écho, que l’œuvre post-exotique entend résister à la tentation du présentisme en rallumant – fictionnellement – les feux de la grande tourmente révolutionnaire du siècle passé. Les ouvrages antérieurs l’avaient déjà mis en valeur : la Volodinie est une terre d’histoire, en un mot une terre politique.
Or, comme le soulignait Fernand Braudel, il n’est d’histoire sans géographie. Et l’histoire de notre ouvrage commence à Moscou avec la participation de chercheurs moscovites qui découvraient l’œuvre d’Antoine Volodine et en ont proposé des lectures originales depuis cette terre russe si présente dans le post-exotisme. Tout d’abord, Nadia Buntman, dans une contribution intitulée « La multiplication des plans narratifs », interroge les transgressions génériques, identitaires, spatiales et temporelles dans le post-exotisme. Elle insiste sur les phénomènes de cryptage, les pièges que recèle la lecture des proses d’Antoine Volodine. Et elle conclut sa réflexion sur un constat d’échec : « […] le texte ne s’ouvrira pas » (p. 273). Et, en ce sens, cette mise en garde explique en retour le pouvoir d’attraction de cette œuvre sur les chercheurs et, plus généralement, sur les lecteurs. Annie Epelboin, quant à elle, nous propose une comparaison entre le post-exotisme et l’œuvre, elle aussi injustement méconnue, d’Andrei Platonov [4]. Par-delà la distance temporelle qui les sépare, elle propose un portrait des deux écrivains en « témoins de l’obscène catastrophe » (p. 214) que représente l’échec du projet révolutionnaire au XXe siècle. L’expérience des camps, l’échec de l’utopie politique ont provoqué la perte d’un idéal de fraternité, semblent avoir rendu toute communauté impossible. Elle ébauche l’idée d’une littérature véritablement politique au sens où cette littérature interroge les refoulés de l’Histoire, ce qui la rendrait « irrecevable ». Néanmoins, chez Platonov, la révolution meurt « […] à petit feu, de récit en récit […] » (p. 221), tandis que, chez Volodine, la révolution est morte avant même le début du récit. Et même très morte. Il ne resterait en fin de compte, chez les deux écrivains, que la « nostalgie de l’avenir » (p. 224). Enfin, Ekaterina Dmitrieva, dans une contribution aussi originale qu’amusante intitulée « Les crocodiles dans la Néva », esquisse une lecture du second roman d’Antoine Volodine, Un navire de nulle part, vu à travers le filtre pétersbourgeois. Elle insiste sur la nature onirique de Saint-Pétersbourg, qui a tant marqué la littérature russe, et voit dans ce roman le réinvestissement de l’onirisme propre de cette ville construite sur des marécages, sans cesse menacée d’engloutissement dans ce chaos dont elle est issue. On constatera avec elle que le « devenir amazonien » (p. 243) de Petrograd, tel qu’il est représenté dans le roman, s’inscrit dans un paradigme littéraire plus vaste et que le triomphe de la selve sur la révolution retournée à une inertie de pachyderme songeur constitue une réflexion sur le pouvoir, les formes de l’organisation humaine. Un roman prophétique car il constate, avant l’effondrement du bloc soviétique, l’ampleur du désastre : l’histoire n’étant plus qu’une « […] succession de dégradations et d’aberrations volontiers enrobées dans la plus triomphante des phraséologies […] [5] ». Encore aurait-on pu souligner que, pour l’auteur Antoine Volodine, le désastre n’était pas encore consommé au moment de l’écriture de ce livre, que le lexique bolchevique réinvesti sous forme de pastiche – comme le note très justement Ekaterina Dmitrieva – n’est pas qu’une coquille vide et que le commissaire Wassko Koutylian, tout comateux qu’il soit, dans ses rares périodes d’éveil, rêve de redonner un sens à la révolution bolchevique originelle. L’Union soviétique d’Andropov était bien en proie à ces contradictions entre rêves révolutionnaires fiévreux et coma bureaucratique prolongé.
De nombreuses contributions font d’ailleurs la part belle à l’utopie – ou à ce qu’il en reste – et à la notion volodinienne de « désastre ». Ainsi, David Clerson propose une réflexion sur « La beauté du désastre » en esquissant un parallèle entre le post-exotisme et une bande dessinée de David B. intitulée La Lecture des ruines. Audrey Camus interroge « l’humour du désastre » en replaçant le post-exotisme dans le cadre générique du spoudogeloion et, tout spécialement, de la satire ménippée étudiée autrefois par Mikhaïl Bakhtine. Rappelant les caractéristiques du genre – dimension comico-sérieuse, hybridité formelle, motifs récurrents tels que le songe, le voyage aux Enfers ou le dialogue des morts – elle en constate la présence dans le post-exotisme. Même si Antoine Volodine revendique clairement son autonomie et son originalité, le parallèle est éclairant, comme si le post-exotisme renouait, à sa manière, avec une tradition ancienne dont l’une des principales caractéristiques serait la parodisation de l’héroïsme, la « […] conjonction du rire et de la désolation […] » (p. 128). Shawn Duriez interroge, quant à lui, la notion d’utopie à l’heure de la post-modernité [6]. Certes, comme il l’écrit, le genre utopique depuis Thomas More présuppose que l’homme a un rôle à jouer dans l’amélioration de sa condition, ce qui l’oppose au fatalisme volodinien comme aux désillusions politiques volontiers associées à la post-modernité, mais, pour autant, le post-exotisme me semble plutôt relever d’un régime propre à la modernité. Si le post-exotisme est bien un « tombeau des mouvements révolutionnaires » (p. 209), c’est aussi au sens d’hommage, de résistance à l’oubli qui menace la tradition révolutionnaire. Il faut bien constater que cette épopée-là n’en finit pas de finir. D’ailleurs, Frank Wagner, avec sa rigueur habituelle, s’interroge sur ce qu’il reste de nos amours [7]. Entendu, de nos amours révolutionnaires. Il propose une réflexion sur les liens entre textualité et valeurs dans le post-exotisme. Il s’agit, selon lui, d’un univers où l’axiologie est très marquée, mais loin de s’en tenir à cet apparent manichéisme, il insiste sur l’idée d’une mise en scène « […] à la croisée de l’éthique et de l’esthétique […] » (p. 278). Il met en valeur dans son analyse les vecteurs de brouillage de cette idéologie apparemment univoque, l’enchâssement des voix, l’impossibilité de déterminer le véritable dépositaire de l’énonciation, le traitement déceptif et aporétique des voix post-exotiques, ces voix de parias qui se battent pour une cause « […] toujours déjà perdue […] » (p. 289). Au final, l’œuvre d’Antoine Volodine n’est pas un « […] bréviaire du parfait petit révolutionnaire […] » (p. 291) mais une œuvre profondément originale au sens où elle favorise la transgression, la polysémie et la distanciation, favorisant de ce fait la réflexion plutôt que l’embrigadement de ses lecteurs. Tout en préservant la survie de nos fragiles amours défuntes.
Certaines contributions se penchent sur la poétique post-exotique. Ainsi Lionel Ruffel interroge « Spectacles et écrans ». Dans ce cadre, il insiste sur l’idée qu’il « […] existe en deçà des textes une réalité insoutenable, ce que Freud appelait une scène primitive, dont les romans refusent de rendre compte directement » (p. 91). Pensons simplement au martyre de Verena Becker dans Songes de Mevlido. Et, en ce sens, les narrateurs post-exotiques ne cessent de parler d’autre chose. La littérature fait écran, est écran (p. 98). Sert à dissimuler. De son côté, Pierre Ouellet se plonge dans la genèse de la poétique volodinienne à partir des notions de vue et de voix qu’il considère comme origines du texte [8]. Il invite le lecteur à « […] entendre le langage de l’image […] » (p. 366) et il s’appuie en particulier sur un texte encore inédit qui évoque un personnage de vieille chamane révolutionnaire accroupie dans le noir, la noirâtre, figure inédite de l’imaginaire post-exotique. Une vieille marmonnante, ressassante. L’univers post-exotique apparaît ainsi, dans sa genèse, comme une « […] caverne obscure […] » (p. 376). Il semble apparenté au temps du Rêve des aborigènes australiens.
D’autres contributions éclairent des aspects thématiques de l’œuvre. Jean-Pierre Vidal propose une réflexion sur le martyre considéré comme un des beaux-arts [9]. Étrange titre pour une étude des variations de Bardo or not Bardo et une réflexion sur cette étrange conjonction qu’il décèle entre Bardo Thödol et révolution. Or, comme il le remarque, ces deux référents explicites dans le texte constituent « […] deux de ses grands discours sur la liquidation desquels le postmoderne se prétend surgi » (p. 104). On insistera de nouveau : le postmoderne n’est sans doute pas le meilleur point de départ pour aborder le post-exotisme. Et, au final, l’on peut se poser, avec lui, cette question : l’œuvre post-exotique aurait-elle une dimension thérapeutique ? De fait, Gilles Deleuze considérait que les grandes œuvres avaient un rôle thérapeutique et comparait volontiers les grands écrivains à des médecins. Dès lors, on comprend que Tiphaine Samoyault ait choisi d’interroger le thème de « La compassion » chez Antoine Volodine et J.M. Coetzee. Il s’agit de définir chez ces deux écrivains ce que pourrait être une poétique de la compassion, de faire entendre « […] deux façons politiques de faire avec l’écriture de la violence » (p. 297). Chez Antoine Volodine, l’indifférenciation entre victime et bourreau apparaît ainsi comme une fausse égalité. Et, au final, elle s’interroge sur la simple possibilité de compassion dans l’univers volodinien. Question à laquelle elle répond positivement puisque, de fait, Des anges mineurs apparaît comme « […] le grand roman de la compassion […] » (p. 310). Le texte post-exotique revendique la compassion, ne serait-ce que pour les bêtes, grandes ou petites, pour ces ourses qui accouchent ou ces éléphants mutilés et silencieux qui apparaissent dans le rêve de Julie Rorschach.
Anne Roche, qui compte parmi les pionnières de l’étude du post-exotisme, se tourne elle aussi vers les animaux et, plus précisément, vers les marges animales [10]. S’appuyant en particulier sur un entretien – depuis lors paru dans la revue Europe – avec l’auteur, elle entreprend de déterminer la place de l’animal dans l’œuvre. Partant du constat que, chez Volodine, l’animal n’est ni honnête animal ni humain masqué, elle interroge le « Tiergarten » (p. 316) post-exotique où la frontière entre humain et non-humain est largement mise en question. D’ailleurs, l’animal apparaît comme « […] une figure paradoxale de la misère et de la force […] » (p. 320). Dès lors, on comprend que, pour l’écrivain, se placer « […] en retrait génétique […] » (p. 324) renvoie à une position éthique clairement assumée. Entreprendre de parler de l’homme depuis l’animalité permet d’observer et de prendre la mesure du désastre historique. Ainsi, il apparaît clairement que « […] l’animal [est] l’avenir de l’homme […] » (p. 325). À commencer par les araignées honnies. Voire encore, que ceux qui se prétendent humains – ceux de la pièce radiophonique « Outrage à mygales » – n’ont d’humain que le nom qu’ils s’attribuent. Ceux-là descendent des araignées. Au final, Anne Roche rappelle très justement que les animaux ne sont guère que le produit des affabulations du collectif carcéral d’énonciation. Tous ces animaux ne sont que des animations mais elle insiste sur l’originalité du dispositif ou, pourrait-on dire, des dispositifs dans lesquels ils apparaissent.
Dans un registre différent, Marie-Pascale Huglo esquisse un éclairant inventaire des « Bouffées d’odeurs » dans le post-exotisme. Elle note que la puanteur occupe une place essentielle dans les bouquets d’odeurs, au point précis où olfactif et politique se recoupent (p. 152). Elle note également une étroite imbrication entre Éros et Thanatos. Elle fait le lien entre les odeurs et le devenir-animal des personnages. Enfin, elle insiste sur la place des odeurs dans la mémoire affective (p. 157). L’odeur est un lieu de mémoire. On ajouterait volontiers : c’est un connecteur entre les espaces, les temps. François Gonin, quant à lui, propose une réflexion poétique sur « Le murmure nocturne des pirogues » en s’appuyant essentiellement sur Le Nom des singes. Guillaume Asselin cherche à situer le projet métaphysique d’Antoine Volodine en convoquant de multiples références à l’alchimie et à la cosmologie [11]. En ouverture, il propose un parallèle entre un film d’Alex Proyas intitulé Dark City – datant de 1998 – et le post-exotisme. Ouvrant de nouveaux territoires de recherche, il considère que Des enfers fabuleux – dont il emprunte une citation en titre – est un roman qui « […] s’enlève sur le fond du vieux rêve alchimique » (p. 63). Et il cherche à déterminer les composantes de l’athanor post-exotique. Le sous-titre de la communication suggère un rapprochement entre post-exotisme et eurotaoïsme, notion qu’il emprunte au philosophe allemand Peter Sloterdjik, mais cette référence ne semble pas pour autant convaincante, ou simplement utile dans le cadre de son article. Quant à Fabienne Claire Caland, elle se tourne du côté du surréalisme. Elle reprend en titre une formule d’André Breton – « Il y aura une fois [12]… » – pour analyser les séquences – les fables – balbutiaresques de Nos animaux préférés. On retiendra trois éléments essentiels. Tout d’abord, un parallèle, qui ne se veut pas simple mise à plat, entre le personnage du roi Balbutiar entravé sur son rocher et le Gregor Samsa de La Métamorphose de Kafka. D’autre part, une réflexion sur les deux corps du roi qui éclaire de manière très originale le récit. Puis elle esquisse un rapprochement entre le roi Balbutiar et le roi détrôné Will Scheidmann comme figure du ressassement post-exotique, dont on a vu précédemment une nouvelle incarnation épurée dans la figure de la Noirâtre.
Enfin, l’initiateur du colloque de Moscou et codirecteur de l’entreprise, Frédérik Detue propose une réflexion foisonnante sur le post-exotisme, convoquant de multiples références pour dresser un « Portrait de l’artiste en Stalker ». Dès l’ouverture, il suggère que le pseudonyme de l’auteur constitue un « terrain miné » (p. 36). Il emprunte nombre de ses références à l’univers russe, que ce soit celui de la littérature soviétique – en particulier Zamiatine, Platonov et Vsevolod Ivanov – ou celui du cinéma soviétique – en particulier le Stalker de Tarkovski. Il met en parallèle l’espace de la steppe et le « […] temps suspendu de la révolution […] » (p. 48). Cette manière d’écrire l’Histoire depuis sa fin – fantasmée – renverrait au final à une forme d’apocalypse prophylactique (p. 48), autrement dit décrire l’Apocalypse pour en conjurer la venue. Pour Frédérik Detue, l’ancrage soviétique – plutôt que russe – renvoie à une réflexion sans complaisance sur le système soviétique. Il reprend ainsi cette idée d’Andreï Tarkovski, énoncée dans Andreï Roublev, selon laquelle « […] un artiste ne peut exprimer l’idée morale de son temps, s’il ne touche pas à ses plaies les plus sanglantes, s’il ne les vit pas et ne les endure pas en lui-même […] » (p. 49). Ces plaies sanglantes de l’Histoire qui ne sont toujours pas refermées. Et qu’inlassablement ressassent, dans leur geôle, les narrateurs post-exotiques.
À la lecture de ce survol beaucoup trop rapide, on comprend que Frédérik Detue et Pierre Ouellet nous donnent à lire un ouvrage foisonnant, passionnant, destiné à tous ceux – critiques ou lecteurs – qui se sont épris du post-exotisme. L’ensemble ouvre des pistes de réflexion nouvelles, prolonge des réflexions initiées dans les ouvrages précédents et laisse à entendre que le travail est loin d’être parvenu à son terme. Terrain miné, piégé, dédale polyphonique, le texte post-exotique ne se laisse pas si facilement interpréter, voire emprisonner dans les bandelettes de la critique.
Enfin – et ce n’est pas le moins intéressant –, l’ouvrage inclut deux textes inédits d’Antoine Volodine. Le second est un texte où l’auteur explicite sa démarche de travail et sa position [13]. Il y révèle que le terme de « post-exotisme », qui a depuis lors fait couler tant d’encre, lui est venu en réponse à la question d’un journaliste qui lui demandait où il se situait. Question sans fondement puisque : « Je me situais là où j’écrivais » (p. 386). Il propose ensuite quelques définitions du post-exotisme insistant sur l’idée de « rupture » et de « différence ». Cette différence renvoie plutôt, dans son esprit, à un « mécanisme d’auto-défense » (p. 388). Et il revient également sur sa vision tragique de l’Histoire et sa volonté de parler depuis la défaite. Le premier texte est, quant à lui, une courte fiction inédite intitulée : « La stratégie du silence dans l’œuvre de Robert Malipiero ». Le narrateur revient sur le parcours et l’œuvre d’un écrivain solitaire – mais génial, selon lui – mal accueilli par le public, la critique et les éditeurs. Antoine Volodine nous donne à lire un discours critique habilement parodié qu’il faut évidemment mettre en écho avec le reste de l’ouvrage. De fait, le narrateur met en lumière ce qu’il appelle la pratique de « l’étrécissement onomastique » dans l’œuvre de Robert Malipiero. Ce dernier ne cherche plus à différencier ses personnages au point qu’il leur donne, à tous, le même nom ou des variantes extrêmement proches. Tous les personnages – alors que les cadres narratifs sont extrêmement variés – s’appellent Woolf, Wolfo, Hollph, Folf, Flöff… Son chef-d’œuvre s’intitule Wolff.
Dans ce texte, Antoine Volodine mêle une verve mordante et caustique à des effets de parodie de la critique universitaire. Néanmoins, la prolifération des Schlumm et autres Puffky dans son œuvre laisse à entendre que ce Robert Malipiero, quoique distinct d’Antoine Volodine lui-même, n’en est peut-être pas si distant. Pas plus que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette, disons.
[1] Frédérik Detue et Pierre Ouellet, Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons, vlb éditeur, coll. « Le soi et l’autre », Montréal, 2008.
[2] Anne Roche et Dominique Viart (dir.), Antoine Volodine. Fictions du politique, Éditions Minard, Caen, 2006.
[3] Lionel Ruffel, Volodine post-exotique, Éditions Cécile Defaut, Nantes, 2007.
[4] Annie Epelboin « Platonov et Volodine ou la communauté impossible ». Bien que classée parmi les chercheurs russes, notons qu’Annie Epelboin est maître de conférences à l’université Paris 8, spécialiste d’études slaves.
[5] Antoine Volodine, Un navire de nulle part, Denoël, coll. « Des heures durant… », Paris, 2003 [1986], p. 354.
[6] Shawn Duriez, « L’utopie à l’heure de la post-modernité ».
[7] Frank Wagner, « Que reste-t-il de nos amours ? Post-exotisme et valeurs ».
[8] Pierre Ouellet, « La vue et la voix. Genèse de l’univers post-exotique ».
[9] Jean-Pierre Vidal, « Du martyre considéré comme un des beaux-arts ».
[10] Anne Roche, « La marge animale ».
[11] Guillaume Asselin, « « Un collage vous parle. » Le post-exotisme et l’eurotaoïsme ».
[12] Fabienne Claire Caland, « Il y aura une fois le roi Balbutiar ».
[13] Ce texte s’intitule « A la frange du réel ».