Des filles, des guerrières

Des rugbywomen que j’ai rencontrées, des jeunes filles, des guerrières ! Les deux pour de vrai !

Des filles qui forment une équipe, viennent de plusieurs classes différentes, toutes inscrites au collège Jules-Vallès de Vitry/Seine. Elles jouent au rugby comme elles jouent de leur vie. Une vie comme un instrument de musique que l’on fait sonner. D’après leur professeur M. Elias, avec cette pointe d’accent du Sud-Ouest, elles manquent encore de technique (mais ce qu’elles aiment, c’est la castagne). Quelques-unes ont des bouilles incroyables de bagarreuses, d’autres sont douces, en apparence. Me croisant sur le chemin du retour, sous une pluie battante, une m’appelle pour me dire de bien faire attention àmoi, traduire : « Â Prenez soin de vous, madame.  » Elles sont super enthousiastes que je vienne àleur rencontre, me croisant dans le bus du retour avec une expression de ravissement dans l’œil. Un écrivain vient les voir, essaie de savoir ce qu’elles donnent, comment se comporte une fille qui ne joue plus au rugby ? Ce passage àla vie quotidienne, sans le rugby, cette transformation de la fille àla joueuse. Ce rituel de l’habillement, j’allais dire de la parure, dans le vestiaire, comment se parent-elles pour aller au combat ? De quoi parlent-elles entre elles pour se rassurer, se réconforter ? Elles se crèment. J’aime beaucoup leur langue fleurie. Elles aiment sentir bon, et s’habiller de frais, mais après la bataille contre l’équipe adverse.

Je ne suis pas très loin de mon projet initial : « Â de l’habit au costume de théâtre  », mais là, j’y ajoute l’engagement du corps. Ce corps qui se déploie pour aboutir àun essai.
Mon but (inavoué) serait de faire rencontrer les élèves du lycée Camille-Claudel, une première année de mode àces guerrières. Peut-être qu’une d’entre elles, ira, plus tard, dans ce lycée ? Le contraire me paraît impensable.

Elles s’engagent parce que le père, le frère, la sÅ“ur fait du rugby, certaines oublient la douleur sur le terrain, d’autres se font violence, c’est dur d’aller chercher le ballon dans la mêlée, « Â mais si tu n’aimes pas le contact, tu restes au chaud chez toi  ».

En tout cas, il y a une chose de sà»re, l’esprit d’équipe, celui qui permet de se sentir unies, ne pas être prises pour des petites filles fragiles, sans défense, les rend décidées et remarquables. Et làmon projet touche àquelque chose d’essentiel : « Â S’habiller pour que quelque chose de terrible m’arrive au moins quand je suis habillé !   »Â dit Peter Handke, dans Le poids du monde.

Sinon, àquoi bon…

24 janvier 2016
T T+