Fred Griot | bref (extrait 1)

un début, une base, une pierre pour le texte àvenir...

Fred Griot - Rentilly




voilàque je parle.


bref. rien de nouveau. pas trop se prendre au sérieux.

juste essayer de balbutier tant bien que mal.

ça reste un petit effort dérisoire.

juste enfoncer le clou.


et puis choisir une bonne fois pour toutes : parler ou te taire. àmoins que les deux disent tout autant. qui sait.


...


mais tu sais un peu, tout de même, ce que tu cherches àdire. et ça n’est peut-être pas possible.

peut-être même est-ce pour cela que tu continues. que ça se met àparler doucement. que tu essaies de balbutier. pour ce manque.


oui peut-être est-ce bien dérisoire. clownesque, piteux. àtenter comme ça et avec de si grandes chances d’échouer. encore une fois. grotesque. àtenter de causer comme ça. àsortir de ton silence. àtenter de parler. d’être entendu. ensuite, peut-être. peut-être impossible. entendu par qui. par l’autre. le grand autre. le grand méchant autre ?

rester modeste.


pour l’instant écouter d’abord. petitement.

et laisser couler. le temps. habiter le temps coulant.

alors oui. tenter de travailler àce bas tempo-là. du temps. sur steppe nue froide ventée. longtemps.


avancer. fouiller, fourailler au fond.

au fond fond.

travailler au fond. avoir. avoir des temps.

travailler au temps. avec le temps. travailler au ventre. travailler au ventre le trou. notre béance. notre bouche. la béance de notre bouche. travailler au tempo. àce tempo-là. àce bas tempo làdu temps.

trouver le ton le timbre.

parler bas.

oui oui.



tenter de parler le plus clair possible. léger, simple, net. limpide, lucide comme une eau de montagne.

basta.

fini les circonvolutions les circonlocutions. les complications. les confusions. éclaircir le trait. dépouiller.

essayer.













c’est le soir donc. ànouveau. encore un. je ne sais plus si je l’ai dit. combien de soirs depuis le début ?













écouter.

écouter au dehors. les bourrasques. la neige. ne pas toujours écouter que la petite voix dedans agitée lancinante. ne pas écouter que soi, la voix, se regardant faire, s’écoutant être…

la délaisser. l’abandonner un peu. la calmer. écouter dehors.



ce soir enfin j’entends ce silence. de nouveau. mais je ne sais pas ne pas le dire. et je le dis mal. sans doute.


peut-être. peut-être je n’y arriverai pas.

ne pas le dire alors. se taire.


le silence dehors. suffit. suffit.

écouter dehors fait du silence dedans.

suffit.













il neige.



ça se met àdéposer abondamment.


avec le soir.














moi qui parle.

ça doit être moi qui parle.

dans tout ce silence.


il faudrait, oui, il faudrait le laisser parler, « lui  », librement, sans frein, celui qui parle, c’est-à-dire moi, ça doit être moi, ma tête, ma pauvre tête. reprendre où il en est. et le laisser faire. aller. le laisser glisser. le laisser vivre, se répandre, s’épancher. tranquille.

ça parle déjàassez, bien assez sans doute, mais c’est surtout de parler librement, fluide, clair dont il s’agit.

de parler pour s’éclaircir un peu. si possible, possible un peu.

noter et dire, ce que nous sommes, ce qu’est le monde, simplement, clairement, librement. sans doute ça qui importe. fait ce que nous sommes. sacré boulot, tiens.



mais il y a tous ces jours où l’on a l’impression de ne pas avancer et pourtant ça avance. toujours, sans relâche. où l’on n’est pas sà»r d’y arriver et pourtant ça arrive toujours. quelque part. au pire àla toute fin.

ça se dit. ça finit pas se dire. tant bien que mal. toujours. même sans nous. murmure susurre. perdure perdu au travers du vent. emporté. dans le vent. qui coule. se répand. le temps. qui coule. ruine tout.

de toute façon.


ça coule toujours, et on fait aller, comme on dit. sagesse populaire.

on continue àpasser. va et vient. fébriles, bouillonnants, dépouillés. jusqu’àla mort.


on coule. on glisse. on est du devenir fluant. ne se souvenant ni d’où l’on vient ni ne sachant où l’on va. on y va. c’est tout. c’est sà»r.

juste savoir que l’on est. que l’on devient. que l’on sera l’engrais futur des arbres làet des herbes làqui plient làdevant nous sous le vent. sur la lande.

on essaie d’être alors que l’on devient. on y arrivera peut-être, àsaisir ça, àaccepter ça, que l’on ne saisit rien fermement, il faut essayer encore, mais on meurt en général en chemin.


et pourtant sur ce bout de chemin, passager, la possibilité tout de même de trouver un peu de calme, d’abandon, de paix. et puis d’être touché, vibrer. avec les choses, avec les êtres, les bêtes. de ressentir un brin, attendri, ce que les autres, les bêtes, les bêtes muettes, les autres, éprouvent. de dire un peu aussi peut-être ce que c’est que de vivre. de léguer alors un peu de traces.

de trouver enfin un peu de sérénité d’ainsi se laisser être, coulant, devenant…







18 septembre 2017
T T+