« Signes de rien / ils ne disent pas autre chose qu’eux-mêmes / ils sont les événements / les seuls événements / de purs événements » : ainsi sont les fantômes, selon Pierre Antoine Villemaine, avec lesquels il faut apprendre à parler. En effet, « quelque chose s’est arrêté. Et pourtant tout doit continuer. […] Pour entrer dans un livre et dans la mémoire des siens » (Jacques Josse à propos du livre d’Emmanuel Rabu sur la mort de sa mère). C’est l’expérience que mènent Sereine Berlottier, mêlant un journal de deuil à sa lecture de Kafka, Antoine Mouton en évoquant la disparition de son amie Hermine Karagheuz ou encore Anton Beraber constatant que, malgré ses croyances, le Territoire qu’il arpente n’échappe pas lui aussi « à la fatalité des échéances humaines » : « s’y poursuit, au contraire, la chimie pénible du disparaître, la dispersion des éléments du soi en les créatures prochaines et sans mémoire de nous. » Pour autant, écrire n’est-il pas justement le seul moyen d’entrer en territoire fantôme pour parler « de ce qu’est la vie dans la vie et de la mort dans la vie » (Aude Pivin) ?
Où notre corps se tient-il, sinon tout au bout de nos sensations, là où l’intelligence n’est qu’une ombre portée depuis de lourds volumes oubliés sur des escarpolettes ou des guéridons en fer forgé ?...
Quatrième livraison. Le poème ne fixe rien de ce que nous savons voir : il n’est que le pense-bête – de quelque manière qu’on prenne cette expression – de ce que nous ne saurons jamais ne pas avoir vu...