« Il fallait attendre »

J’écris Ouaga, 2007 à2010, R. Pourquoi R ? L’animateur de l’atelier a dit : Si c’est un lieu où vous retournez régulièrement, écrivez R.
Donc R.
R n’est pas un mensonge. C’est une intention, une volonté contrariée.
J’écris R, alors que non, je n’y retourne pas. Pas encore.
Au début, parce que c’était trop tôt. Il fallait attendre. Attendre que là-bas les choses changent un peu, que l’histoire et le temps s’étirent et cessent de tout écraser. Il importait que le retour ait un sens.
La chaleur sèche, la poussière sur les ailes des papillons morts, la pulsation frénétique des rues et les silences des sages, les églises et leur trop-plein d’humanité dansante, de rythmes et d’espoirs, les rires, les chants et les prières seront toujours là, tout cela ne peut disparaître.
C’était trop tôt et je pensais qu’il ne serait jamais trop tard, qu’entre le soulèvement du peuple et l’avenir ne se produirait rien d’autre qu’une transition paisible.

Agnès Clancier

Je te retrouve enfin. Mon pays, ma terre. Ouagadougou, làoù je me sens chez moi. Tous les ans, la même chanson, je me sens de nouveau complète en la retrouvant. Sa nature qui me donne du baume au cœur, son soleil éclatant qui dessine un sourire sur mon visage, ses gens si accueillants et familiers. Je recroise l’homme barbu, qui sent la cigarette froide, avec qui j’avais énormément parlé durant mon enfance. Je vois cette femme, cheveux grisonnant et lunettes sur le nez, elle m’a gardée lorsque j’étais bébé. Je retrouve les odeurs un peu épicées qui viennent du marché. Et toutes ces couleurs, le rouge dominant, devant lesquelles j’ai l’habitude de m’attarder.
Bientôt, je taperai àla porte de ma mère. Je la connais par cÅ“ur, elle va me dire : « Â Il fallait attendre ! Tu reviens tôt, et tes études ?  » Je vais lui répondre ce que je lui ai dit des millions de fois : « Â Je ne pouvais pas attendre.  »

Laë ticia

4 avril 2016
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