L’ampleur de la tâche

Aller voir sa carrière, ses carrières.
Chemin sombre àtravers les arbres. Une terrasse claire se dégage en contrebas le sable ànu se voit de loin. À nu parce que les moto-cross tracent remuent creusent et que la mousse ne peut résister, sable àvif les sillons des pneus. Je descends face au front de taille. La roche, ses angles nets avec souplesse par endroits, parce qu’elle casse comme elle veut, suivant les failles qui ondulent, le mouvement dans la pierre qui apparaît qui fait le bord.

Le contraste ànouveau confirmé de la roche et de la douceur autour, le bruit assourdi par le sable la mousse et le lichen qui envahissent làoù les motos ne vont pas, souple sous les pieds le sol meuble.
Plus loin une autre carrière, celle de calcaire où se taillaient les pierres des maisons. On sent la matière moins dure, plus légère, où même àla végétation s’installe où l’eau ruisselle et creuse plus vite plus facilement, làencore immense la falaise basse se déploie.

Plus loin le banc de grès réapparaît. Marcher dessus puis le sol se dérobe et descend d’un cran. La terrasse se dégage aux pieds. Le sablon sous la langue immense du bloc de roche continue. Ça fait des bouches effilées des sourires d’ombre qui affleurent le sol. Ici le front de taille fait 100 mètres de long. À combien reprend la pente naturelle  ? À 50 m peut-être  ?

C’est ce vide le travail dur le labeur le son les coups portés la détermination devant la pierre. C’est ce vide l’ampleur de la tâche la somme du travail qui a débité ce qui était làavant, dur pour Paris et ailleurs les places les rues des pavés des bordures. Le travail de tailler la montagne de ses mains y laisser la peau des doigts des bras sur la roche du grès vif.

Les lignes verticales des barres àmine de plus de 3 m parfois. Imaginer un instant ce que c’est que de planter une barre dans la roche la plus dure. À quatre ils étaient, un qui tient et trois qui frappent, la secousse que c’était àchaque coup de masse dans les bras dans les mains àla mâchoire le corps et le cÅ“ur qui tressaille sous le choc répété répété répété répété qui ne finit pas répété encore, puis cinq minutes ont passé alors un autre attrape la barre, toujours àtrois qu’ils s’y remettent qu’ils se remettent àla tâche au labeur. Attaquer la montagne de ses mains et de ses outils qui s’usent qui ne tiennent que la journée qu’il faudra forger demain ànouveau. La tâche immense d’une journée, une vie, ànégocier avec la pierre lui imprimer de force en pointillés percés sur la ligne étudiée pour qu’enfin par son poids par ses tonnes au-dessus du vide de la mince langue d’air parce que le sable a été retiré, alors par son propre poids elle cède elle se découpe se détache s’arrache d’elle-même pour tomber de pas au haut, tomber de bas, mais qui fait valser tout de même, le choc dans le sable et la réalité du poids immense, la majesté c’est sà»r, du rocher qui acquiesce.

10 octobre 2016
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