L’art de l’auto-convaincance...

L’art de l’auto-convaincance

Ou comment raisonner sa flemmingite aiguë 

(Texte àne pas prendre au premier degré)

Écrire sur le fait d’écrire. Ou plutôt sur le fait de ne pas écrire. La page blanche, la panne d’inspiration. Voilàun sujet bien creux. Comme un serpent qui se mord la queue. Si tu écris sur le fait de ne pas pouvoir écrire, alors tu écris…donc ce que tu écris est caduque, sans intérêt.
Mais je me dois d’écrire. C’est comme ça que tout commence après tout. Un mot après l’autre. Étape par étape. Quand on ne se prend pas trop la tête àmodeler inlassablement dans sa tête ce que l’on pense devoir être écrit, quelque chose qui nous tient àcÅ“ur et qu’il faudrait polir des heures, que dis-je, des mois, des années durant au plus profond de son être ; c’est làque nous pouvons commencer àécrire. Je l’ai appris àmes dépends, quand nous retenons trop longtemps ce que l’on a àdire, qu’on le bloque, qu’on se retient ; alors au moment même où cela sort…c’est mauvais. Du moins, cela nous apparait mauvais car le clivage entre l’objet idéalisé dans notre tête et le résultat empirique est bien trop grand. Trop de temps àpasser. Trop de temps àse prélasser avec des « et si je disais ça, et si j’écrivais ça, et si ce personnage était comme ceci ou comme cela  ». Et avec des si nous mettrions Paris en bouteille. Et les scies [si] n’aiment pas les raies [rait], et les moutons seront bien gardés. Là, je commence àécrire n’importe quoi. C’est le risque quand on écrit directement, sans réfléchir. Juste pour le geste. Voir la page se noircir. Produire, produire, produire. Et après revenir dessus. Peut-être que ce flux de conscience, comme disait Joyce, aura été prolifique. Si ce n’est pas le cas. Recommencer. Tout simplement. Partir peut être d’un autre point histoire de ne pas ré atterrir sur le même sentier. Après tout, j’ai l’esprit que j’ai et si je prends le même départ, il m’en faudra peu pour arriver àla même destination.
Là, maintenant, je n’écris pas sur ce non-sujet, qu’est l’absence d’écriture, pour rien. Je ne l’écris certainement pas pour mon plaisir. J’ai une échéance àrespecter. N’allez pas penser que je ne fais que remplir des pages àtaper arbitrairement, histoire de respecter cette échéance. Seulement, une pensée m’est venue. Quand je veux/dois écrire mais que je ne sais pas du tout sur quoi porter mon effort de création, je reviens, comme par réflexe, sur ce thème intrinsèque : écrire sur le quoi-écrire ; comment-écrire, pas-écrire etc… Et ce réflexe m’étonne toujours car je ne suis pas portée sur ce genre de considérations typiquement masturbatoires.
Là, maintenant, j’essaie juste de trouver un moyen de motiver mon inspiration. J’ai tellement de choses àécrire, et tellement peu d’inspiration ces derniers temps, que j’en viens àme dire que l’écriture contraignante, en ce qui me concerne, ne produit qu’un niveau zéro d’écriture : celle qui se centre sur elle-même et se répète. Cependant, alors que j’écris ces mots qui me viennent, je repense aux meilleures Å“uvres que j’ai pu écrire, celles qui me tiennent, encore des années après, le plus àcÅ“ur. Je les ai écrits sous la contrainte. Mais alors qu’est ce qui fait que, aujourd’hui, avec ou sans contraintes, avec ou sans sujets chéris, je n’arrive àme lancer ? Du moins si, j’arrive àme lancer mais avec beaucoup plus de difficultés. Il me faut extirper le mot, le sens, le rythme, la rime avec beaucoup plus de mal que avant. Ou peut-être que ce n’est pas ça. Cela ne dépend pas des périodes. De l’avant, de l’après. Des apports culturels, estudiantins qui m’auraient nourri. Cela dépend tout simplement de l’œuvre.

Oh j’ai une image intéressante qui me vient soudainement : d’une certaine manière, l’œuvre serait comme un bébé qui se développerait dans une part obscure, inatteignable pour la conscience, de notre être. Elle se nourrirait de tout ce qui fait notre inspiration, notre expériences, nos sentiments, notre vécu ; àla manière de l’enfant dans le ventre de sa mère qui nourrit de toutes les protéines, vitamines qu’elle lui transmet ; et continuerait àse développer tranquillement dans son coin de pénombre.
Le jour où nous avons l’idée phénoménale, l’idée du siècle. Ce jour ou l’œuvre décide de mettre juste un petit orteil dehors, nous pensons qu’elle est en train de se faire, qu’il faut activement l’extirper pour la mettre au monde. Mais non ! Tout ce que vous en ferez c’est un bébé prématuré. Quand il est l’heure qu’elle sorte, elle sortira. Car elle est déjàtoute complète àl’intérieur. Il faut juste, àl’instant T, la laisser venir progressivement. Si elle ne vient pas c’est qu’elle n’était pas prête.

Et alors il faut espérer : Inch’Allah, elle sera prête pour le jour J.

Solweig Cicuto

28 mars 2017
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