La résidence de Cécile Vargaftig, introduction

La résidence 2017 de Cécile Vargaftig àla médiathèque de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches est la suite d’un travail initié en 2013, le Voyage immobile.

Ce texte a eÌ teÌ eÌ crit au cours d’un « atelier roman  » que j’ai animeÌ de septembre aÌ€ deÌ cembre 2013, dans le service neurologie de l’hôpital Raymond-PoincareÌ de Garches. Ensemble, nous avons choisi de raconter le seÌ jour d’un patient comme s’il s’agissait de l’exploration d’un territoire inconnu, sur le mode des romans d’aventures du XIXe sieÌ€cle. A chaque seÌ ance, chaque patient a eÌ voqueÌ sa propre expeÌ rience, guideÌ par des contraintes narratives poseÌ es d’entreÌ e de jeu (l’arriveÌ e, le danger, l’exploration du lieu, etc.) J’ai recueilli leurs phrases par eÌ crit puis j’ai composeÌ un texte aÌ€ partir de ces seules phrases, transformant ainsi leurs paroles multiples en une voix commune, dans laquelle ils se sont tous reconnus. Je lisais le texte eÌ crit ainsi au deÌ but de chaque nouvelle seÌ ance, associeÌ aÌ€ un extrait d’un texte classique qui me semblait correspondre. De temps en temps, la relation entre nous s’approfondissant, je me suis permis d’apparaiÌ‚tre dans le texte, afin de bien signaler que je n’en eÌ tais pas l’auteur, mais seulement le vecteur.

Le Voyage immobile (pdf) :

Après le Voyage immobile, nous entamons, dans cette nouvelle résidence, un nouveau voyage : celui du patient qui, quittant l’hôpital où il a séjourné longtemps, doit retourner chez lui. Mais ce n’est souvent plus le chez lui d’avant, et, même si c’est le cas, lui n’est plus le même. Comme si l’hôpital, l’expérience de l’AVC, et parfois le handicap, avaient fait de lui un étranger dans sa propre existence.

Cette fois-ci, nous nous inspirerons des Lettres persanes, de Montesquieu. Dans ce roman constitué de lettres, deux persans racontent leur voyage àParis, décrivant avec un regard extérieur, exotique, ce qui peut sembler évident àtous. A leur manière, nous regarderons la vie quotidienne du point de vue de celle ou de celui pour qui tout est nouveau.

Mais voyager, c’est aussi faire l’expérience de la séparation, de la nostalgie, de l’exil. Comme les deux Persans de Montesquieu qui ont parfois le mal du pays, et que les lettres venues de Perse tour àtour réconfortent et inquiètent, les patients nourrissent un rapport complexe àl’hôpital, devenu, pour beaucoup, le lieu de leur renaissance. Ils y sont attachés comme àune terre natale. Pourtant, en leur absence, l’hôpital change : d’autres patients les ont remplacés, certains soignants partent eux aussi, d’autres arrivent, et bientôt les patients qui étaient avec eux partiront àleur tour…

C’est sur ce double regard que nous allons travailler, en allant collecter, hors de l’hôpital et dans l’hôpital, les lettres que les patients de l’hôpital Raymond-Poincaré pourraient s’échanger, si le retour chez soi était considéré comme un voyage…

Une plasticienne, Valérie Minetto, tiendra le journal de ces voyages, mêlant portraits et paysages, dessins et photographies.

CeÌ cile Vargaftig

14 février 2017
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