Marina Tsvetaeva | De la Montagne et De la Fin

LETTRE VIII
9 octobre 1923, le matin.

Mon tout proche

Hier, j’ai aimé notre séparation, - se rencontrer est plus difficile que se séparer ! - Dans la séparation, je nous retrouve moi et l’autre et trouve les mots nécessaires et l’absence nécessaire de mots, la séparation est un complet empire et, si seulement - s’étant séparé il était possible d’aller ensemble…
Il y a quelque chose de plus grand que les mots, - par exemple, hier cette halte sous les arbres, - c’était plus juste que des mots, plus éternel que des mots, avec les mots nous ne faisons que tâter le fond, - souvenez-vous, votre : « Enfin, de la profondeur !  » (En mer.)
Les mots entraînent, comme des rimes, particulièrement moi qui connais leur vie propre. Nous nous égarons dans les mots (moi, pas vous) - ce sont de profondes ténèbres et, parfois, d’effroyables bancs de sable, j’ai quelquefois la bouche desséchée par les mots, comme si j’avais avalé le Sahara.
J’admire votre calme. (Si vous saviez comme vous êtes merveilleux !) C’est que je désarçonnerais n’importe qui, je suis réellement une cavale, Radzevitch, - et peut-être - une horde entière, ce n’est pas facile avec moi, mais il faut que vous sachiez : je veux être humaine, le devenir, je veux pouvoir répondre de mes mots, je veux que cesse cette souffrance - et souffrir autrement. […]

Bien sà»r, il faut un miracle. Donnez-moi d’y croire. Oh, j’ai trouvé le mot : En amour je suis un chaos, et seulement en amour. Et un chaos - vous savez quoi ? - encore endormi, aux yeux encore clos. Chaos qui doit ouvrir ses yeux sur les étoiles.

Aoà»t 1923, Marina Tsvetaeva est éperdument amoureuse de Constantin Rodzevitch. Quelques mois plus tard, cet amour – qu’elle qualifiera parfois d’amour le plus fort qu’elle ait connu – est derrière elle, restent 31 lettres d’elle àlui et les poèmes De la Montagne et De la Fin.

DE LA MONTAGNE ET DE LA FIN de Marina Tsvetaeva d’après la
Correspondance avec Constantin Rodzevitch,
traduction & adaptation Nicolas Struve

suivi de

POÈME DE LA MONTAGNE,
traduction d’Ève Malleret

mise en scène : Nicolas Struve
accompagnement scénographique : Georges Vafias
vidéo : Raphaë l Récamier

avec : Stéphanie Schwartzbrod

du 4 au 28 juin 2009
du mercredi au samedi à19 heures, dimanche à15 heures

Maison de la Poésie
Passage Molière : 157, rue Saint-Martin, 75003 Paris
Métro : Rambuteau ou Les Halles
Renseignements et réservation :
01 44 54 53 00 (du mardi au samedi de 14h à18h)

27 mai 2009
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