Mathieu Brosseau | Ici dans ça

Mathieu Brosseau a lu Ici dans çàavec Jean-Louis Baille lors de la Nuit remue 4.
Vous les entendrez lire ici.
Son site personnel, Plexus-S


[I]

Ici, ici par l’impossibilité de voir, ici par la scission du voir, tu te rappelles de la confusion liée au sommeil, àson manque, tu te rappelles de la bête, celle qui s’effondre dans la masse de ne plus voir, de l’absence de vision, la bête d’action, le çaction, toutes ces possibilités de sutures entrelaçantes, celles qui nouent le silence agissant àl’absence trouée du soi passivé, masse mouvante, masse de terre qui prend forme et sort du sol, sort de l’eau maternelle, qui sort d’on ne sait où, de l’absence en devenir, FERME-LES YEUX, CONCENTRE-TOI, VOIS L’EAU, VOIS LE CRI PREMIER, VOIS LES SONS AQUATIQUES D’AVANT-NAÃŽTRE, FAUT-IL SE METTRE A DÉNAÃŽTRE, QUE FERAI-JE DE MA PROPRE NAISSANCE ?

[II]

Faut-il dé-naître ? C’est-à-dire se multiplier en présence des bêtes de somme et de course, parmi celles et ceux qui nous regardent, les bêtes, l’infamie, le duel, IL FAUT UN VERBE POUR FAIRE DE L’ACTION, IL FAUT UNE ACTION POUR FAIRE DU VERBE, TIENDRAS-TU DANS L’ÉCART QUI NOUS SÉPARE ? TIENDRAS-TU DANS L’ABSENCE, DANS L’ENTREDEUX TANT DESIRÉ, il y a une migration des peines, ajournées, tu as le droit de sortir, sous surveillance, me dit-on, ce n’est pas la peine d’en faire des histoires, tu comprends les liens entre la peine et la faute ? Alors tu comprends le lien entre l’espoir et la peine, alors tu comprends le lien entre la faute et la bête. Tu comprends ? Je m’endors avec la tête dans le sac àvitamine.

[III]

Constat du seul fait : le çaction fait son showman, j’habite ma langue, qui habite ma gueule, qui habite ma tête, qui habite mon corps, qui habite l’entrecorps, qui habite ton corps, qui habite ta tête, qui habite ta gueule, qui habite ta langue, qui t’habite, j’habite ma langue qui l’habite, le çaction a pris son médicament papa, rassure-toi, papa. JE NE FAIS QU’HABITER TA LANGUE QUI T’HABITE. Construction du réel. L’entredeux, l’entredeux nous ignore.

[IV]

Sur le champ de bataille, ma gueule + une bougie = je regarde la bougie. Mes yeux regardent la flamme. La rétine dilatée, ma gueule = la bougie. Mes cheveux prennent feu, tu prends feu puisque tu me regardes. En fait, ma pathologie majeure, c’est mon incapacité àme situer dans l’espace, où suis-je ? je ne sais plus où j’habite sinon par ma langue qui me le rappelle, me phrasant. Çaction = LA CONSCIENCE DES POSSIBILITÉS DE SUTURES ENTRELAÇANTES, CELLES QUI NOUENT LE SILENCE AGISSANT À L’ABSENCE TROUÉE DU SOI PASSIVÉ. UNE BOUGIE DANS TA GUEULE MEDICAMENTÉE.

[V]

Oui. Oui, il y a une communion dans l’être-tout, cela étant bien séparé de l’être-là. L’être-ça fait la passerelle entre les deux, objet de mes rêves, tu te clandestines, tu m’apparais dans la grande phrase du monde, elle chante, boîte au carré, JE NE SUIS PAS UNE ERREUR MATHEMATIQUE, MES PILULES FONT TAIRE LA VOIX, AUSSI INJONCTIVE QUE POSSIBLE, aussi douloureuse que la lame pointant mon cou, menace d’un vivre, comme s’il y avait lieu de se pardonner de vivre.

[VI]

A partir de là, t’as le cœur qui bat vite, tu as cette impression, celle que tu vas y passer, l’arrestation du meurtrier de mon père, celui qui dit la langue, oh maman, t’as vu ma langue, comme elle est noire, avec du cambouis dessus, c’est la carlingue de l’avion qui vient de s’écraser sur la langue, la gangue, la gagaction, le carnavalesque, Ô MAMAN, IL M’A FALLU ME RENDRE FANFARON DE TA LANGUE, IL M’A FALLU DEVENIR LE FOU DE LA MÔME, CELLE QUE JE DEVAIS SÉDUIRE POUR TE DÉTRUIRE, même si je ne le savais pas, même si je ne le savais pas, oh mamlangue il me fallait te séduire pour détruire la môme qui ne me savait pas, je suis un chien enragé, maternelle ma langue ne l’est pas.

[VII]

Le futur est bien passif, j’habite le monde tantôt pile tantôt face, LE RÉEL EST CE DOUBLE INVERSÉ, TANTÔT PILE, TANTÔT FACE, CE PERSONNAGE INVERSÉ, JE L’APPELLE COMME ÇA PARCE QU’IL M’IGNORE COMME LE REFLET DANS LA NUIT, IL EXISTE… MAIS SANS SES CONDITIONS NÉCESSAIRES, la métaphore est ce rapport au monde, le futur est bien passif, la mécanique de l’Histoire est un chef-d’œuvre de la dialectique, non l’inverse, l’allégorie est ce lien qui me figure et nous fait habiter nécessairement dans l’écriture continue de soi.

[VIII]

Ce soir j’ai oublié de prendre la pilule qui apaise la voix, ce soir j’ai oublié de prendre la pilule qui apaise la voix, non, je n’ai pas oublié, c’est que je n’en ai plus. J’ai perdu la plaquette de devenir, joyeux cocktail. Le soi est ce prendre. Sans soi, il n’y a pas de prise. Je suis en guerre contre le cocktail de vivre, je suis en guerre contre ma démarche, je titube, j’ai trop bu, des rasades d’alcools forts pour se remplir le gosier, pour rétablir l’ordre, des dizaines d’hommes et de femmes se font prendre par le cul, ils recrachent le sang par la bouche, IL Y A UNE ODEUR DE MERDE AUSSI. L’AUTOFICTION, C’EST PASSÉ DE MODE, DE NOS JOURS, ON MÉTABOLISE L’HISTOIRE, ETC.

[IX]

Place prise au sein des couples et des malheurs, l’action donne son ordre, le verbe parleur est là, au sein des tumeurs animales, l’action est làparmi les foules, l’action se passe de défaire, l’action n’a jamais rien défait, on puise l’eau dans les souterrains de l’action, l’eau est ce retour, incarnation du vide, TU FAIS SEMBLANT D’ÊTRE ALORS QU’IL FAUT DÉNAÎTRE, TU FAIS SEMBLANT D’EXISTER ALORS QUE TA PLACE EST À PRENDRE, TU ES EN SURSIS, L’EXEMPLE DE LA VIE ANIMALE LE MONTRE BIEN, TU ES EN SURSIS, la bête, la sombre bête témoigne de ce qui peut être, l’un après l’autre, tu laisses la place, chaque nuit, tu t’en rends compte, tu laisses la place aux animaux parleurs, la reine, cette nuit donnera mes gouttes, je saurai pleurer l’inconditionnel de mon corps.

[X]

Tu t’y rends, àla fête. Là-bas, il n’y a plus rien. Elle s’ébruite, qui ?, la balle qui perce la voà»te crânienne, tu connais le bar du même nom, le « Cosmos  », ils ont parsemé leur plaisir par du sang bien comprimé, du sang bien comprimé, le soir d’une ébauche, ma tête est une ébauche d’un temps bien révolu, tu tournes la tête, àpeine, ils ne te reconnaissent plus, ils ont collé du temps sur de l’action et nous ont fait croire qu’ils avaient le même nom, ils, c’est eux, les grands suicidés, les grands corps absurdes, alors pour résumer, tu armes, tu cibles et tu tires. AUJOURD’HUI, TU NE TE SENS PAS TRÈS BIEN, IL T’ARRIVE DE CROIRE EN L’HISTOIRE DE LA MATIÈRE, EN LA MATIÈRE DE L’HISTOIRE. TON AVIS IMPORTE PEU, IL EXISTE UNE RÉVELATION DE L’ABSENCE QUI PROVIENT DE L’ARRIÈRE DU MIROIR. Mes pilules, maman, je les prends chaque soir. Et papa, dis-le toi bien, sache que je pleure.

[XI]

Rien. Rien que des faits, je vous l’avoue, cher Monsieur, derrière le miroir il y a la vie sans forme qui annihile toute croyance en la vie vécue : là. Et c’est bien ça le problème, vivre. Le çaction me sauve, le çaction, toutes ces possibilités de sutures entrelaçantes, celles qui nouent le silence agissant àl’absence trouée du soi passivé. C’est mon sauveur. Il n’y a plus de problème. Et c’est bien ça le problème : derrière le miroir, il y a tout un tas de vacuité dont il faut supporter le poids et l’impensée. CAR C’EST PRÉCISÉMENT L’IMPENSÉE QUI FAIT POIDS. NON PAS LE POIDS D’OS MAIS LE POIDS DE L’ABSENCE. JE SUIS NÉ SOUS UN RÉACTEUR D’AVION, D’OÙ MON GOÛT PRÉCOCE POUR LE SILENCE. Que dis-tu de mon absence ? Dis-tu qu’elle n’a pas de poids ? C’est tout l’inverse ! Elle détermine exactement par retour de miroir le poids des choses. T’es-tu vu de l’autre côté ? C’est silence. Et pourtant si plein d’un monde qui, sur lui-même, tourne, tourne, jusqu’àen faire tourner les tables.

[XII]

Le sol est meuble, j’ai rêvé d’être au monde, j’ai rêvé qu’il était possible d’être au monde, l’onde précoce réanime les pouvoirs de celui qui perce par l’action les nÅ“uds de la terre, TU AS DIT QUE LES CLEFS NE SE TROUVAIENT PAS DANS LA TERRE, TU AS DIT QUE LA TERRE, IL FALLAIT S’EN MÉFIER COMME ON SE MÉFIE D’UN RETOUR DE MIROIR, TU AS DIT QUE LES SIGNES DE LA TERRE RÉANIMAIENT LES MORTS, CEUX QUI DANS LA RECHERCHE SE SONT PERDUS, TU AS DIT AUSSI QU’AU FOND DE LA TERRE IL N’Y AVAIT PAS D’ISSUES, qu’elle était ronde et que de ce fait, elle n’avait pas besoin de nous, que de ce fait elle tournait comme tournent les tables, la réaction chimique fait de tout corps un corps assiégé, as-tu pris tes médicaments ?, mon corps appelle la terre, mon corps appelle la terre perdue au fond des yeux.

[XIII]

La solution n’est pas dans la terre, la solution n’est pas dans la terre, il faut de l’ambre pour voir l’entremonde, ce qui importe c’est la posture qui nous ouvre les mondes, leurs liens qui font, malgré la dispersion, une unité, une unité forte, une cause de l’au-delà, la question de la naissance est déterminante, la question de la cause àdéterminer, le çaction, la cause de soi dans le réel, entonnoir, le vide àla place de la tête, la percée du çaction, mes mots se glissent àla place de toute raison, la réson autobiographique sera ce texte et ce texte ne craint pas le texte. AUCUNE DÉFENSE, LA TERRE PROMISE EST UN LEURRE, LA SOLUTION N’EST PAS DANS LA TERRE, LA SOLUTION EST DANS LE TISSU DE L’AIR.

[XIV]

Cheval dressé, cheval accompagné sur le champ de bataille, ils sont tous là, au rendez-vous, la guerre a commencé, les tireurs d’élite sont en position, la guerre, la suture, tu te bats pour subsister, du moins, tu le crois, il est question dans les tranchées de voir l’ennemi au plus vite, entre deux rangées d’hommes armés, il est question de suturer l’action, de peaufiner ses regards croisés, la guerre des mondes, tu veux bien, je ne suis pas encore très bien éveillé, les mondes sont encore en moi, ils n’ont pas disparu, les mondes sont encore apparents dans le décor plaqué de ma nuit, ILS FORMENT LES SPHÈRES TOUJOURS OCCULTES QUAND REVIENT PEU A PEU, DÈS L’AUBE, LA PLATEFORME PLATE DU RÉEL PLAQUÉ, ELLE S’EXISTE, LE PRONOMINAL POUR L’ACTION SUR TERRE, VAS-Y TIRE, il n’y a pas de transitif, tout cela est mensonge, on ne transmet pas, on est transmis par delàles astres. C’est une guerre contre le sens, elle pose la question du transitif, la guerre, la guerre. La guerre que peux-tu actionner en dehors de toi-même ? Son absurdité réside dans l’absence de réponse.


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10 juillet 2010
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