Obsession

Il y a une obsession - je conviens également des miennes - à signaler le vivant là où il est mort. Je veux parler de ces traces d’ongulés qui essaiment dans Paris. Dans les magasins d’alimentation - biologique, cela va sans dire -, sur les marches des accès au métro, sur les trottoirs, à la croisée des murs, les pochoirs se déclinent partout, avec un entrain factice. Manuel naturaliste en poche, le citadin identifiera le cerf, le chevreuil, le sanglier et, plus rarement, quelques digitigrades improbables : puma, tigre ou lion.

Paradoxalement, la présence de la trace amplifie la certitude de l’absence. En ville bien sûr, mais aussi en paraville - pour paraphraser le paratexte genetien - c’est-à-dire dans tous ces endroits satellites qui ne sont ni la ville ni la campagne mais une couronne urbaine où le mammifère non de compagnie est persona non grata. Ce qui nous amène, une fois de plus, obsessionnellement, au Grand Paris, cadre, décor, prétexte, occasion des présents billets (notes, humeurs, expérimentations, divagations ?).

Le feuilleton à venir - quel suspense... - est parti d’une bête (alias la Bête), à présent estompée dans les eaux troubles du réseau hydrographique valdoisien. L’animal doit se faire discret. Voire n’être qu’une figure, de style ou d’art. Georges Bataille a bien montré comment, en peignant l’animal sur les parois de sa grotte, l’homme a institué un rapport symbolique à l’animal. Cependant, alerte, vigoureuse, vorace même, la Bête n’a pas dit son dernier mot ni n’a poussé son dernier grognement. Déjà, elle prend d’assaut la tour ronde de l’université... Avec l’espoir d’y échapper, je livrerai un prochain billet...

Céline Lafon

1er mai 2017
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