Poèmes et lettres pour la fraternité
un concours organisé par la Ligue des droits de l'homme

Suppose
Que je sois une fleur
Et que je n’aie plus de pétales
Et que je sois différente des autres
Alors j’espère que tu m’arroseras
D’AMOUR.
Grimet Lilia, École Jean Giono, Santoro Michel, Lyon
un des poèmes du concours organisé par la Ligue des droits de l'homme, celui qui été notre "coup de coeur"

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proclamation des résultats à la Ligue des droits de l'homme, les lauréats en présence d'Antoine Spire (costume clair) et le secrétaire de remue.net, Philippe Rahmy, sous son chapeau comme d'habitude
 

un concours de poésie organisé par la Ligue des Droits de l'Homme
depuis plusieurs années,avec la participation en l'enthousiasme habituel d'Antoine Spire, la Ligue des drtois de l'homme organise au mois de mai un concours de poésie, sur un thème évidemment lié aux idéaux qui la fondent
cette année, le thème du handicap, l'impératif de fraternité
Philippe Rahmy, secrétaire de remue.net association et dont le livre Mouvement par la fin va paraître en janvier 2005 chez Cheyne, était membre du jury, voici son compte rendu
il évoque fréquemment ces questions dans ses chroniques (en particulier sur Joë Bousquet) ou dans son dialogue avec Didier Plassard : théâtre et handicap
et merci à Antoine Spire pour ce dialogue, où Philippe représentait l'ensemble de l'équipe remue.net
FB

« Être handicapé, c’est avoir moins de liberté. »
(cf. « Le bonheur imparfait »)

Cette année, la Ligue des Droits de l’Homme a organisé un grand concours d’écriture (poèmes et lettres) ouvert aux jeunes, sur le thème du handicap et de la fraternité. La cérémonie de remise des prix a eu lieu ce samedi 26 juin, à 14h00, au Théâtre International de la Langue française du Parc de la Villette – 211 av. Jean Jaurès – 75019 Paris – métro Porte de Pantin.

Les très nombreux textes reçus témoignent non seulement du rapport étonnamment vivace que les enfants et les adolescents entretiennent aujourd’hui avec l’idée de discrimination, mais surtout de leur extraordinaire volonté à transformer le monde. Cette révolte pour un mieux, dont on dit à tort qu’elle appartient à la jeunesse et qu’elle passera comme une mauvaise fièvre, est au contraire la trace, trace mystérieuse comme racine, qui dispose chaque humain au langage, à la littérature, aux arts. Alors comment aborder ces textes, de quels présupposés se défaire, et quelles attentes conserver ?

" [...] L'écriture était jumelée à l'enseignement de la lecture et ceci, dès le début, m'a passionnée. Ecrire de façon différente des lettres d'imprimerie, en lettres cursives, les mêmes signes que ceux que je lisais, les majuscules, les minuscules, tout ceci m'avait paru passionnant.
[...] J'ai écrit aux personnes que je connaissais et, en particulier, à mon adorable arrière-grand-mère maternelle, qui répondait immédiatement. J'attendais le facteur dès ma lettre mise à la boîte. La joie de recevoir une lettre à déchiffrer, avec l'écriture différente de chaque personne qui m'écrivait, cela, c'était une joie sans mélange, celle de communiquer au loin avec quelqu'un que je ne pouvais pas voir.
[...] Lire des messages venus de personnes qui vivent dans un autre espace, éventuellement même dans un autre temps. Cela fait partie, chez l'enfant, de la magie des relations créatrices entre les humains. "

C’est Françoise Dolto qui m’aura indiqué la bonne distance non pour lire ces mots de la jeunesse, mais pour faire œuvre de jury. L’« autre espace » qu’évoque Dolto est ici celui du handicap. La question du handicap appelle évidemment celle de la normalité, du rapport que le langage entretient avec l’idée de l’étrangeté et celle de l’orthodoxie. « La littérature est assaut contre la frontière » écrivait Kafka, et le handicap devient alors, dans ce contexte langagier, métaphore parfaite du poème. Lorsque le langage se déporte vers ses marges, c’est-à-dire lorsqu’il trouve dans la singularité de sa voix ce qui la rend à la fois unique et universelle, la parole s’offre la chance du poème. En ce sens, le handicap témoigne bien d’une expérience individuelle extrême, comme il porte cette expérience à se laisser partager, à devenir le point par lequel l’humain se connaît en tant qu’être souffrant et reconnaît autrui sous le même sombre ciel.

Il n’y a pas là, autour de la souffrance, matière à distinguer la parole d’un enfant de celle d’un adulte. Ce que tous ces textes montrent, ce ne sont pas tant les moyens dont ils disposent, ou ceux qui leur font défaut, mais les trois facultés sur lesquelles ils s’appuient pour dire cette douleur réputée muette : l’attention, le sérieux et la joie. Trois facultés qui valent autant sinon mieux que la liberté, l’égalité et la fraternité, vérités pour le grand nombre mais qui peinent à dire que le bien renvoie d’abord à une expérience intime.

L’attention que les auteurs de ces textes portent à la douleur d’autrui, le sérieux avec lequel ils font de cette douleur prolongement d’eux-mêmes, et la joie qui naît pour eux et pour nous, en même temps que le texte s’écrit, font que rien ne s’oppose à croire que ces voix-là, rendent notre monde un peu moins rude et contribueront encore à le rendre plus juste. La fraternité n’est pas innée, comme le langage elle s’enseigne et s’apprend, elle se transmet au cas par cas, difficilement.

PhR – 2004

On reproduit ici les premiers prix de chaque catégorie. Il va sans dire que les autres textes auraient aussi mérité une petite place ici. Que chaque participante et chaque participant se sente donc personnellement salué par le palmarès, qui n’est évidemment pas le plus important dans cette aventure.


les lauréats avec Antoine Spire

Mes amis et moi
Je suis près d’un lac
Sur mon fauteuil roulant
Je regarde le cygne
Le nuage aux couleurs de l’arc en ciel,
L’oiseau bleu qui boit à la fontaine,
L’herbe rouge comme le sang
Et jaune comme la lumière.
Je suis handicapé
Mais je veux voir toutes ces choses
Et je rêve
Je cours dans la prairie
Avec les oiseaux et les papillons.
Mes amis trouvent que je rêve mieux qu’eux
Ils voudraient bien rêver
Mais ils ne peuvent pas
Alors je leur écris des poèmes
Pour les faire rêver.
Camille Anostosio, CE1, École de Saissac, Ghania Gharbi, Saissac

Tous mes amis handicapés
Je suis trisomique, je n’ai pas appris à lire mais je joue au foot.
Je suis aveugle, je ne vois pas l’arc en ciel mais je saute dans les flaques.
Je suis paralysé, je n’escalade pas la montagne, mais j’aime faire de la luge.
Je suis sourde, je ne peux pas écouter les chansons de Star Académie, mais j’aime jouer aux cartes.
Je suis aveugle, je ne vois pas le ciel, mais je lis en braille.
Je suis paralysée, je ne peux pas danser mais je fais la maîtresse.
Je suis sourd, je ne peux pas écouter les gouttes de pluie mais je peux voir l’arc en ciel.
Je suis aveugle, je ne vois pas les oiseaux, mais je joue aux petites voitures.
Je suis paralysé, je ne peux monter à cheval, mais j’aime le caresser.
Je suis sourde, je n’entends pas les enfants parler, mais je joue au loup glacé.
Je suis aveugle, je ne vois pas mes parents, mais je tiens leurs mains.
Je suis handicapé, je ne peux pas courir mais j’aime jouer à la Palystation 2.
Je suis sourde, je sens mon cœur taper fort quand je fais de la balançoire.
Quand je serai grand, je pousserai ta chaise, je t’emmènerai en avion, je te ferai visiter Paris.
Hebrard Alexia, Guler Meryem, Garcia Logan, Uorn Antonny, Dinh Caroline, Bouhassoune Mohamed, San Solita, Haddou Bilel, Hamsi Jounaïd, Houideg Ambrine, Yacoubi Kaïna, Ham Samnesa, Bouchaïr Nadhir, Chelghoum Rabah, Grande section maternelle, École Louis Pergaud, Gamoudi Annabel, Venissieux

Le chat
Je suis un chat
Chat qui ne voit pas
En vain je cours après les rats
Et les souris se moquent de moi.
Je suis une danseuse
Danseuse qui a la maladie de l’homme de pierre
Ma vie est un arbre immobile.
Je suis une coccinelle
Ciccinelle qui a perdu son aile
Dans un combat dur et cruel
Je vais me faire croquer
Par un oiseau.
Je suis un jongleur
Jongleur qui a la maladie de l’homme de verre
Mon existence est une quille
Qu’il ne faut pas briser.
Molla Claire, École primaire Aristide Briand, Lyon

Connaissez-vous ?
Damien, mon voisin que j’aime bien Baptiste, un cycliste unijambiste
Il fait tout le temps le coquin Il fait des tours de pistes
Sauf quand il me donne la main C’est aussi un grand artiste
Il est parkinsonien Violoncelliste
Marinette, une fillette muette Véronique, qui est trisomique
Elle aime faire la fête Elle fait du patinage artistique
Et manger des paupiettes Et adore les numéros de cirque
Elle aime faire aussi de la bicyclette Car c’est vraiment fantastique
Renaud il a la polio Aurélien, lui aussi mongolien
Il a joué à Monaco Il recueille les chiens bohémiens
Un concerto popur piano Il veut devenir musicien
Adagio allegretto Comédien ou magicien
Florian, un non voyant Béatrice, une autiste
Il est l’assistant de Maman Elle tape des listes
Il aime le chant du toucan Sur sa calculatrice
Mais il n’aime pas le vent d’autan En suçant de la réglisse
Loïc, qui est paraplégique François et Ambroise, des siamois
Il arrive d’Afrique Ils aiment les framboises
Fabrique des objets magiques Les anchois et les noix
Et joue de la musique Ils fabriquent des objets en bois
Angélique, qui est paraplégique Théo, le manchot
Elle arrive de Belgique Il peint de grands vitraux
Elle aime les mathématiques Et de beaux tableaux
L’informatique et la mécanique Á l’eau et au pinceau
Ils sont tous des handicapés
Mais ils ont des activités
Ils ont leur place dans la société
Comme les gens en bonne santé.
Albouy Marjolène, Chomarat Judith, Delmon Lucie, Denneval Enora, Gendry Marilyn, Maviel Quentin, Monceret Jade, Placier Clément, Rizzo Elsa, Soliman Guillaume, Tasselli-Faurie Elia, Vuylsteke Alicia, Arcambal Delphine, Barrau Dimitri, Botta Mickaël, Desaguiller Méline, Garrigues Charlène, Jeantou Villeret Jonathan, Lorant Kevin, Macaire Mélody, Prado Josuha, Ruiz Thomas, CE2, École de Tessonnières, Jean-Louis Billot, Gaillac

Un handicapé
Un handicapé, sur son fauteuil assis,
Roulait joyeusement dans un parc.
Un bien-portant, par le bruit intrigué,
Lui tint à peu près ce langage :
« Ô, bonjour, monsieur l’handicapé,
Que vous me semblez laid,
Que vous avez l’air méchant !
Sans mentir, devant des escaliers,
Vous devez être très embêté ! »
« Et bien ! Rit le malade,
Je ne semble pas bien en grâce devant vous,
Et bien apprenez, mon cher,
Que face à un escalier, je demande de la’ide !
Ne me jugez pas sur mon apparence,
Mais plutôt sur ce que je vaux. »
L’handicapé est bien tolérant,
Mais le bien-portant, lui, n’est pas très intelligent.
Cette leçon vaut bien une promenade, sans doute,
Le bien-portant jura, mais un peu tard,
Qu’on ne l’y reprendrait plus.
Colineau Thomas, Toche Sylvain, Potier Victor, Collège Peiresc, Sophie Meynard, Toulon

Fable des trois amis
Un aveugle, un sourd, ainsi qu’un muet,
Sont amis depuis une éternité.
Tous les trois, ils s’entraident, et se comprennent,
Ils se complètent, et se rient de leurs peines.
Un jour, ils en rencontrent un quatrième,
La vue, l’ouïe, la voix, il en est privé.
Pris de pitié, ils inventent un système,
Pour avec lui pouvoir communiquer.
Ils lui parlent en lui tapotant la main,
Ils lui inventent un nouvel alphabet.
Á eux quatre, ensemble, ils ne craignent plus rien.
Ils peuvent vivre, rire, enfin s’amuser.
Et si un valide vient à les croiser,
Á leur langage il devient l’étranger.
Et maintenant, qui est handicapé ?
Bargat Aurélien, 4ème, Collège Elsa Triolet, Labbe-Amiard Marie-France, Beaucaire

Vertige
Comme chaque matin
Ils se tenaient la main
Un regard amoureux
Une faute d’inattention
Un camion furieux
Plus aucun son
Un seul choc brutal
C’est le vide sidéral
Du fond de son coma
Elle a le cœur qui bat
Elle se réveille
Il est debout
Rien n’est pareil
Leur avenir est flou
Elle cherche dans son regard
L’étincelle disparue
Elle croyait qu’il comprendrait
Mais il l’abandonnait
Il ne voulait pas de cette souffrance
Elle souhaitait périr en silence
Lutter devient sa vie
Mourir est son envie
Allongée dans son lit
Elle est comme sans vie
Rodriguez Laurie, Manguin Célia, 3ème, Collège Marcel Mariotte, Carole Bastian, Saint Siméon de Bressieux

Le cri de la muette
C’est mon tour, c’est la phase décisive !
Excusez cette apostrophe quelque peu excessive
Mais cela fait tellement longtemps
Que j’espère, que j’aspire à la parole
Et tellement longtemps que je n’expire que du vent…
Demander ne sert à rien
Crier serait mieux mais se peut encore moins.
Dites, c’était donc vrai ce rêve ?
Un rêve on ne peut plus parlant :
Je me promenais la nuit sur la grève,
Quelqu’un m’adresse subitement la parole.
Vous ne me croirez point mais c’est un hareng.
Il fredonnait : »Je suis au bas mot excellent
Mais conjugué tellement plus puissant… »
Vrai ou faux, ce rêve, je veux l’interpréter :
Je harangue vos yeux de cabillaud
Et voudrais extirper ce caillot
De mots.
Il ne s’arrimerait plus des jours entiers
Sur le bout de ma langue
De poche, trouée, exsangue.
Ah ? Vous m’en voyez cent voix
Et tellement pas… coi
C’est entendu, n’en parlons plus.
On m’a coupé la parole mais il me poussera des ailes
Pour recueillir la vôtre et la jeter en l’air,
Et ainsi charger les particules du ciel d’un autre mystère.
Parole !…
Berckmans Nadège, hors cadre scolaire, Saint Marcel

Où est la différence ?
Toi, l’enfant, l’homme, que sais-je ?
Tu es là, dans la salle d’attente du dentiste,
Á l’aise, affaissé dans ton siège.
La pièce est complètement vide, enfin…
Presque. Tu te crois seul, dans tes pensées,
Et tu ne fais pas attention à ces personnes ordinaires,
Assises tout comme toi, lisant le journal du matin.
La porte s’ouvre, doucement.
Tu relèves la tête, brièvement.
Te souviens-tu ? C’est ton ami du collège !
Lui aussi, il t’a reconnu et s’est souvenu
De tous ces bons moments passés, en classe de neige
Ou à la cantine. Vraiment, quel être plein de vertus !
C’est alors que tu sors ta main de ta poche ;
Lui, il a ses bras le long du corps.
Tu tends ton organe à cinq doigts,
En direction de sa main droite.
Quoi de plus normal ?
Son regard, son geste d’épaule…
Tu comprends ! Tu te sens étourdi !
Tu n’as pas vu la différence :
Il n’a plus de main, ce Paul !
Tu t’es trompé, tu es gêné :
Tu as fait ce que tu n’aurais pas dû faire.
Mais, tu ne le savais pas ! Alors…
Pourquoi cette réaction ?
Tu n’oses plus le regarder ; tu paniques,
Tu as vu ! Il t’a fait un sourire.
En effet, il a connu pire !
Lui, il est habitué et ça, ce n’est rien, il comprend !
Alors, tu lui sers l’autre main, embarassé que tu es !
Il va s’asseoir et toi, tu cogites.
Pendant cette attente, qui s’avère interminable,
Tu te caches, tu as peur, tu crois avoir commis la gaffe !
Et pourtant, est-il différent ?
Tu ne te doutais pas de ce handicap peu voyant,
Et tu réagissais comme tout le temps ;
Maintenant tu sais, et ne réagis plus comme avant !
Un conseil : Ne change pas, devant le handicap,
Face à des personnes comme toi, à quelques détails,
Physiques ou bien psychologiques près ; tu verras :
Tu te sentiras bien… et elles aussi !
Da Silva Arnaud, Marras Anthony, Lycée Lavoisier, Cardi Bruno-Philippe, Le Creusot

Criminel
Meurtrier ! Assassin ! Votre regard le dit
Si vous étiez Dieu, vous m’interdiriez la vie,
Pourtant mon sort je ne l’ai pas choisi
Vous non plus qui me couvrez de mépris.
Mes jambes ne savent certes pas me porter
Mais ne privent pas mon cœur d’aimer
Même si je ne peux tout seul me déplacer
Je reste humain ne m’habillez pas de pitié.
Vous m’imposez de rester dans mon coin
Et même de me cacher au besoin
Vous me défendez de croire en demain
Alors que vous pourriez me prendre la main.
N’ai-je donc pas droit au bonheur ?
Les lèvres s’expriment mal, laissons parler le cœur
Moi aussi la solitude me fait peur !
Pourquoi m’abandonnez-vous à ma douleur ?
Criminel je suis aux yeux des êtres,
Criminel aux yeux de ceux qui aiment le paraître,
Criminel innocent n’ayant pas choisi de naître,
Mon crime est d’avoir hérité des cieux des membres traîtres…
Boula Mba Marie-Astrid, Cameroun, section Arras

Vivre avec des handicapés
(reportage)

Au début de nos recherches, nous voulons déclarer que nous ne sommes pas d’accord avec la notion « handicapé ». Le terme « handicapé » est une notion péjorative dans nos yeux. Les « non-handicapés » sont-ils parfaits ? Qui est autorisé de juger de la norme pour dire qui est normal et qui est handicapé ? [...]
Schneider Michelle, Platz Meike, IGS, Dietsch Edda, Otterberg, Allemagne

Les handicapés
Quand on a un handicap, c’est qu’on a quelque chose qui n’est pas normal ; on peut être handicapé physique.
Je connais beaucoup de handicapés en fauteuil roulant.
Il y en a qui ne peuvent pas marcher, il y en a qui marchent de travers ; c’est le cas de deux amies.
J’ai un voisin qui a les coudes et les mains retournés.
Il y a aussi des aveugles, des muets, des sourds, des autistes.
Il y a ceux qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter. Ils ont eu un problème à la naissance.
Les handicapés vont dans des écoles spécialisées ; moi-même j’ai été à l’école normale jusqu’à 9 ans, puis dans un I.M.E.
jusqu’à l’âge de 20 ans.
Il y a des éducateurs spécialisés et les assistantes sociales qui nous disent comment on peut être aidés.
Les handicapés ne peuvent pas se défendre ; il y en a qui sont battus, violé, ou placés. Ce qui n’est pas normal c’est que les handicapés en fauteuil roulant, ne peuvent aller travailler, car on ne les accepte pas.
J’ai ma voisine handicapée, elle est toute la journée à plat ventre sur un chariot plat.
Elle est partie en vacances, et les gens de l’hôtel n’ont pas voulu la laisser avec les autres ; elle a dû rester seule avec sa sœur dans une chambre. Une autre fois on est venu lui dire qu’il fallait qu’elle aille sur une terrasse toute seule, car les gens avaient peur. Je vais tous les jours voir ma voisine handicapée. Je l’aide, lui raconte ce que je fais au travail ; quand sa sœur n’est pas là, je la garde. Quand elle va se promener avec son chariot, je l’accompagne.
Je lui prépare ce qu’elle a besoin dans la journée.
Ce que je désire le plus des autres, c’est qu’on ne fasse pas de différence et qu’on soit gentil avec nous. Ce que je voudrais de tout mon cœur, c’est qu’on puisse guérir tous les handicapés, et leur apporter du bonheur.
Pérroudon Véronique, CAT « Vert Coteau », Dabe Martine, Thionville

<Le bonheur imparfait
Je suis handicapé léger
J’ai eu de gros problèmes de scolarité
J’ai donc été dans une école spécialisée
Apprendre à lire, écrire, et à compter.
J’ai plus tard été orienté
Vers le travail en C.A.T.
Où je produis toute la journée
Pour me payer de quoi manger.
Il m’arrive de m’y sentir seul
Quand notre chef nous tire la gueule
Même si on donne le maximum
Alors que pendant des heures on a mis la gomme.
Je me sens parfois seul aussi
Lorsque dehors je reste incompris
Quand vous me regardez d’un air ahuri
Car vous ne comprenez pas que je n’ai pas compris.
Parfois vous me confondez avec les fous
Cela traduit votre ignorance
Pourtant je ne suis pas moins que vous
Et ne demande que respect et tolérance.
Ê tre handicapé, c’est avoir moins de liberté.
Je suis peut-être juste un peu limité
Mais
Je ne suis pas malade, ni contagieux,
J’ai deux bras, dix doigts, et une tête
Même lire et écrire, je le peux
Et parler davantage que les personnes muettes.
J’ai peut-être parfois du mal à m’exprimer
Et si tu m’aidais à trouver les bons mots
Tu te rendrais compte que j’ai des idée
Que j’ai aussi un cœur, une âme et un cerveau…
Véronique P., Jeannette P.D., Christian H., Nicolette C., CAT « Vert Coteau », Dabe Martine, Thionville

[lettres]
Cher Père Noël,Je m’appelle Coralie et j’ai 8 ans. Je t’écris (maman m’a un peu aidé pour la présentation) pour te donner ma liste de Noël. Ce sera plus pratique pour toi car je sais que tu as beaucoup d’enfants à aller voir.
Cette année j’ai été très sage, je n’ai pas embêté papa et maman, ni pris le portable de Séverine pour le mettre à l’eau.
Á l’école je n’ai que des bonnes notes. Tu vois Père Noël, cette année je ne veux que deux choses, s’il te plaît.
Depuis la rentrée, il y a dans ma classe un garçon qui s’appelle Xavier Dubois et il est bizarre.
Personne ne lui parle, personne ne joue avec lui, personne ne veut être son copain. Alors parfois il est triste et moi je n’aime pas quand il est très triste. Juste parce qu’il ne voit pas. Alors souvent il se cogne dans la porte ou les murs. Un jour les pompiers l’ont emmené.
J’ai demandé à la maîtresse pourquoi personne ne veut être son copain, alors elle m’a dit qu’il était han-di-ca-pé. Mais je n’ai pas plus compris.
Maman a dit qu’un handicap c’est une infirmité ou un désavantage, physique ou mental qui donne parfois aux autres l’impression d’être supérieur. Elle a aussi ajouté qu’il faut l’aider et surtout ne pas se moquer de lui.
Mais des fois il est trop drôle, un jour il a laissé tomber sa canne et quand Julien l’a pris pour l’embêter, il a réussi à la reprendre en lui faisant un croche-patte.
C’est bizarre pour quelqu’un qui n’y voit rien.
En fait, je lui ai parlé un jour, pendant que la maîtresse donnait les devoirs. Il m’a raconté une blague trop drôle :
« C’est un Schtroumpf qui va dans la forêt, il tombe et il se fait un bleu ». Trop drôle ? Non ?
Alors voilà Père Noël, j’aimerais que Xavier ne soit plus aveugle ; comme ça on pourra jouer tous les deux à des jeux que les enfants qui voient peuvent jouer !
Et puis il y aura plein de copains, et on se mariera et on aura plein d’enfants.
En deuxième j’aimerais beaucoup que Julien arrête d’embêter Xavier. Après la maîtresse nous gronde.
Voilà Père Noël, c’est tout ce que je veux à Noël, sauf s’il te reste une Barbie bulle enchantée.
Merci.
Bisous,
Coralie
Dénécheau Élodie, Lycée Bonaparte, Saint-Roch Sophie, Toulon

Monsieur le Directeur,
(1er prix ex aequo)

J’ai dix-huit ans, je suis un de vos patients depuis maintenant près de trois ans. Si je suis ici c’est à cause d’un accident de scooter. Au début, les médecins pensaient que je pouvais m’en sortir, mais après trois opérations ratées mes chances de guérison sont nulles.
Je ne peux ni parler, ni bouger et dans une ou deux semaines, je perdrai l’usage de mes oreilles. Dans environ un mois je ne verrai plus rien…
Je ne supporte pas l’idée de devoir vivre ici le restant de mes jours, sans parler, sans entendre, sans voir, sans bouger,… sans vivre…
Ma mère me rend visite quotidiennement avec mes frères et sœurs. Elle reste près de moi toute la journée, ne sortant que pour aller chercher le reste de la famille à l’école. Elle ne travaille plus, elle ne vit plus.
J’accepterais de vivre ainsi, si elle n’était pas là avec mes frères, mais je la vois tous les jours, pleurant à mon chevet ; elle souffre encore plus que moi. Je me serais suicidé depuis bien longtemps si je n’étais pas dans l’incapacité de bouger…
Je pense que vous comprenez où je veux en venir ! Je sais très bien qu’en France l’euthanasie est interdite ! Mais voilà, moi je souffre, mes frères et sœurs aussi, et surtout ma mère…
Je sais que vous me comprenez. Laisser une personne vivre ainsi n’est pas humain. Quand je pense que nous vivons dans le pays des droits de l’Homme…
J’ai perdu toute dignité, je ne désire plus me battre. Á quoi bon ? Pour reculer ma lente agonie ? Merci bien. Petit je voulais faire vétérinaire, ce qui me plaisait dans ce métier, c’était le désir de ne pas faire souffrir l’animal. Si elle souffrait, on la tuait…
Et moi, on va me laisser souffrir, on va laisser ma famille venir me voir tous les jours dans cette chambre lugubre… on va laisser mes frères et sœurs passer leur temps libre ici, à voir leur grand frère qui, lui, ne pourra ni les voir, ni les entendre, ni les toucher, pas même leur parler… ils passeront leurs soirées à consoler leur mère qui pleurera après avoir vu son fils aîné, dont elle était si fière, plus mort que vivant…
C’est un triste tableau que je viens de vous peindre, n’est-ce pas ? Et j’espère ne jamais le voir devenir réalité (si je puis dire !…)
En aucun cas je ne voudrais de votre pitié, je veux seulement que l’on respecte mon choix, ma famille n’est pas d’accord bien sûr, mais je m’en moque. C’est ma vie, ils comprendront plus tard…
On dit qu’un homme a toujours le choix, qu’il est maître de son destin, que personne ne peut décider pour lui. Moi, je n’ai plus le choix, je dois mourir, la loi décide à ma place et vous êtes maître de mon destin. En clair deux solutions s’offrent à vous : soit vous me laissez vivre ainsi dans le néant, soit vous m’aidez…
En espérant vous rencontrer très bientôt,
M. Martin
Mansion Émilie, Lycée Bonaparte, Saint-Roch Sophie, Toulon

Chère Cécile,
Comme tu sais hier je devais aller au concert de KYO mais au dernier moment tout est tombé à l’eau ! Pourtant la journée avait si bien commencé…
Comme d’habitude, je suis allée en cours et les maths étaient toujours aussi ennuyeux. Par contre le cours d’histoire était passionnant, on s’est bien amusés.
Vers 12h30, je suis allée déjeuner en ville. J’ai pu remarquer que sur mon trajet plusieurs personnes me fixaient du regard ou se retournaient brusquement ( je me demande bien pourquoi ). Ces regards sont lassants pourtant j’essaie d’être forte mais une partie de moi pleure et se consume comme la cire d’une bougie.
Après avoir pris un bon repas, je suis allée au cinéma où j’ai eu pas mal de difficultés pour payer ma place. Bizarrement le guichet était vraiment trop haut et le regard méprisant de la vendeuse me mettait mal à l’aise. La colère montait en moi mais j’avais appris à la contrôler. Heureusement le film était génial, les acteurs jouent vraiment bien, je te conseille vivement d’aller le voir.
Je suis rentrée chez moi et l’ascenseur était encore en panne et comme d’habitude la voisine m’a ignorée ; j’ai dû me débrouiller toute seule pour monter les escaliers mais j’étais toujours très excitée à l’idée d’aller voir ce concert que j’attends depuis si longtemps.
Je me suis fait belle, parfumée, maquillée… J’ai pris le bus pour me rendre au concert et là, encore ces regards dévisageants qui me sont de plus en plus désagréables et lassants. Une petite fille m’a montrée du doigt mais j’ai essayé de ne pas y prêter attention.
Mon cœur s’accélérait au fur et à mesure que les minutes passaient et que je me rapprochais de mon groupe favori. Je fis la queue ; la perpétuelle attente des concerts me rendait euphorique. Mais voilà, lorsque je suis enfin arrivée au guichet pour présenter mon entrée, l’hôtesse m’a signalé que ça n’était pas accessible. J’étais désespérée. Un sentiment d’injustice, de discrimination, de regret profond m’a envahi.
Pourquoi ne pas m’avoir prévenue de la présence de ces escaliers alors que j’avais signalé mon handicap ?
Pourquoi les gens ne se mettent-ils pas à ma place ?
Est-ce dur d’être un peu plus compréhensif ?
Pourquoi tous ces regards, ces murmures dans mon dos, sur mon passage ?
Suis-je un monstre ? Mon fauteuil me transforme-t-il en quelque chose d’inhumain ?
Est-ce difficile de m’approcher pour m’apporter ne serait-ce qu’un peu d’aide ?
Pour finir, dis-moi : pourquoi un tel rejet ?
Voilà, je te dis à très bientôt dans une prochaine lettre avec j’en suis sûre des nouvelles plus réjouissantes. Il ne faut pas oublier que mon handicap ne m’empêche pas de croquer la vie à,pleines dents et de passer de merveilleux moments ; les déceptions font malheureusement partie de la vie !!
Zoé
Goimard Zoé, Pesenti Estelle, 3ème, Collège Marcel Mariotte, Bastian Carole, Saint Siméon de Bressieux

Et, pour terminer, le texte coup de cœur et prix spécial remue.net :
Poésie de Lilia

Suppose
Que je sois une fleur
Et que je n’aie plus de pétales
Et que je sois différente des autres
Alors j’espère que tu m’arroseras
D’AMOUR.
Grimet Lilia, École Jean Giono, Santoro Michel, Lyon