Paris, Fort-de-France, voyage en revues

La réédition en poche du livre de Jean Follain sur Paris annoncée par Jacques Josse avance àla rencontre des parallaxes de Dominique Hasselmann, l’inlassable piéton numérique de remue.net.
De ses chroniques il écrit : « Parallaxes, c’est une déambulation, àParis et ailleurs, avec des rencontres, prises sur le vif, de lieux littéraires, artistiques ou autres, et de personnages vivants ou de romans... Le tout, au hasard de l’objectif.  » C’est ainsi qu’il nous a fait partager, avec ses mots et ses images, la tranchée urbaine du boulevard Voltaire et un équipement de survie (une librairie, bien sà»r) sur le boulevard Bonne-Nouvelle.

Grâce àChantal Anglade, nous faisons nos premiers pas vers la bibliothèque Schoelcher de Fort-de France. Cette bibliothèque a une histoire qui est celle de sa construction et des 9534 ouvrages qui l’inaugurèrent, elle a aussi ses lecteurs, sa « salle de référence  », ses instructions contre les cyclones et les tremblements de terre. Que cette visite qui évoque l’auteur de Biblique des derniers gestes soit l’occasion d’ouvrir les dossiers que remue.net consacre àPatrick Chamoiseau et àRaphaë l Confiant, d’autres cyclones et tremblements vous y attendent.

remue.net plonge ses racines et même ses formes, son organisation, dans la tradition des revues littéraires, c’est ce que cherche àmettre en évidence la nouvelle page d’accueil du site, c’est aussi ce que dit le sommaire de chaque numéro avec ses rubriques Cahier de création, Cahier critique, Dossiers et hommages et les Notes de lecture – on a lu, lisez donc !
Nous le savons, nous ne sommes pas différents des autres revues, indifférents moins encore, quand l’une d’entre elles meurt nous sommes touchés. Eh bien, voici la fin de la revue Grèges, après l’alerte Al Dante et la fin de Lignes.
Le numéro de mai 2006 de Lignes était, précisément, un formidable dossier sur la situation de l’édition et de la librairie.
La revue est un genre littéraire : c’est écrire encore que de composer un numéro, jouer des textes longs ou courts, des contrastes entre tensions et retraits ; et ce peut être l’écriture d’une ou de peu de personnes.
Lignes est l’œuvre de Michel Surya comme le sont La Révolution rêvée ou Humanimalités ; sa revue n’aurait pas appelé, durant son existence, les textes de Roger Laporte, Pierre Guyotat, Paule Thévenin, de tant d’autres, s’il n’y avait eu de son animateur le souffle sans compromis. Bertrand Leclair l’évoque d’ailleurs dans Le sang du ciel, sa nouvelle chronique Hors piste où il est question des ouvrages de Piotr Rawicz et de Henri Meschonnic.
Grèges a été fondée en 1997 par Emmanuelle Dufossez et Lambert Barthélémy, 500 exemplaires sur beau papier àchaque printemps. La revue s’arrête, les éditions Grèges continuent, bientôt des recueils de Cédric Demangeot, Bo Carpelan, Tarjei Vesaas.
Une revue littéraire se définit aussi par sa périodicité comme par le temps qu’elle prend pour l’invention et la considération des écritures passées présentes ; ainsi de la revue Intervalles qui inscrit sa façon d’être dans le temps dans son titre et consacre son numéro 73 àFrancis Giauque.

Ainsi la revue se définit-elle comme pratique littéraire, comme Å“uvre, comme cadence, comme écart et exigence : non par le fait qu’elle se présente sur papier ou sur la toile. Mais que ces modes d’existence matérielle lui permettent de vivre ou non, de continuer ou non, c’est la question que beaucoup se posent.
On trouve aujourd’hui la revue littéraire et philosophique Inculte sur papier, mieux, tous les deux mois au format de poche, et le site présente unes et quatrièmes de couverture en image àplat.
Site minimal également pour Écrivains sur Loire, en téléchargement sur le site du Conseil régional.
Quant àla revue Note(s), elle est en téléchargement àla boutique d’écriture du grand Toulouse, sommaires détaillés disponibles.
« Note(s)  » qu’on ne confondra pas avec la revue Notes, emmenée par Catherine Jackson, elle aussi pleinement et entièrement auteur de revue, même si sa modestie et la naissance discrète de ce périodique la font appeler « bulletin  ». « Les premiers bulletins, tapés àla machine, puis saisis avec un traitement de texte, et photocopiés, ont circulé, en quelques exemplaires, entre 1996 et 2002  », nous explique la page d’accueil du site. Le numéro 10, annuel 2006, est le premier àêtre publié en ligne.

Rien n’est tout àfait gratuit, remue.net peut acheter ses secteurs de disque dur et sa bande passante grâce au soutien des adhérents àl’association. Tout de même, les coà»ts ne sont pas du même ordre.
Livre payant, texte gratuit, sur papier et en ligne, c’est la question qu’a posée Jean-Louis Sagot-Duvauroux dans son livre sur la gratuité.
Voilà : des moyens ànotre disposition – au prix de beaucoup de travail et d’astuce, les webmestres en témoignent – nous prenons ce que nous pouvons, nous bricolons, nous essayons de nouveaux dispositifs. On s’en souvient, avec l’arrivée de nouveaux moyens de fabrication, stencil puis ordinateur et photocopieuse, il y eut une floraison de revues et de talents dans les années 70 et 80, beaucoup ont commencé dans cette énergie. Aujourd’hui ce sont la fabrication et la diffusion, ensemble, qui sont bouleversées, et la page, et la lecture ; on tâtonne, mais on ne se résignera àaucune disparition, ce sont toutes les inventions de littérature que nous voulons emporter avec nous.

30 octobre 2006
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