La poésie, pour apprendre à vivre
chroniques de Ronald Klapka

 

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13 - Chloé Delaume, prendre langue

 

Dans cet ensemble de chroniques auquel on a donné le nom "Comment la poésie nous apprend à vivre", titre provenant d'une étude de Elke de Rijcke de Et (la nuit d'André du Bouchet revisité par les spectres derridiens, Chloé Delaume a de toute "EvidenZ" sa place, et pas seulement pour la résilience traduite en alexandrins.

Les deux très beaux livres qu'elle a donnés aux éditions farrago/Léo Scheer , les Mouflettes d'Atropos et le Cri du sablier (prix Décembre 2001), rejoignent bien les problématiques d'écriture de "remue.net": l'invention de formes nouvelles, tandis que l'"on écrit avec de soi" (Roland Barthes).

Comme Colette Kerber, à la question: Quels livres vous ont plu dernièrement ? il sera répondu: "Le choc ça a été Chloé Delaume. Je m'en souviens très bien, c'était au tout début des vacances. Je m'étais dit : je vais le feuilleter et me reposer, et en fait, je ne me suis pas du tout reposée puisque je n'ai pas pu le lâcher ! D'ailleurs, je l'ai donné à une dame (que j'avais repérée comme étant une littéraire) à l'hôtel où je me trouvais. Je lui ai dit : " Ca, il faut que vous le lisiez ". Quand je l'ai lu, je ne savais pas si c'était un récit autobiographique ou une fiction, mais ça n'avait aucune importance - pas pour elle bien sûr ! - pour le lecteur."

En effet, s'il n'est pas complètement inutile de connaître la biographie de l'auteure (récent portrait paru dans Libération), c'est bien du côté de l'écriture que l'attention des futurs lecteurs doit être attirée.

Aussi renverrai-je à la fin de l'excellent article de Philippe Raphaël (revue et site [@]xé libre) :

Avec ce livre, Chloé Delaume a de facto contribué à lever plusieurs censures. La première est d’éviter au lecteur de se retrouver assigné à la place du voyeur, conformément à la logique d’une époque, de sociétés et d’une modernité en voie de dé-civilisation. Précisément parce que le texte est une partition avec ses rythmes, pauses, soupirs, silences, accélérations et envolées ; pas un album de photographies. Le lecteur n’est pas pris à témoin, invité à violer une intimité. Il peut se laisser porter par un courant organisé. La seconde est fondamentale, et la critique semble être passablement passée à côté. On peut comprendre pourquoi. Chloé Delaume invente des formes. Elles expriment un récit nourri de références autobiographiques, dont la forme même reflète autant la perception de la réalité qu’elle contribue à l’en protéger. Son humus est irréfragablement personnel, mais son tamis tissé d’une fibre artistique.

On pourra compléter cette approche avec l' entretien accordé par Chloé Delaume à Fluctuat.net et lire un extrait de "Mes Week-ends sont pires que les vôtres" aux Editions du Néant.

Ouverture d'une parenthèse sur les questions posées et les réponses données dans Et (la nuit d'André du Bouchet (revue "La Rivière Echappée, Kernaléguen 35440 Dingé)