La poésie, pour apprendre à vivre |
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L'Opéra fabuleux d'Andrea Zanzotto chronique n° 30
Le
poète
italien le plus intense... Pasolini et Fellini (E la nave va)
, l'ont célébré. Depuis son village de Vénétie,
c'est son intimité,
la nature, l'enfance, la culture populaire ou savante, et le quotidien
malmené par l'histoire, qui fusent en un tourbillon de styles,
du terrible au comique.
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Zanzotto, les pâques précédé de les regards les faits et senhal Traduit de l'italien par Adriana Pila et Jacques Demarcq Préface de Christian Prigent: Une xénoglossie enthousiaste, postface de Jacques Demarcq: L'universée euphorie Ce livre d'Andrea Zanzotto vient de faire l'objet d'une réédition augmentée. la première avait eu lieu en 1999, mais l'incendie du hangar des Belles Lettres en 2002 en avait entravé la diffusion.
Illustration: celle de Leopardi affleurant dans ces vers: Che fummo? /Che fu quel punto acerbo /che di vita ebbe nome? (Qu'avons-nous été?/Que fut ce point acerbe/qui de vie reçut le nom?) "Et, dans le même temps, transparaît une forme générale de théorie/non-théorie plus active que jamais. Poésie de Leopardi, poésie de tous les amateurs de poésie plus ou moins accomplis, poésie de toujours, s'interrogent et se définissent elles-mêmes comme l'origine et la fin (le but) de la vie et de la poésie aussi, tout en se posant comme un tic irréfrénable, un vague bâti, un murmure contradictoire tout juste campé au-dessus du néant, mais aussi impérieux que la syllabation d'un tout." Pour les Pâques, on ne s'étonnera pas non plus de retrouver deux complices de TXT donnant leur propre "poétique-éclair". Christian Prigent à sa manière directe, nous avertit: 1. C'est long. 2. C'est rythmé. 3. C'est à la fois lié et délié (avec un 3 bis: Plus théorique). 4. Epopée, hymne, ode etc. J'en retiendrai (mais tout y est précieux, y compris les citations en italien, renvoyant au texte (et donc traduites un peu plus loin)): Les poèmes de Zanzotto fixent (c'est-à-dire plutôt lancent dans leur infixité volumineuse) des pans entiers d'un vaste présent insignifiant à force d'être saturé de sens. Le sujet de ses poèmes est ce présent à la fois frontal (levé devant la vue) et fuyant (devant la distance de la pensée). C'est-à-dire qu'il fixe l'objet ET son retrait implacable, le lieu et le non-lieu du lieu, la précipitation des images, et leur effondrement rythmé, l'épiphanie des matières, des corps,des sentiments et des pensée et leur évanouissement dans le tempo de la parole. Le présent (le cadeau) que nous font ces poèmes est la sensation que cette insignifiance rétive et voluptueuse en même temps, répond justement, dans ses éclats d'évidence comme dans ses trous d'obscurité, de l'expérience que nous, habitants retirés sous la tente des langues, faisons étrangement du monde. Qu'on lise donc! :
Après les notes de l'auteur, qui ne manquent pas de saveur, Jacques Demarcq nous précise sa "Chimie du verbe", dans laquelle Le réel à la lettre et le D central et conclut par "Et les oiseaux"! De s'en donner à coeur-joie et de révéler, outre l'alacrité du vénétien, son immense culture. Mais que trouve-t-on dans ce recueil? Tout d'abord, donc: les regards les faits senhal, écrit de l'automne 1968 à l'été 1969. (Senhal: nom public qui recouvre le vrai (pour les troubadours), ou simplement "signal",ou, si l'on veut, "symbole du symbole du symbole" et ainsi de suite. Note de AZ). Cinquante-neuf interventions-répliques d'autant de personnages (plutôt qu'un seul) qui dialoguent en manière d'opposition avec une personne toujours la même. mais cette Comédie n'est guidée par nulle Béatrice mystique: - Tu réalises, tu saisis? Tous joignent les mains/ vois-tu béatrice avec tous les béats/vois-tu avec tou leurs sapins les bois/ ils joignent les mains joignent les pattes/ les pueri fueri nous pueri fueri je me joins à eux/priant pour et contre le thème de la blessure. Ensuite, Les Pâques, proprement dites, avec pour morceau central Les Pâques à Pieve di Soligo (où est né l'auteur en 1921), en hommage à Cendrars, sous la forme d'un psaume alphabétique (cf Couperin ou Valente) où l'on "cherche à tâtons les boutons pour déclencher l'universée euphorie" . A lire à voix haute: gloria, gloria, roar, roar, tigri tigri, pètent les coeurs Mais on pourra tout autant prendre plaisir à faire la connaissance de l'institutrice Morchet au chapitre Mystères de la pédagogie:
Et d'ajouter: "Troublée en est toute signification." Oui, comme l'indiquait le regretté Bernard Simeone, l'on peut parler de "la douceur subversive d'Andrea Zanzotto" La revue Hi.e.ms avait choisi de consacrer un double
numéro au poète italien Andrea Zanzotto. Hi.e.ms N°9/10 - 320 pages, 20 € |