Les lignes de la vie sont aussi
différentes Que les chemins, ou que les confins des montagnes. Ce que nous sommes, Dieu pourra le compléter Là-bas par l'harmonie, l'éternel
et la paix.
Hölderlin ; Poèmes de la
folie.
Traduction Pierre Jean Jouve, Gallimard 1963.
A l'heure où paraîtront ces quelques
lignes en guise d'introduction aux actes du colloque consacré à
lŇuvre et à la personne de Heather Dohollau, la revue Poésie
97 (1) aura, elle aussi, rendu par la plume de l'un des intervenants de
la manifestation de Saint-Brieuc - Pierre-Alain Tâche - un hommage
mérité à une grande poète d'expression française
d'origine galloise. A une Ňuvre profonde mais accessible, une Ňuvre sereine
mais qui n'ignore rien de la douleur du monde.
Y furent parcourues quelques-unes des lignes de
vie de la poète ; c'est du mihrab, cette niche vide de la mosquée
(Jean Lévêque) que partit la ligne hölderlinienne
pour parvenir réfractée en sept fenêtres (Michaël
Bishop), autant de demeures auxquelles le public put accéder
moyennant quelque arabesque tracée par l'Ange du Bizarre (Nathalie
Brillant) après avoir éprouvé la tentation rilkéenne
(Jacques Dugast) recueilli les sonorités thibétaines de
Segalen (Marc Gontard), entendu le cri de Jouve (si cher au cŇur de
Salah Stétié et de Heather Dohollau pour lesquels cette
rencontre a eu tant d'importance) venir enfin à la lumière
avec Yves Bonnefoy (Jean-Pierre Jossua) pour découvrir avec Pierre-Alain
Tâche une "commune mesure".
Introduction à la lecture absolument nécessaire
de l'Ňuvre de Heather Dohollau, tant de ses poèmes que de ses
essais ou de ce magnifique et poignant récit la Réponse
(2), évocation imaginaire des derniers instants de Jules
Lequier.
Ici lire devient contempler, élire une
demeure : " Quelle maison est la mienne?", se tenir sur le seuil,
voire devenir ce seuil, se faire accueil.
Oui, la lecture de Heather Dohollau vous change.
De la fréquentation des poètes, peintres, philosophes
(les affinités avec Jacques Derrida sont patentes) ou musiciens,
des voyages entrepris, Heather Dohollau a su capter les résonances
profondes et en faire une musique à elle, à la fois tendre
et résolue à partager selon : " un échange étonnamment
simple et pourtant plein dans lequel rien ne peut être perdu comme
l'amour " (3).
Puissent ces contributions auxquelles s'ajoute
un extrait des Contemporary French Women Poets (4) (essai de Michaël
Bishop) esquisser les lignes d'un visage habité par un regard
d'un bleu aussi intense que l'extraordinaire tableau de Geneviève
Asse (5), séparé en son centre par une ligne blanche verticale
qui a fait dire à Heather Dohollau :
cela sépare de chaque côté les portes du tendre les paumes se préparent au toucher de rien par le truchement de la ligne blanche
Ronald KLAPKA
Notes
(1) Restituer la présence absente : Poésie
97, n° 68 / juin.
(2) Editions Folle Avoine, 1982.
(3) Michaël Bishop ; Studies in XXth Century
Literature, volume 13, n° 1, hiver 1989.
(4) Editions Rodopi, Atlanta-Amsterdam ; 1995.
(5) Exposition ' Les Yeux des Mots" (mettant en
regard des poèmes de Heather Dohollau avec des tableaux : Music,
Morandi, Asse, Mitchell, Moore...) ; été-automne 1996,
Musée d'Art et d'Histoire de la Ville de Saint-Brieuc.