Leslie Kaplan
source : site POL http://www.pol-editeur.fr/catalogue/ficheauteur.asp?num=104
Mon dernier livre publié est Le Psychanalyste,
paru aux éditions P.O.L en septembre 1999 (et qui vient de sortir
en Folio).
Voici ce que dit la quatrième de couverture
: « Simon est psychanalyste. Il est vif, joueur, ouvert au hasard.
Avec lui, dans son cabinet, les analysants, leurs histoires tragiques,
comiques, leurs questions, ce qui se passe pendant les séances,
et ce qui se passe, dehors. En contrepoint, une femme, Eva, qui, elle,
essaie de penser le monde et la vie à travers la lecture et la relecture
de Kafka. Car, dans l'un et l'autre cas, c'est de cela qu'il s'agit : penser.
Tous les personnages de ce livre sont des héros parce qu'ils affrontent
le conflit entre leur désir de vérité et leur passion
pour l'ignorance : ils sont des héros par la pensée, des
héros de la pensée. En même temps ils sont tout le
monde, chacun de nous. Si on pense, on est vivant, on change, on peut changer.
Alors, évidemment, il arrive plein de choses : le récit est
toujours en train de se faire, comme l'identité, jamais donnée,
car c'est dans chaque détail que tient le sens et le sens est lié
à chaque détail. C'est pour ça que le dernier mot
est au monde, cette accumulation innombrable de détails et de possibles.
»
Le Psychanalyste est le troisième livre
de la série que j'écris en ce moment et qui a débuté
avec l'apparition de Miss Nobody Knows.
« Marie, je l'avais rencontrée à
Paris, en septembre, après les événements. Je prenais
un café à un comptoir, près de la Seine. Sur le pont
passait un métro aérien, une jeune femme s'est arrêté
pour le suivre du regard. Elle tenait un sac en plastic bourré d'où
elle a sorti un carnet et un stylo. Elle est entrée dans le café,
s'est accoudée au comptoir et a demandé un verre de vin.
Elle a ouvert son carnet, tourné quelques
pages, écrit la date, je pouvais lire, ensuite :
« Le principe des rails. »
« Comment on fabrique un pot d'échappement.
»
« Le métal. Ce que c'est. »
« La formule du vin. »
« Ce que veut dire H2O. »
Elle a raturé, repris :
« Ce que veut dire vraiment H2O. »
Elle s'est arrêté pour boire, a paru
réfléchir, puis a continué :
« De quoi est faite l'eau, l'eau salée,
la mer. »
« Pourquoi on pleure. »
Elle a eu l'air subitement épuisé.
Elle a relu, tiré un trait et fermé le carnet.
Le garçon derrière le comptoir la
regardait. Elle a dit, plutôt pour elle-même :
- Je note les questions. Je dois noter les questions,
c'est tout.
Un client lui a offrert un verre. Elle a accepté.
Il lui a demandé son nom gentiment, elle a secoué la tête
et a dit à voix basse, Je n'ai pas de maison. Ensuite elle l'a regardé
en penchant la tête sur le côté et elle s'est mise à
chantonner un blues, elle articulait bien, on comprenait toutes les paroles,
« Nobody knows the trouble I see, nobody knows my sorrow. »
Le garçon lui a fait un clin d'oeil et
a dit, Miss Nobody Knows. Elle a continué à chantonner sans
sourire.
Quand elle est sortie, je l'ai suivie. Je lui
ai demandé où elle allait, elle m'a répété
qu'elle n'avait pas de maison. Je lui ai proposé de venir chez moi.
Elle est allé chercher deux valises, je n'ai jamais su où,
et elle s'est installée. Je n'ai jamais su non plus d'où
lui venait la chanson. » (Depuis maintenant, P.O.L, 1996)
Miss Nobody Knows pourrait présenter les
autres livres, publiés depuis 1982, tous chez P.O.L, à sa
façon, avec ses questions :
Par exemple :
« L'usine, comment l'écrire »
« Que peuvent les mots »
« Où sont les morts »
Ensuite :
« Les fous, ce qu'on en pense »
« L'expérience du meurtre »
Et :
« Un enfant, qu'est-ce que c'est »
Ou encore :
« Les hommes, les femmes, maintenant, avant
»
« Qui s'en sort, et à quel prix »
« Le mot travail »
Et encore :
« Ce qui change »
« Ce qui ne change pas »
« Ce qui ne peut pas changer »
Et :
« Pourquoi on parle »
« Pourquoi on ne parle pas »
« Où s'arrêtent les questions
»
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