Rendre le son par le son

Approche "homophonique" de la traduction : Institut Goethe, 17 av. d’Iéna, 75016 Paris. Vendredi 18 novembre à20 heures avec : Charles Bernstein, Ulrike Draesner, Bénédicte Vilgrain, Frédéric Forte, Ian Monk.

… Soirée organisée par Vincent Broqua (Université Paris-8 Vincennes—Saint-Denis) et Dirk Weissmann (Université Paris-Est Créteil) dans le cadre d’un colloque sur la "Traduction homophonique" les 17, 18 et 19 novembre (Ecole Normale Supérieure. Fondation des Etats-Unis, Cité Universitaire. Maison Heinrich Heine).

 [1]

L’occasion pour Martin Richet (jacataqua.bulletin[at]gmail.com) de nous présenter ici la traduction "de surface" d’un poème de Henri Michaux, Mes occupations, par Ted Berrigan (1934-1983) :

Henri Michaux, Mes occupations

Je peux rarement voir quelqu’un sans
le battre. D’autres préfèrent le
monologue intérieur. Moi non. J’aime
mieux battre.
Il y a des gens qui s’assoient en face
de moi au restaurant et ne disent
rien, ils restent un certain temps, car
ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l’agrippe, toc.
Je te le ragrippe, toc.
Je le pends au portemanteau.
Je le décroche.
Je le repends.
Je le décroche.
Je le mets sur la table, je le tasse et
l’étouffe.
Je le salis, je l’inonde.
Il revit.
Je le rince, je l’étire (je commence àm’énerver, il faut en finir), je le masse, je le serre, je le résume et l’introduis dans mon verre, et jette ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon : « Mettez-moi donc un verre plus propre.  »
Mais je me sens mal, je règle promptement l’addition et je m’en vais.

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Ted Berrigan, Mess Occupations

A few rape men or kill coons so I bat them !
Daughter prefers to lay’em on a log and tear their hair.
Moaning Jimmy bats her !
« Ill yeah !  » da junky says. « I aint as fast no more,
I’ll rent a lot in a cemetree.  » He’ll recite it
two times scary sunday O sea-daisy o’er a shade !
Au revoir, scene !
She had a great toe !
She-tail’s raggy, too !
Jelly bend over put’im on too !
She laid a crab !
Jelly him sure later ! Jelly-ass ails are tough !
She lays all his jelly on him !
Eeeeeeooooowww !! La Vie !
Her lay races is out here, she comes on, I’m on her, I’ll
fart in one ear ! « Jelly, sir ?  » « Shall I raise him yet ?  »
Long-toed we dance on where Shit-toe can see ten blue men
lickin’ ten new partners and the sucker’s son !
« Mating, Madame, can whip you up up !
My Jimmy’s so small he wiggles plum moans ! Ladies shimmy
at Jimmy in waves

Occupations foutraques [2]

Certains violent les hommes ou tuent les bêtes donc moi je les
tabasse !
Les filles préfèrent les mettre sur la bà»che et leur arracher les cheveux.
Jimmy Gémissement la tabasse !
« Mal oui  » dit le junkie. « Je suis plus très rapide
Je me louerai un lot dans un cimetière.  » Qu’il récitera
Par deux fois le dimanche effrayant Ô pissenlit maritime sur ombre !
Au revoir, scène !
Elle avait un bel orteil !
Une queue chiffonnée aussi !
Gelée culbute lui met aussi !
Elle met un crabe !
Gelée l’assure après ! Cul de gelée maux sont forts !
Elle lui met toute sa gelée !
Eeeeeoooowwww !! La Vie !
Son mis accourt y est, elle monte, moi sur elle, je
péterai àl’oreille ! « Gelée, monsieur ?  » « Le lèverai-je donc ?  »
Les orteils longs nous dansons où Orteille-de-crotte voit dix hommes
bleus
lécher dix nouveaux partenaires et le fils du couillon !
« L’accouplement, madame, ça fouette !  »
Mon Jimmy si petit qu’il tortille en plein gémissement ! Les dames
tremblent
pour Jimmy àfoison

3 novembre 2016
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[1couverture par Joe Brainard de : Ted Berrigan, The Sonnets, Penguin Poets, 2000. Et de : Ted Berrigan, "Les Sonnets", trad. Martin Richet, joca seria, 2013.

[2trad. Martin Richet : Ted Berrigan, Les sonnets, joca seria, 2013