Sixième atelier à la Maison de Balzac

1. COMPTE-RENDU

2. PREMIÈRE LECTURE DU BONHOMME PONS


1. COMPTE-RENDU

Au souvenir du passage somptueux lu la semaine précédente, festival d’images et de trouvailles grâce auquel Balzac soutenait l’intérêt des lecteurs durant la longue digression consacrée aux deux Allemands Fritz Brunner et Wilhem Schwab soudain promus riches héritiers, les pages suivantes, que nous lit Anne Knops, semblent bien sages. Elles sont surtout riches d’informations : sur la réconciliation de Pons et de sa famille, sur l’idée qui le prend de vouloir marier Fritz et sa cousine Cécile Camusot, et qui se révèlera très mauvaise. Au fond, la chose étonnante est celle-ci : alors que l’on n’a pas souvenir d’avoir éprouvé un instant de faiblesse à la lecture de ce passage lors de la lecture continue du livre, à s’y pencher ainsi isolé du reste, les participants de l’atelier éprouvent tous le sentiment que le texte y est loin de ses sommets. Le style est d’autant plus calme que l’information est nourrie. Certes, il y a la page somptueuse sur le coût d’une femme, et les raisons moins glorieuses qui privent Cécile Camusot de prétendants plus assidus, mais Balzac d’évidence ne s’y est pas attardé, il veut aller vite, n’éprouve pas le besoin de poursuivre la surenchère stylistique des pages précédentes. Reste que, dans la continuité de la lecture, le lecteur ordinaire n’y trouve rien à redire ; peut-être même est-il sensible à cette variation dans l’attention que l’auteur attend de lui, comme le randonneur apprécie de parcourir quelques centaines de mètres en terrain plat entre deux sentiers escarpés. L’attention, plus légère, reste portée par la multitude d’informations qui viennent nouer les différents fils mis en place jusqu’alors : c’est ici que l’action commence réellement. L’exposition est terminée - elle aura été très longue, et cependant n’en a jamais donné le sentiment, tant elle est dynamique.
Dans le deuxième temps de l’atelier, on s’interroge sur l’origine de Fritz et Wilhem, qui logiquement devraient partager la même nationalité que Schmucke, et donc être canadiens. Les choses, au fond, fonctionnent assez bien si l’on persiste dans l’hypothèse de faire de Cécile Camusot une styliste orgueilleuse attendant désespérément de trouver enfin le montage financier qui lui permettra de lancer sa griffe : alors que les deux Allemands du Cousin Pons se trouvent liés au commerce des tissus, l’idée est émise que nos deux Québécois du Bonhomme Pons pourraient avoir un rapport avec le marché de la fourrure, qui a - si l’on ose dire, précise une participante - « repris du poil de la bête » ces toutes dernières années. Et voilà qu’on s’attarde sur la question, volontiers provocatrice...


2. PREMIÈRE LECTURE DU BONHOMME PONS

Comme annoncé, le troisième temps de l’atelier est dévolu à la lecture d’une demi-douzaine de pages, les toutes premières du Bonhomme Pons. Voilà, nous y sommes - il faut bien plonger et, à défaut de mettre en ligne ce début dès cette semaine, le lire aux participants de l’atelier. Rien de plus fragile qu’un début, on l’éprouve à cet instant. Rien de plus décisif, aussi bien. Les premières phrases d’un texte portent en leur cœur ce que le compositeur inscrit en tête de sa partition, la clé, les dièses et bémols qui indiquent le choix de la tonalité et du mode.
Cette première ébauche, relativement proche du texte dans les premières lignes, prend son envol par le biais de l’automobile, qui est de nos jours un marqueur d’époque bien plus puissant que la mode vestimentaire qu’utilise Balzac (le fameux spencer hors d’âge du cousin Pons). Le remake s’éloigne, mais c’est pour mieux recroiser la trame de son modèle en bout de course : « Pour ceux qui ont connu ce temps, le passage de cette Vespa d’époque, en vérité, c’était comme si Dany Cohn-Bendit avait daigné rajeunir de quarante ans, le temps de tirer la langue à un CRS-SS sous nos yeux ébaubis. »
La lecture emporte l’adhésion, mais les questions fusent, et j’expose les miennes, alors que je me propose de tenter un autre choix, plus radical dans son éloignement du modèle balzacien, en ouvrant la narration à la polyphonie dont j’use volontiers, d’ordinaire, dans mes romans. La lecture en serait donnée la semaine prochaine, avant de trancher la question pour lancer (enfin !) la publication sur Internet avec l’une ou l’autre de ces ébauches.
A suivre...

Prochain atelier le lundi 19 mars, de 13 h à 14h30 ; l’inscription se fait auprès du service réservation de la Maison de Balzac : 01.55.74.41.80.

Rendez-vous aussi le 24 mars pour une rencontre avec Pierre Rosenberg.

15 mars 2012
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