Une année avec l’Imprévisible 2012



L’Imprévisible 2012, éditions Le Jeu de la règle, 10,6 x 16 cm ; 384 pages, 20,12 €.



Les principes fondateurs étant exposés avec tous les détails requis sur le site de l’éditeur, je me limiterai ici à préciser qu’il s’agit bien d’un agenda utilisable comme tel mais atypique du fait qu’il met en relation des données institutionnelles et la création d’un auteur, l’homme de l’année 2012 étant Dominique Pécaud. En bas de chaque page (pour ménager à la fois un temps de réflexion et un effet de surprise, je vous conseille vivement de commencer votre lecture dans ce sens-là) figurent donc des événements ayant eu lieu au cours des années finissant par 2 dans le calendrier grégorien ainsi que, parfois, les dénominations attribuées par différents almanachs ou calendriers [1] et les journées officielles de… les plus diverses – de la femme à la courtoisie au volant en passant par les zones humides [2] ; au centre, un espace blanc aussi utilitaire que symbolique puisqu’il sépare les données susdites de la journée décrétée par l’auteur, tout en haut – tentative salutaire pour se réapproprier un rapport au temps que les devoirs de mémoire & assimilés essaient souvent de confisquer au profit d’intérêts plus ou moins douteux – cf., récemment, la proposition sarkozyste d’étendre les cérémonies du 11-Novembre à « tous les morts pour la France ».

Le résultat est :

1) matériellement beau, ce qui ne saurait être négligeable pour un objet censé être utilisé au quotidien ;

2) instructif – pour ma part, j’y ai beaucoup appris : saviez-vous, par exemple, que le 29 janvier 1922 débuta à Gentioux la construction d’un monument en hommage aux victimes de la guerre 14-18, portant la mention peu banale : « Maudite soit la guerre » mais que le 28 du même mois, quatre-vingts ans plus tard, aux Etats-Unis, un certain Steven Thompson ayant traité un policier de « porc » a été condamné à côtoyer une truie dans une bauge agrémentée d’une pancarte indiquant « Ceci n’est pas un policier ! » ? – Vous avez dit progrès ?

3) drôle la plupart du temps (c’est le cas de le dire) mais pas seulement car l’auteur sait jouer sur des tonalités variées en opérant les rapprochements les plus imprévus à travers les siècles – ainsi, lu de bas en haut :

3 mars :

* 1972 : lancement par la NASA de la sonde Pioneer 10, premier objet construit par les hommes qui aura quitté notre système solaire.
* 1982 : Georges Perec meurt à 46 ans.
>>> journée des étoiles filantes

12 avril :

* 1972 : le Conseil des ministres décide la création du parc national des Écrins.
* 1992 : ouverture des portes du parc Eurodisney à Marne-la-Vallée
>>> journée du droit de réserve

5 décembre :

* 1992 : inauguration à Nantes de l’exposition « Les Anneaux de la mémoire » consacrée à la traite négrière.
* journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie.
* Calendrier du Père Ubu : Saint-Cabas.
>>> journée des souvenirs pesants

Parfois, le nom donné surplombe un vide qui en dit long – par exemple, le 30 août choisi comme journée de la paix sociale. Enfin, au fil de ce que vous savez, le lecteur peut remarquer la récurrence de certains événements privilégiés (la Révolution française, le voyage de Colomb, celui du Titanic, etc.) dont il peut ainsi suivre l’évolution au jour le jour ou presque. Bref, il y a dans cet ouvrage au moins 366 raisons d’en faire l’acquisition.

Bruno Fern.

6 décembre 2011
T T+

[1Calendrier officiel de la République française, calendriers religieux, celui des traditions populaires, Almanach des honnêtes gens, Calendrier du Père Ubu, Calendrier révolutionnaire français, etc.

[2Qui, pour la plupart, relèvent d’une indéniable bien-pensance, tant elles correspondent à ce que je nommerai les journées des bonnes intentions à durée limitée, ou d’arrière-pensées commerciales qui ne font pas que friser le ridicule : journée du coloriage (le 6 mai), du tricot en plein air (le 9 juin), de l’ours au bureau (le 7 décembre) !