Wood Wide Web
L’humain le sait peu, car il n’est pas sensible aux ultrasons : les forêts sont pleines de cris et de chuchotements. Les arbres se parlent. Ils envoient des messages chimiques. Dans les airs. Dans le sol. Le message se répand, d’arbre en arbre, de racine en racine, grâce à un réseau de champignons symbiotiques. On est en plein Wood Wide Web.
Les arbres transpirent, par leurs feuilles, l’eau puisée par les racines, ce qui active la circulation de la sève brute et permet les échanges vitaux. Si l’eau vient à manquer, les arbres souffrent. La circulation de sève ne peut plus se faire car les vaisseaux en sous-pression laissent entrer de l’air, ce qui provoque des embolies. Les arbres dépérissent. La pluie vient, les arbres ressuscitent.
Entendent-ils alors les trains qui cisaillent la forêt de Coye ?
Nous marchons dans les sous-bois, au milieu des taillis des hêtres qui ont rejeté de souche, des chênes en futaie. Nous sommes sans le savoir suivis par les ombres des arbres précédents, abattus, replantés, abattus à nouveau, dans un cycle infini sans lien avec le naturel.
Nous sommes censés parler du Grand Paris. Des immeubles de haute qualité environnementale, des faisceaux de voies, ferrées ou routières, des centres commerciaux, des parkings qui vont avec, des ronds-points, des parcs avec parcours de santé, des berges aménagées en promenoir à chiens, des usines reconfigurées. Nous tombons sur un « château » dit « de la Reine Blanche ». Petite pâtisserie néogothique et prétentieuse, qui admire sa propre figure dans l’étangs attenant.
Le Grand Paris a-t-il une figure à contempler ? Son centre se veut partout, sa circonférence ne s’arrêtera nulle part. Nous rebroussons chemin, jusqu’à regagner la gare. Tout autour, son parking, forêt arbustive de voitures vides.