àne faire que ça …

— Faire un portrait n’est pas rationnel, comme une collection de personnes, une présentation — pas un exercice apologétique non plus — c’est autrement.

Et pourquoi sur Brecht ? Eh bien parce que c’est un auteur dont certain livres m’accompagnent, son journal de guerre, m’est très proche, je connais ses théories sur le théâtre que j’apprécie sans pour autant jamais avoir essayé de les appliquer.

Je voudrais faire sentir sur BB, quelque chose que rien d’autre ne dit, que je ne savais pas que je saurais dire sur lui,— quelque chose qui me manquait, moi … exact ou pas, peu importe, si du moins ça m’est utile. Je suis parti de son poème DU PAUVRE B.B, qui est un des premiers poèmes que j’ai appris en commençant le théâtre, un ami qui écrivait un mémoire de fin d’études sur Brecht m’en parlait b

(ien)
eaucoup et plus tard il y a eu aussi et surtout, après le onze septembre 2001, Bernard Sobel, directeur du théâtre de Gennevilliers qui avait fait écrire ce poème par la décoratrice-peintre Titina Maselli sur un des murs face àl’escalier de l’entrée du théâtre. Et un jour en passant, que je lisais le poème, Sobel m’a interpellé « Â t’as vu hein, pas mal non ? Le vieux Brecht hein, pas mal non ?  ». Il y lisait la prémonition des deux avions percutant les tours jumelles de Manhattan. J’ai d’abord trouvé ça simpliste, on peut lire tellement de choses dans tellement d’oeuvres de fictions et les apparenter ou les voir comme des abrégés « Â prémonitoires  », que j’ai passé mon chemin avec un sourire àvaleur d’acquiescement, en me gardant de l’entrainer dans une conversation, pressentant àmon tour qu’il n’entendrait pas d’arguments opposables de ma part.

Aujourd’hui, le 11septembre est loin — je repasse dans ma tête le poème et me dis : si Sobel entend Brecht désigner dans le poème l’attentat du 11septembre, pourquoi pas, faire l’expérience d’une nouvelle lecture avec le poème que Sobel àsa manière avait mis en carte de géographie en l’affichant sur le mur du théâtre, — une géographie de guerre, traçant la possibilité de plusieurs lectures d’un évènement dans un poème, d’un poème contenant un évènement — àsa suite donc, je me propose d’en révéler des lignes de fuites, d’en montrer des mouvements de matières, des reliefs cachés — un poème-portrait utopique comme un corps dialectique ouvert àl’immédiat, l’indéterminé, àune nouvelle origine : ce qui était muet dans la forme de l’inconscient entre ses lignes — prend la parole.
Et pousser le poème àne faire que ça !



DU PAUVRE B. B.


M
(agnifique poème)
oi, Bertolt Brecht, je
(n’écris que sur les gens qui m’intéressent)
viens d
(onner forme àl’extrême)
es forêts noires. Qu
(‘est-ce qu’un être humain sans histoires)
and
(j’étais dans son ventre)
elle m’ame
(re me portait encore)
na d
(u premier coup et àjamais)
ans les villes, e
(xpérience démesurée)
t je
(parle d’avant le changement climatique)
garderai e
(parpillé)
n moi le f
(ruit de mon imagination)
roid des forêts, j
(e veux dire)
usqu’àma mort.

Je
(ne me cache pas)
suis chez moi dans l
(‘ensemble comme dans le détail)
a chambre tapissée de cartes géographiques, tou
(jours sur l’armoire avec mes manuscrits)
t ce que j’ai entendu raconter ou vécu personnellement est p
(ure rhétorique)
o
(int d’ancrage)
sé avec ma valise. D
(ureté délicatesse)
epuis toujours, munis de
(journaux de tabac et d’eau de vie)
s sacrements des morts, d
(es gens manifestent au coins des rues)
ans la ville d’asphalte.

Mé
(me pas peur)
fiant, f
(acile àcontenter)
lâneur et f
(ier de moi)
inalement sa
(ns compromis)
tisfait. Je
(fais comme si tout va bien)
suis gentil a
(bsent tout en étant bien là)
vec les gens
Je
(ne suis pas juge)
f
(orce de la nature)
ais qu
(omme eux)
elque chose d’inattendu, je m
(’adapte sur le champ)
ets un chapeau dur.

J
(‘ai l’idée derrière la tête depuis longtemps)
e dis : les émois de
(s montagnes sont derrière nous)
vant nous les émois des plaines et je
(gratte avec du papier de verre)
dis encore : ce
(st comme ça qu’ils sont venus au monde)
sont des animaux à
(ttendez la suite)
l’odeur très particulière
Puis je
(me laisse tenter)
dis : ça
(voir c’est exister)
ne fait rien, j
(‘invente des histoires)
e
(trouve les oiseaux drôlement malins)
me rappelle mon p
(ressentiment)
assé.

S
(atisfaire simplement aux situations)
ur mes chaises àbascule p
(laisir de vivre)
a
(r réalisme)
rfois, j
(‘assois avant midi deux ou trois femmes)
e les regarde c
(ans souci)
‘est une preuve d’humanité, et
(re digne de ce qui m’arrive)
t leur dit, je s
(ais jamais quand un homme va se mettre àpleurer)
uis quelqu’un s
(est pas rien de dire ça aujourd’hui)
ur
(la défensive)
qui vous ne pouvez pas c
(ompter)
ue les battements de mon co
(té normal de l’anomalie)
eur.

Le soir j
(e dis oui)
’assemble ch
(oix sentimental)
ez moi quelqu
(es hommes croisés dans un escalier)
‘un qui doute, et nous
(disant « Â gentleman  »)
c
(ruauté dialectique)
ausons.

Il
(y a de quoi s’interroger)
s posent les
(loquence traitre faite de vieux mensonges et de faux fuyants)
pieds sur ma table e
(ntre moi-même et le jeu)
t dé
(ourvus de malice)
clarent : P
(arler d’aujourd’hui et de toutes les guerres)
our nous b
(eaucoup de choses que je sais déjà)
ientôt ç
(ynonime de défit)
a ira mieux. J
(e ne demande)
amais : Qu
(elqu’un se lève et dit j’ai la solution)
and ?

Le
(s sapins)
matin p
(leins d’inquiétude)
issent dans l’aube grise, et le
(s oiseaux)
ur vermine, c
(ommencent àcrier)
uelque chose que je me rappelle.

C’est l’h
(istoire vraie la meilleure histoire)
`heure où d
(eux poids deux mesures)
ans la ville j
(‘y suis j’y reste)
e s
(urgis de nulle part)
iffle mon verre, j
(‘accepte ce qui se présente)
ette m
(a méfiance)
on mégot, j
(‘oublie mon propre numéro de téléphone)
e m’endors p
(as moraliste pour deux sous)
ar peur de la violence.

Nous n
(e jugez pas mon bavardage)
ous sommes
(instables et perturbés)
a
(ttendez la suite)
ssis, espèce légère, dans
(un certain confort)
des maisons qu`o
(mme dans un conte)
n disait in
(stinct grégaire)
destructibles.

A
(ttraction répulsion)
insi nous avons
(nos raisons)
é
(puisé la méchanceté)
levé l
(empire de la nuit pas du jour)
es longs buildings de l’i
(mage de fond qui ne se laisse pas saisir)
le Manhattan.

De
(scription d’un mets où rien n’est dit de la saveur)
ces villes r
(aisonnables en rien)
estera ce
(st ànous de décider)
lui qui passait àt
(ours de passe passe)
ravers elles : le
(bleu limpide du ciel quand surgirent les avions)
v
(oilàle tragique)
ent !

La maison ré
(pond toujours àce qu’on lui demande)
jouit le mangeur : i
(ncapable de se faire comprendre)
l la vide.

No
(us le savons)
thing fancy here, just try to put down my thinking over time, n
(ecessité pousse)
ous s
(ommes)
altimbanques seulement de
(passage)
s gens. Et qu
(omment faire si on devient fou ?)
i nous suivra ? R
(endre le mal par le bien)
ien
(d’étonnant)
qu
(i vaille)
‘ont dit les avions aux tours de Manhattan ? Et qu
(omment le monde est devenu monde)
’est-ce que les tours ont répondu en retour, pas
(besoin de savoir)
en
(mesure de se rendre compte)
core c
(estion d’apitoiement)
ontinuer àse lever l
(‘image du monde est impossible)
e matin, j‘aime mieux p
(lanter des arbres et les voir grandir)
arler politique … et je n
(‘ai pas appris la nouvelle de ma naissance puisque j’étais déjàlà)
e s
(a j’arrive àl’avaler)
uis pas du tout c
(a et rien d’autre)
elui que je pensais être.

D
(euil compliqué)
ans les
(villes d’asphalte)
cataclysmes vont venir, j’e
(viterai de regarder les photos souvenirs accrochées aux murs)
spère, ne pas laisser, mon
(énergie ma ruse)
cigare de Virginie s
(ans esprit critique)
’éteindre p
(resque sans nuages)
ar amertume.

Mo
(n premier souvenir)
i, Be
(soin d’être seul)
rtolt Brecht, jet
(ais dans ma mère)
é d
(es forêts noires)
ans les villes d
(’asphalte)
a
(cause de quoi je me suis conduit comme je me suis conduit)
utrefois.

5 mars 2020
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