Cécile Ladjali / Vers l'écriture créative au lycée |
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sur la collection "Tremplin pour les ateliers d'ériture" du CRDP d'Amiens autres liens Cécile Ladjali : on peut se procurer "Autour de Murmures" pour 4 euros chez 0h00.com (version numérique) |
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à Noisy-le-Grand, en Seine Saint-Denis, une enseignante de lettres, avec la collaboration complice de quelques collègues, mène une expérience d'écriture créative radicalement neuve et hors norme par son ambition : à partir d'un texte de George Steiner s'ébauche une correspondance de la classe avec lui, puis l'étude et la traversée de textes comme La mort de Virgile de Hermann Broch, ou de poèmes de Paul Celan le CRDP d'Amiens, dans sa collection "Tremplin pour les ateliers d'écriture", présente ce mois de mars 2002 un luxueux coffret de trois volumes, un recueil de poèmes, "Murmures", préfacé par George Steiner, une pièce de théâtre, "Tohu-Bohu" préfacée par Daniel Mesguich, enfin une longue réflexion préambule de Cécile Ladjali elle-même, "Autour de murmures", étudiant et commentant de très près l'ensemble de sa démarche, selon ce mouvement ternaire qui a été leur règle : lire, écrire, être lu... l'ensemble constitue un document exceptionnel, par cette ambition même, et ce qu'elle suppose de traversée intérieure préalables outre l'excitation intellectuelle à ces convergences d'extrêmes, et les paradoxes qui en organisent des solutions textuelles parfaitement inédites et surprenantes, ces trois volumes sont une démonstration de plus que, là où on offre le meilleur, de façon résolument créative, et en confiance dans l'outil littérature, la récompense est symétrique F Bon |
"une vie sans examen n'est pas
digne de l'homme" |
[ ] deux problèmes cruciaux et liés : celui du sens et celui de la maîtrise de la langue. Lune des remédiations les plus efficaces au sens faisant défaut demeure lécriture. Car ne pas maîtriser la langue, cest ne pas appartenir au monde et aux divers sens quil nous impose. Maîtriser le langage, cest établir un lien verbal et intellectuel entre soi et le monde pour sy inscrire plus sereinement, quand cest justement le désarroi dû au sentiment de ne pas y appartenir qui est à lorigine de la violence quon lui fait subir et quon sinflige en même temps. Lorsquun élève invente une métaphore, il est dans un premier temps étranger à son propre discours, mais néanmoins soumis à son pouvoir incantatoire. Il se prend au jeu du mystère et cest paradoxalement dans le terreau de ce précieux décalage que va prendre la pousse dun second langage. Ce que jappelle second langage est celui que le professeur va devoir imposer à un enfant de seize ans qui a trop souvent échoué jusquà son arrivée au lycée face aux règles fondamentales de la syntaxe, de la grammaire et de lorthographe. La particularité de ce second langage est quil peut se construire sur ce manque. Depuis le primaire et le collège, léchec a douloureusement marqué certains élèves, doù un comportement parfois quasi autiste face aux textes proposés. Ces textes leur ont toujours échappé en raison de leur complexité. La formule magique (plus noire que blanche) se dérobe, glisse sur leur conscience et , loin dêtre charmante, devient une sorte de malédiction, faisant deux des hérétiques, des maudits de la langue. Il nest donc pas question pour moi revenir une énième fois sur ces règles, mais de faire en sorte quils sapproprient richesse et beauté des textes autrement. Ces élèves sont au lycée. Ils se présenteront dans deux ans au baccalauréat. Le temps passe très vite et il nest plus possible de reculer. Il faut donc aller de lavant, échafauder des Babel, avant de revenir sur ces règles impératives de la grammaire qui ne recouvriront à leurs yeux et quà cette condition de véritable intérêt. Car la création poétique étant mise au service dune intention (celle du poème ou du projet de classe quand il est question de lensemble du recueil), la grammaire peut devenir intelligente. La grammaire du texte, qui est déjà ce que lon nomme " stylistique " dans le supérieur, pourra réconcilier le signe et lidée. Notre démarche entendait ainsi suivre à la lettre lenseignement de Platon : Une vie sans examen nest pas digne de lhomme. Lacte denseigner aujourdhui est une exégèse de la personne et du monde, quand le rapport de la personne au monde a cessé dêtre évident et quil faut le redéfinir en plaçant le langage entre ces deux étrangers. © Cécile Ladjali / CRDP Amiens |
La tragédie absolue est fort rare. Cest une uvre dramatique littéraire, artistique ou musicale qui se fonde en toute rigueur sur le postulat de la fatalité de la vie humaine. Elle proclame, comme un axiome, quil aurait mieux valu ne pas naître ou, à défaut, mourir jeune. Un modèle absolument tragique de la condition humaine voit dans les hommes et les femmes des intrus indésirables dans la création, des êtres dont le destin est de subir des souffrances et une défaite imméritées, incompréhensibles, arbitraires. Quil soit adamique ou prométhéen, le péché originel nest pas une catégorie tragique. Il est doublement chargé de possibilités : de motivation et de rédemption ultime. Dans le tragique absolu, le crime de lhomme est quil est, quil existe. Sa simple présence, son identité, sont en soi une transgression. Le tragique absolu est donc une ontologie négative. Notre siècle a donné à ce paradoxe abstrait une traduction tangible. Durant lHolocauste, le Gitan, le Juif, avait très précisément commis le crime dexister. Ce crime-là sattachait par définition au fait dêtre né. ©Georges Steiner, Passions impunies, Gallimard. |
Le maire, seul sur scène et dun seul trait de voix (on pensera au monologue dun certain Lucky). LE MAIRE. Ô quel désastre quelle perte avoir investi tant dargent et de moi moi moi dans cette conconstruction cette bibliothèque devait mapporter la gloire le pouvoir le pouvoir surtout un pouvoir dincitation à la débauche que dis-je un pouvoir de persuasion sur mes habitants or maintenant quand je pense quand je passe par le terrain vague où samoncèle ce territoire de ruines de ruines et de cacaho ô ô ô lunivers minspire un sentiment de gâchis et de dégoût proportionnel égal à ma colère rance et ronce aux turpitudes taciturnes diurnes ne ne ne et tout cela à cause douvriers incapables cet édifice construit aux moyens des briques de mon orgueil hubris en grec de mon hypocrisie ça aussi cest grec mais tout le monde sen fout cest Dieu le responsable le fratricide nétait quun prétexte pour cacher la malédiction transcendantale pour que je massoie dessus et aussi lenvie de chier dessus mais non pas la malédiction immanente et historique hicquehic qui naurait été quun signe défaillant de ta jalousie aussi sache que moi je te condamne et te crée coupable oui moi blasphème incarné de chair et de sang ô mon mouvoir mon pouvoir ma bibliothèque et mon argent des briques des briques des briques (sanglots). © Tohu-Bohu - L'Esprit des Péninsules et CRDP Amiens. |