Jean Prieto (ici avec Didine)

retour La Douceur dans l'abîme


Ma mère m'a viré de la baraque. Il y a quatre ans de ça, à vingt-sept ans, j'en ai trente-et-un.

J'étais au chômage. Problème : l'Alcool, avec un grand A. C'est venu à dix-sept ans, j'étais encore au lycée. C'est venu tout seul, c'était pour me calmer les nerfs.

Plein de solutions pour oublier les problèmes, beaucoup de choses. Tous les jours un litre. Et ça augmentait au fur à mesure. A deux, à trois. Maintenant, j'en suis à trois. Trois litres par jour.

Arrêter je n'essaye pas, je serais un menteur de dire oui.

En même temps je sais que ça me fout la vie en l'air. Il n'y a qu'une chose : ça me calme, c'est tout. Les nerfs, c'est tout. Une question de nervosité. Je buvais un coup, j'allais au lycée tranquille, et encore des fois j'amenais mon litre en plein cours. Les autres ils sortaient des cahiers, et moi je sortais mon litre.

Je suis né à Metz, j'y ai été onze ans. A Metz, jusqu'à la mort de mon petit papa. On ne sait pas, un crise cardiaque. Il est revenu du boulot en taxi, par la fenêtre il a demandé à ma mère du pognon pour payer le taxi, et il est mort dans son lit.

Il était dans le bâtiment, il est décédé le jour de mon anniversaire. Il est mort le 11 avril 1978, je suis né le 11 avril 1967.

C'est pour ça, depuis, que je ne fête plus mon anniversaire.

J'allais vers lui, lui dire : Eh papa, c'est mon anniversaire, et il était dans l'autre monde.

Depuis la mort de mon papa, tout a disparu. Il faut en parler, il ne faut pas mettre ça de côté, il faut en parler pour ne pas oublier. Il faut toujours y penser. J'y pense toujours.

On voulait me fêter l'anniversaire, ma petite maman elle amenait le gâteau, je disais : Non maman, je n'en veux pas.

Sans lui dire pourquoi, pour pas lui faire de peine. Elle comprenait, exactement.

Il n'y a que moi qui comprends.