Sébastien Houllé, dit Seb / Recoller avec la vie

La Douceur dans l'abîme / le livre

le site de l'ARS Nancy

La rue c'est surtout l'extérieur, le vent, le froid, la pluie, l'humidité.

Le manque de chaleur humaine, aussi. Pas seulement la chaleur fuel gaz pétrole feu, la chaleur humaine.

C'est un engrenage. Au début moi je me suis mis dans la rue un peu volontairement. Les gens que je croisais dans la rue, les zonards, ça me semblait convivial. Quand on vit comme ça, on vit souvent dans des squats où on partage tout. C'est un peu attirant.

Au fil du temps, au fil du temps, viennent se greffer les inconvénients qu'on ne voit pas au début.

Et là sans s'en rendre compte, petit à petit on se détruit. Selon les personnes ça peut durer deux mois, un an, dix ans avant de s'en rendre compte. On ne vit dans la rue qu'à court terme.

On trouve une baraque abandonnée, quelque part, on force le cadenas, on s'introduit dans les lieux. Ça peut être une maison avec plein de chambres partout, on choisit souvent de grosses maisons où il y a plein de pièces partout, et alors tous les gens qu'on voit traîner en ville pour se nourrir et pour nourrir leurs animaux, on se réunit dans un lieu comme ça, où on essaye d'être discret, un peu à l'abri des regards.

Là on s'installe, on essaye de faire chacun sa chambre, chacun son coin, et une pièce commune pour faire à manger, entreposer tous les bagages. On essaye quand même de choisir des grandes maisons pour qu'on ait chacun notre pièce, notre intimité. Mais c'est difficile.

Quand on est tous comme ça dans un squat, on porte notre misère sur notre dos, et en même temps on porte la misère de tous ceux qui sont dans le squat. Malheureusement, il faut quand même se retirer de tout ça pour évoluer. C'est difficile quand on est dans un groupe comme ça. Le groupe partage tout, les problèmes de tout le monde, on se bat ensemble, on se bat contre les flics, la société, mais le courrier qui arrive dans ta propre boîte aux lettres, tu ne t'en occupes pas.

Ou une ancienne poissonnerie, dans une toute petite ruelle en plein centre-ville. Toute la ruelle est en chantier, et ce bâtiment aussi il va être détruit d'ici un an. Au départ on a emménagé les lieux, c'était abandonné depuis tellement longtemps, il y avait deux millimètres de crasse partout. On a tout nettoyé, on a passé une journée à nettoyer, on a posé de la moquette au sol, des bouts de moquette récupérés. Il fallait monter par une échelle au premier étage, puisque c'est au premier étage qu'on squatte, en bas c'est des chambres froides.

C'est un squat de passage, il y a beaucoup de monde qui y passe. Les gens restent là quelques jours, et puis ils vont squatter ailleurs.

Ça appartient à tout le monde, quand il y a quelqu'un qui galère, on l'oriente là-haut. Le milieu de la zone on les connaît, les squats, mais c'est assez discret. Ça a été abandonné pendant tellement longtemps, on ne peut pas y rester, c'est crasseux partout, c'est un peu le squat de secours. Tout le monde y passe avant d'aller ailleurs. Il y avait l'Anglais, avant, dedans. Maintenant, il y a la Pôm.

 

 

Nancy, ancien squat de Seb