enseigner, inventer, enseigner à inventer... |
|
Faudrait-il donc donner dans le politiquement correct pour être crédible en cette affaire ? Car, bien sûr, il sagit dune question politique. Sinon, comment expliquer que des citoyens qui se vivent comme défenseurs des valeurs littéraires estiment le moment critique au point de publier un manifeste dans le Monde ? Bien leur en a pris. Ce faisant, ils ont accéléré un débat qui ne passionnait guère, malheureusement. Je ne donnerai donc pas dans le politiquement correct et je dis dabord avec François Bon quil est nécessaire de les combattre. Et jajoute en direction du Ministre quil est temps de trancher : lécriture dinvention devrait à mon sens être déjà objet denseignement et dapprentissage. Cela fait en effet plusieurs années que sont à disposition des expériences, des recherches didactiques, des stages de formation ( trop peu nombreux il est vrai), des actes dUniversités dEté et de colloques. Jajoute que, et cest le cas en Bretagne, des groupes denseignants ont produit dexcellentes réflexions pour le travail en classe. Et les jeunes lycéens, nen ont-ils pas assez dêtre pris pour des mineurs en littérature ? Certes, écrire la fiction népuise pas toutes les questions de lenseignement de la littérature. Mais écrire en atelier, écrire en compagnie décrivains, bref, écrire avec ... permet à tout un chacun dexpérimenter la langue, dopérer des choix, de déconstruire et reconstruire des oeuvres qui deviennent autant matière à références et réservoir de citations possibles. En écrivant avec ..., les jeunes scripteurs, lecteurs, expliciteurs, pensent aussi lacte décrire, de lire et de parler. Il entrent en littérature, ils en tirent un pouvoir précieux, celui de la liberté." Enseigner la littérature sera un jour, peut-être, enseigner à fabriquer du texte dans ce quon pourrait appeler des ateliers décriture. On y écrira un texte, mais en se demandant toujours quels procédés sont employés. Lenseignement sera une production conjointe de pratique et de théorie ", a écrit Jean Ricardou dans la revue TEM en 1984. Nous sommes au moment où cela est désormais possible. Attendre encore par esprit de consensus mou serait irresponsable. |
Chantal Anglade enseigne à Sarcelles.
Je ne sais pas si aujourd'hui est venue l'"étape historique" où une institution ne peut plus être chargée de la transmission de la totalité des savoirs, ainsi que le croit Raphaël Monticelli - aurait-ce été un jour, avant aujourd'hui, possible, pensé ? Je dirais plutôt : jamais, pas plus hier qu'aujourd'hui. Que veut-on ôter à l'école, en remarquant soudain qu'aujourd'hui ce ne peut plus être comme avant ? La taxe-t-on de totalitarisme ou de volonté totalitaire ? Aucun de nos propos n'est révolutionnaire, voyons, ni les mots que quelques-uns d'entre nous emploient pour rappeler que nous vivons dans la cité et qu'à ce titre nous débattons : "citoyens", etc. Qu'on y pense bien : être citoyen est une question politique ; alors, allons-y et moins frileusement ! On a ri du mot d'humeur de Poirot-Delpech, et on lui a prêté la naïveté de s'en tenir à la page publiée dans le Monde par le collectif Sauver les Lettres ; loin d'être dans un nouveau débat, nous sommes face à la question du siècle concernant l'enseignement : l'enseignement est-il un remède aux inégalités de toutes sortes ? au-delà de former les esprits à une prochaine adaptation dans le monde du travail, permet-il le slalom social ? pour vendre des voitures, des assurances, des téléphones, des forfaits santé-minceur-bien-être, a-t-on besoin d'écrire pour soi et de lire ? Les programmes des classes de Français y avaient répondu, en mettant l'argumentatif au premier plan, au collège, explique Véronique Breyer, au lycée aussi puis-je ajouter. Les nouveaux programmes de Seconde - je dis bien les programmes, pas les manuels mis sous presse à toute allure et proposant, certains, qu'on travaille sur des slogans publicitaires tels que "avec Carrefour, je positive" - replongent dans la littérature, offrent cette séquence intitulée "lire, écrire, publier aujourd'hui" - certes devenue entre projet et programme officiel - facultative. Les programmes de Premières et la maquette EAF sont moins ambitieux, plus fermés - comme si lorsqu'il s'agissait d'en finir avec le cours de Français pour bientôt aborder la philosophie, on arrivait à la période des soldes. Le sujet d'invention par manque de définition est une promesse, une bonne intention ; je comprends bien qu'il intéresse au plus au point ceux qui écrivent et voient écrire, et je m'en réjouis, et à François qui veut se retirer, je dis "reste" ; à Raphaël Monticelli qui me désespèrerait facilement lorsqu'il affirme sa certitude que les questions de l'école ne peuvent trouver leur réponse dans l'école, je dis que les paradoxes ne doivent pas paralyser et qu'il faut au contraire pousser pour qu'ils produisent un sens - l'école n'est pas une forteresse à double-vitrage qui n'entend pas le monde, j'écris volontiers que l'école ne peut résoudre à elle seule les questions du monde, mais qu'elles résonnent chez elle ; que ce qui est spécifiquement scolaire - si ! cela existe : la question de la transmission du savoir scolaire est une question scolaire - doit être résolue par l'école, notamment la question de la pratique de la lecture et de l'écriture (on apprend à lire et écrire en Primaire, il est juste que cela serve à quelque chose à l'intérieur même de l'école par la suite) ; si certains contre elle ou sans elle ( Alain Bellet parle de "rigidité pédagogique") veulent résoudre ce qui lui appartient, ils échoueront. Qui veut quoi ? Qui veut l'échec ? échec de l'entrée du contemporain dans les programmes de lycée, échec de la naissance de l'écriture, sous nos yeux, en direct, de nos élèves - oui, on ne sait pas ce que c'est que cela qui se met à dire chez ces impotents de la parole, bègues ou aphasiques, et on reconnaît que ce qui nous terrorise et nous transporte est de l'ordre de l'esthétique : c'est beau, et puis simplement c'est dire le monde, François nous le rappelle autant qu'il peut, le référent n'a pas ses mots encore, il s'agit de les entendre comme une première fois, d'avoir la sagesse de les reconnaître, et de trembler un peu ( de reconnaissance). Bruno Tackels en appelle à l'écriture et au savoir ensemble, pas l'une contre l'autre. C'est ça, bien ça. J'ai envie d'abandonner toute critique aux propositions d'Alain Viala, - et pourtant, son utilisisation du mot "citoyen", politiquement, me pose vraiment question - me saisir de ses propositions : les profs savent très bien "adapter" les programmes, justifier leurs pratiques par les textes officiels ; on entrera dans l'expérience ainsi, à la manière sensible. Certes, on tombera dans des débilités type pastiche à tout crin ludiques et sans saveur puisque les définitions du sujet d'invention y invitent. Mais on pourra aussi s'en détourner - en courrant, je cours déjà. Il faudra résoudre aussi le problème de l'évaluation de ce type de sujet - réfléchir beaucoup; à cela, aujourd'hui, je n'ai pas de réponse satisfaisante. Ne pas abandonner une exigence cependant : celle de la formation des enseignants. Là est le débat certainement. Pas facile. Lancer la machine encore - je ne suis pas sûre que la pédagogie des majorettes y comprend grand chose, il s'agit d'abord de littérature. Méfiance et exigence, de grâce ! |
Pour faire humblement suite à ce quécrit Yves Ughes: Et si précisément, cette pratique de l'écriture d'invention replaçait l'élève face à la langue ? Plus exactement DANS la langue. Là gît une richesse dont nous n'avons exploité qu'une mince part. Par ce travail, l'élève redécouvre -avec une confiance qui n'est pas superflue- ce qu'il peut faire avec les mots., je souhaite très modestement faire part de mon expérience denseignant en collège; cest aussi Yves Hugues qui rappelle avec un simple bon sens que les élèves quon quitte en troisième nont que quelques mois de plus quand ils arrivent en lycée: en quoi pourraient-ils être très différents ? Ancienne stagiaire de latelier B.N., avec G. Noiret et F. Bon, et grâce à cette formation (hélas non reconduite au programme), jai derrière moi maintenant la pratique de trois ateliers successifs en classe de Troisième, accompagnée par différents écrivains, dont Alain Bellet (cf son intervention), soit pour lancer latelier, soit avec bonheur pour toute sa durée. Que les élèves aiment, cétait à lorigine le cadet de mes soucis. Mais leurs progrès dans lanalyse des textes me concernaient au plus haut point, car je me sens des obligations très contractuelles envers eux: quils sen sortent lors des examens, quils soient à égalité de chances, quils passent en Seconde et quils suivent! Je ne peux que souscrire à ce quécrit Yves Ughes: cest bien en se confrontant à lécriture que les dits-élèves se préoccupent ENFIN des sujets quon a essayé auparavant de leur faire ingérer avec plus de difficulté et beaucoup moins de succès que pour le gavage des oies. Certains de mes 3° faibles de cette année réécrivent deux-mêmes en vacances leurs scènes de théâtre, tentent des improvisations devant leurs camarades (et pourtant, quil leur est difficile, le regard de leurs pairs !) à partir de la question : comment allez-vous faire évoluer la situation compte-tenu de lexistant ? (logique, caractères des personnages ), proposent des variantes de suite, etc.... Et me demandent des textes de référence traitant de leur sujet (une castagne pour lamour dune fille, ou un mariage refusé par des parents musulmans les emmènent droit à Roméo et Juliette ou à Molière) puis nous traitons des techniques du débat, de largumentation: la fille doit défendre son point de vue; la classe entière sen mêle Combien de jeunes et denfants se sont réconciliés avec la langue et la littérature , écrit Alain Bellet. Je sais de quoi il parle, je lai VU les réconcilier ! Et bien sûr, je partage la préoccupation de mes collègues quant à notre formation à cette pratique de lécriture dinvention. Si lécrivain, sa présence physique, son regard sont nécessaires aux élèves, lexploitation de latelier et son prolongement reposent sur lenseignant. Or, on ne suscite pas la création comme on entraîne au commentaire, ou à lanalyse. Pourtant, il nous faudra bien savoir de quoi on parle, si on le demande à nos élèves ! Nous nécrivons pas tous naturellement, bourrelés de scrupules et dinterdits par une trop longue fréquentation des grands auteurs. De plus, il nous faut une conscience des risques puisquon écrit avec de soi un acte vite passionnel, et passionnel avec 30 élèves . Cest pourquoi il est vraiment bien regrettable que cette formation aux ateliers décriture, co-organisée avec la B.N.., ait disparu aussi mal à propos ! Reste laspect évaluation, un réel souci qui le sera plus encore lors dune épreuve dexamen. Jai pour ma part, en parallèle des ateliers menés, choisi dévaluer des exercices partiels, volontairement plus cadrés, liés à la pratique de latelier et en découlant, réclamant à la fois invention et observation dun texte corrélé, le ré-emploi de certains procédés de lauteur; il me fallait permettre à des élèves jeunes (quinze ans en moyenne) de mesurer leur progression au cours de cette activité; mais je nai pas souhaité noter loeuvre réalisée, plutôt lapprécier oralement et en groupe (avec réserve); de ça aussi, javais eu lexpérience en atelier, en appréciant, en étant appréciée et incitée à poursuivre, compléter En remerciant tous les écrivains des ateliers que jai
suivis ou mis en place, enseignante en collège dans le Val dOise. |
D'un côté, ceux qui prônent l'écriture
d'invention et qui montrent l'échec des méthodes jusqu'à
maintenant pour donner le goût des lettres aux lycéens, et
ils ont raison. De l'autre, les défenseurs des classiques disent
qu'il faut sauver les lettres et ils ont raison aussi, parce que nul ici
ne saurait faire l'économie de notre bel héritage. Et si
une grande partie de l'ennui suscité par nos grands classiques
venait du fait qu'ils ne sont pas du tout à la portée des
lycéens. Qui a déjà essayer de faire lire Flaubert
par la force ou par la ruse à une jeune fille de seize ans ou Stendhal
à un jeune homme du même age conviendra que c'est là
une entreprise proche en difficulté d'écrire soi même
Madame Bovary. En revanche le XXème siècle a donné
le jour à de nombreux auteurs tels que Beckett, Perec ( surtout
lui ), Queneau, Apollinaire, Breton, Cortazar et d'autres encore qui en
chahutant les formes ont rendu le procédé très apparent
et souvent ludique. N'enseignons plus Montaigne qui est triste et ennuyeux
à mourir lorsque l'on a entre seize et vingt ans, enseignons Perec
et les suréalistes, et écrivons avec eux. Plus tard, les
adolescents qui ont appris à aimer Perec et Beckett ( En attendant
Godot par certains côtés est un merveilleux compagnon d'infortune
pour les adolescents, pusique c'est une mise en forme lumineuse d'un nihilisme
dont ils ont tous les droits de se sentir proches, qui plus est porté
par deux clochards cosmiques, c'est cool ), deviendront des adultes curieux
qui se plongeront alors pour la première fois avec délice
dans le style alambiqué du XVIIIème. En revanche les mêmes
adolescents que l'on barbe aujourd'hui à coup de classiques abrutissants
ne sauront jamais qui sont Perec, Queneau et Cortazar, parce qu'ils seront
devant la télévision ou ce qui la remplacera dans ce qu'elle
a de plus avilisant dans dix ans, aps davantage qu'ils ne se rappeleront
plus qui sont Zola, Hugo et Baudelaire, sinon des raseurs patentés.
Il faut arrêter de croire que Proust est à mettre entre toutes
les mains, que cela ne peut pas faire de mal, parce que c'est faux, pour
lire Proust, il faut d'abord avoir vécu de l'intérieur nombre
des sentiments répartis dans les personnages de la Recherche, c'est
à ce prix que l'on goutera enfin les métaphores ennivrantes
de Proust et ses déambulations digressives, avant cette maturité
indispensable, on ne voit que des phrases qui font des kilomètres
et c'est de ce fait très décourageant. Enfin, la jeunesse
a besoin de contemporain, dans lequel elle sera davantage capable de d'identifier
( essayer de faire lire du Koltès à ceux-là même
qui vous ont renvoyé Voltaire, Ronsard et Balzac en pleine figure,
et vous serez surpris de voir que cela passe tout seul ), ce n'est que
plus tard que l'universalité des mythes peut trouver un écho
et des lecteurs. |
Christian Jacomino enseigne
depuis trente ans dans des écoles élémentaires. Il
anime l'atelier d'écriture de la Bibliothèque municipale de
Nice, intitulé 'Questions de formes', et travaille par ailleurs sur
les romans de Gaston Leroux.
Voici l'histoire Nice, le 25 avril 2001 |
Je ne sais si c'est bien ici le lieu d'insérer mon petit bout de réflexion sur un débat que je suis de loin, quand bien même j'ai les deux pieds, un peu la tête dans l'EN. J'apporte ici deux petites contributions: 1 J'ai tout appris, à l'école (bac en 1968) à partir d'extraits, j'ai dons appris à ruser et à ne pas lire. J'ai appris à penser ce que le professeur voulait faire dire à l'auteur. C'est donc tardivement (mais il y a quelques autres raisons personnelles ) que j'ai pris le goût de lire, à partir de la littérature contemporaine. J'ai vu un auteur VIVANT à l'âge de 40 ans. La province a de ces éloignements! Souvenez-vous, François Bon, vous n'avez pas pu nous visiter en 1999/2000; ce n'est pas un reproche, mais, dans le débat qui s'instaure il faut penser aussi à la province éloignée. Heureusement dans notre région nous avons deux scènes nationales de théâtre et une de danse, ça pallie tout de même. 2 A 45 ans environ je me suis lancée dans un peu de journalisme et j'ai découvert l'édition, les auteurs, la fabrique littéraire. Dès lors j'ai inclus cela dans mes cours (parler un peu des auteurs, du comment écrire). Cours pour lesquels je me refuse catégoriquement et définitivement à utiliser ces ouvrages mort-né que sont les livres de morceaux choisis édités pour le plus grand profit de maisons qui sautent sur tous les changements de programmes, terminologies, modes pour vite en fabriquer d'autres. Si je travaille avec des photocopies d'extraits (en collège c'est toujours assez court), chaque fois l'ouvrage est montré, sinon les élèves acquièrent le livre; mais on est obligé de se cantonner aux Poche (certais auteurs contemporains y figurent), Librio et Cie, à moins d'avoir un atelier de pratique artistique et de ce fait un budget qui nous permet d'acquérir des ouvrages récents. 3 Je pense que dans l'EN, on peut s'accorder des libertés, et plutôt que de s'assoupir sur des règles, des analyses, on peut développer le plaisir de lire A VOIX HAUTE, RECITER, ECRIRE, même si je n'ai pas une pratique d'atelier d'écriture, il me semble que j'ai des élèves qui écrivent avec plaisir quand on leur donne les outils pour le faire et qu'on leur témoigne la confiance qu'ils peuvent s'en servir. On peut aussi DEBATTRE etc. Apprendre c'est s'approprier, avec effort et plaisir. Les textes classiques en sont tout vivifiés.Suis au bord de ce grand débat, mais ça m'a plu de vous écrire ces petites pensées. Salutations et bonne continuation. Josiane Bataillard Josiane Bataillard enseigne en LEP dans le Jura et est journaliste à "La Montagne" |
Alain Bellet m'a fait part du débat sur
votre site. J'aimerais réagir et apporter mon témoignage. |
J'avoue que je suis un peu éberlué
de voir des gens qui devraient être des amis s'entre-déchirer
à qui mieux mieux sur le sujet de l'écriture d'invention
au lycée. En soi ce que veulent les uns et les autres ne me parait
pas incompatible du tout. C'est un peu à l'image de cette blague
des Monty Python qui dit que ce qui est terrible dans les guerres de religions
c'est que toutes les religions sont d'accord pour dire que Dieu a dit
de s'aimer les uns les autres, mais finalement les guerres de religion
pèsent surtout sur comment Dieu a dit qu'il fallait s'aimer les
uns les autres. Les tenants de l'écriture d'invention montrent
l'échec des méthodes jusqu'à maintenant pour donner
le goût des lettres aux lycéens, et ils ont raison. Les défenseurs
des classiques disent qu'il faut sauver les lettres et ils ont raison
aussi. Je crois qu'une grande partie de l'ennui suscité par nos
grands classiques c'est qu'ils ne sont pas du tout à la portée
des lycéens. En revanche le XXème siècle a donné
le jour à de nombreux auteurs tels que Beckett, Perec ( surtout
lui ), Queneau, Apollinaire, Breton, Cortazar et j'en passe, je ne suis
pas aussi littéraire que les intervenants du débat, qui
en chahutant les formes ont rendu le procédé très
apparent et souvent ludique. N'enseignons plus Montaigne qui est triste
et ennuyeux à mourir lorsque l'on a seize ou vingt ans, enseignons
Perec et les suréalistes, et écrivons avec eux. Plus tard,
les adolescents qui ont appris à aimer Perec et Beckett ( En attendant
Godot par certains côtés est un merveilleux compagnon d'infortune
pour les adolescents ), deviendront des adultes curieux qui se plongeront
alors pour la première fois avec délice dans le style alambiqué
du XVIIIème. En revanche les mêmes adolescents que l'on barbe
aujourd'hui à coup de classiques abrutissants ne sauront jamais
qui sont Perec, Queneau et Cortazar, parce qu'ils seront devant la télévision
ou ce qui la remplacera dans ce qu'elle a de plus avilisant dans dix ans.
Il y a peu de temps je voyais un reportage sur les Editions de Minuit
dans lequel on voyait Irène Lindon qui expliquait qu'elle avait
lu Beckett bien avant les classiques, ce qui lui vait valu de nombreuses
difficultés en classe de français. Elle fait maintenant
parti des défenseurs et des grands passeurs de la littérature,
et elle a fini par les lire ses maudits classiques. |
J'attends de la littérature
quelle continue de me procurer des énergies de par sa rage artistique,
des outils mentaux pour mon travail d'enseignant et mon métier d'homme.
J'entends bien que cela ne s'arrête pas : le tramway de Claude Simon,
l'oeuvre littéraire, théâtrale et sociale d'un Christian
Devèze à Lyon et en Bretagne, et bien d'autres gestes créateurs
nouent sans relâche les fils du probable, du possible, de l'impossible,
et permettent toujours l'advenue d' Une odeur perdue de la mer ( Jean Miniac),
d'évènements de parole. J'apprends avec les textes littéraires que lire est une superbe paresse à condition de les mettre au travail. A quoi bon encore des poètes ? Qu'on relise les deux dernières pages de ce livre de Christian Prigent. Par les ateliers d'écriture, je me sens aussi artisan de la fabrique littérature. Vive la bataille pacifique livrée ici pour que l'écriture d'invention ne soit pas un leurre dans le grand faire semblant de l'EN, mais une fenêtre ouverte pour un espace de liberté parmi nos textes lus. Paul Recoursé IUFM de Bretagne. |
Ecrire, parler de soi est nécessairement
parler de l'autre et l'exercice est aride. Aride parce qu'il oblige l'impétrant
à se plonger avec l'oeil convaincu d'acuité entre le mot et
la chose, entre le mot et le fait, de se reconnaître dans l'impersonnel,
lui qui ne peut s'exprimer que dans le personnel. Le "je", le
"tu", le "il" sont les marqueurs de l'isolement, de
l'illusion d'être, du "Moi seulement", de la mort vivable.
Ils sont statiques. Et, donc, le faire c'est entrer dans le questionnement, le mouvement, vouloir le pénétrer, c'est fouiller le miroir si tant est que nous soyons capables de soutenir notre image dans toute sa gravité, son poids, et tout simplement si nous savons reconnaître le phénomène réflexif pour ce qu'il est : une tentative désespérée née de l'obscure clarté de nous imprimer dans une fusion, celle que les rhéteurs du pouvoir nomment absurde pour la bâillonner tant elle génère de silences féconds. Il m'est difficile de penser que nous passons par ici pour être heureux (voir évolution du sens bourgeois du bonheur du début du 19ième à nos jours). Si nous sommes et nous sommes sinon le monde ne saurait être, nous sommes là pour voyager. Si On me posait la question récurante pour certains : " Pourquoi écrivez-vous?" Ou ,ce qui est identique, "Pourquoi vivez-vous?", sans hésiter je dirai "Pour être meilleur". Mais à ce jour On ne me l'a pas posée, peut-être parce que sur ce chemin rien n'a nécessité d'aboutir. (in Confessions pour paraître) Eric Bertomeu 21 avril 2001 |
Du principe de précaution au corps enseignant : posture et imposture Je ne tenais pas à mimmiscer dans un débat qui, sil mapparaissait de la plus haute importance, devait permettre les contributions des acteurs les plus engagés, des défenseurs les plus explicites et ouverts, des découvreurs au long parcours de partage, des passeurs de passions à lécoute bref de ceux qui ont qqchose à dire parce quil y a beaucoup à entendre, ici et maintenant, ailleurs et autrement, à la marge, entre les lignes, au creux des pages, dans les plis du désir et dans le droit-fil des lettres. La " déclamation réclamative " de " M. Jubilo, Expert 1er, praticien de la Chôse , au service de" mautorise les cris du coeur, lécrit non estampillé dune citoyenne qui, pour avoir été élève, croit savoir , qui étant mère délève de collège (cest pire, je lavoue !) croit savoir - que chacun compte pour 1, mais quil est difficile daffirmer une singularité face à un corps qui shabille de savoirs pour que dautres baissent les yeux, détournent le regard de la chose écrite, se privent dembarquer sur locéan de la langue et ses tempêtes - que sapproprier quelque chose cest en empêcher le partage, et quen matière dexpertise la contre-expertise a sa place dans lévaluation dun dommage. Et enfin nest-on pas en droit dattendre des experts quils élèvent le débat, quils en appellent aux " alliés objectifs ", quils le resituent et le restituent au-delà des frontières étriquées dun échiquier où chaque pièce ne répondrait quà des règles et stratégies codifiées. - que les questions appellent des réponses et que léclairage de chacun permet plus de lumière, à moins quil ne soit nécessaire de travailler dans lombre à moins quil ne soit pas question ici de faire rayonner la parole et le verbe, lidentité et la signature, " de réactiver la langue " à moins quil soit formellement interdit douvrir des fenêtres, côté cour et jardin pour éviter le " courant dair dans linstitution ". - que pour trouver la solution, il faut savoir parfois sortir du cadre, surtout sil on est au service de - quà force de revendiquer, dafficher une certaine " théorie des ensembles " on se retrouve face à un corps défendant un ensemble vide de sens. Quand il y a péril en la demeure, " ça " devient " laffaire de tous " pour peu que certains ouvrent des pages de réflexion et diffusent véritablement, peut-être moins leur savoir que, leur " vouloir-partager " - que je peux rassurer ma fille avec quelques pages de littérature contemporaine où il est incongru ( ?), périlleux ( ?), surréaliste ( ?), inadmissible ( ?) de mettre entre [] ou de souligner un quelconque supplétif ou autres propositions subordonnées (lessentiel lassant et interminable de son approche du " Français " en classe de 3ème) mais est-il vraiment question de littérature, décriture, de lecture et déducation ! ! ! Qui doit sauver quoi ? Qui sauve qui ? Je renvoie à la conclusion de F.B dans légalité du verbe ceux à qui nous transmettons disposent, et eux seuls, de la possible survie, dun héritage qui pourtant, sil vaut vitalement pour nous, ne vaut pas encore tel pour eux. Merci pour toutes les contributions qui me permettent de dissiper certaines zones dombre, qui propulsent vers les écrits, dans la vie Martine Gouiran |