Au pays des livres

L’un des objectifs de la résidence d’écriture est de faire découvrir la chaîne du livre aux élèves. Dès notre toute première rencontre, nous avions relevé une vraie curiosité àpropos du processus de création, l’édition, l’impression des livres. Comment une idée dans la tête d’un auteur devient un objet àdisposition des lecteurs, soit physiquement, soit sur Internet ?

Nous avons plusieurs fois abordé ces questions lors de séances avec la professeure de français et d’histoire-géographie Sabrina Redouane Bouras. La professeure documentaliste Aude Lagarde, par ailleurs ancienne libraire, avait consacré une séance au CDI sur le circuit du livre. Cette séance avec la classe de première Hygiène, Propreté, Stérilisation (PHPS) comportait en plus une visite àla librairie indépendante « Â Au Pays des livres  ».

Personne dans la classe ne connaissait la librairie (précisons que tous les élèves n’habitent pas Colombes). Quelques-uns ne savaient pas la différence entre une bibliothèque et une librairie. Peu avaient acheté un livre dans une librairie.

La séance a été passionnante, de bout en bout. Tout d’abord en classe, où elle était consacrée pour une part àun retour sur le circuit du livre, pour une autre part àun débat sur les stéréotypes du genre. Et encore plus àla librairie, où les élèves se sont montrés très curieux, posant des questions très pertinentes, sur la sélection des livres, le prix des livres, l’organisation des rayons, la concurrence avec les autres points de distribution (grandes surfaces spécialisées et grandes surfaces alimentaires) et avec les sites Internet, la répartition des revenus du livre… La passion de la libraire, qui a repris le fonds de commerce il y a un an, était communicative. Je retiens un moment en particulier de cet échange, quand une élève a demandé ce qu’elle ressentait quand elle lisait un livre qu’elle aimait. Elle a répondu qu’on ne lui avait jamais posé cette question avant de développer.

Les élèves posaient encore des questions alors qu’il était l’heure de la visite. La libraire passait de rayons en rayons mais les rangs derrière elle rétrécissaient. Les élèves faisaient ce qu’on est censé faire dans une librairie : ils prenaient les livres, les ouvraient, les feuilletaient, discutaient des quatrièmes de couverture… Nous avons décidé de les laisser découvrir par eux-mêmes ce petit espace où tant de livres sont àdisposition.

C’était un très beau moment, très émouvant et, sur le chemin du retour vers le lycée, nous avons pu discuter de livres avec les élèves, en particulier l’une qui m’a raconté sa découverte du Journal d’Anne Frank grâce au film Écrire pour exister. Depuis, elle s’est intéressée àcette période de l’histoire. On peut mesurer la puissance des mots àtravers la révolte qu’ils ont fait naître chez cette jeune femme qui s’identifie àAnne Frank 75 ans après l’horreur qu’elle a vécue.

De retour au lycée, au CDI, Aude Lagarde, la professeure documentaliste, a parlé des livres et a partagé ses coups de cÅ“ur avec les élèves, captivés. Il fallait voir deux d’entre eux se disputer qui lirait un des romans présentés ! Les 4 heures de la séance sont passées très vite. Quelques semaines après, j’apprenais qu’une élève avait commandé àla librairie. Au pays des livres, une frontière a peut-être disparu dans l’esprit des élèves.

22 février 2020
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