Benoît Artige | Figures libres, Lucia di Lammermoor

En découvrant Bergame, on s’interroge sur ce qui a bien pu inspirer à Debussy son élégante et vaporeuse suite, tant la ville haute (murs hauts, fenêtres grillagés, marbre noir et blanc), d’une beauté sévère et toute médiévale, étouffe sous l’opulence d’un catholicisme effrayé. Et ce n’est pas seulement pour l’avoir visitée aux heures les plus chaudes que l’on y a cherché en vain un peu d’air. Le compositeur Donizetti y est né et mort : dans l’entre-deux, il a plongé certains de ses personnages dans la folie, avant d’y plonger lui-même – et il y a sans doute quelque chose du tempérament bergamasque chez sa Lucia di Lammermoor dont le chant acrobatique est, du début à la fin, celui d’une échappée d’asile cherchant l’équilibre pieds nus sur un muret hérissé de bris de verre avec le désir forcené de retrouver – sans aucun espoir – la liberté.

27 septembre 2021
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