Catherine Gardone, photographe
Photographier
C’est tenter de comprendre, avec parfois le risque de trop s’attacher à l’aspect le plus séduisant des choses. C’est fixer la trace d’un moment fragile où tout va basculer.
Mon intérêt pour le processus de transformation m’a amenée à m’intéresser à tout ce qui se fait, se défait, se modifie avec l’humain et sans l’humain. Il y a de la mouvance et de l’instabilité dans tout ce qui constitue notre univers. De fécondes interactions qui chaque jour métamorphosent notre environnement. Il y a surtout l’homme, qui façonne et transforme en se transformant ; concepteur d’objets singuliers, produits par des gestes dont l’absolue maîtrise fait oublier la rudesse des marques qui, jour après jour, signent les corps.
Le feu comme processus de transformation du fer, du verre, de la terre. À Gray, Syam, Salins, La Rochère, j’ai rencontré les gens du feu, venus de partout mais unis dans la même intelligence de l’acte, pour atteindre la perfection ; des gens généreux et graves. Rien pour favoriser la photographie dans ces usines mal éclairées, pleines de poussière et de vapeurs. Si les regards complices encouragent, ils ne durent qu’un instant. Il faut se faire accepter de la fraternité des gens du feu, être le plus discrète possible avec un matériel léger.
Lentement, de jour en jour, ou de visite en visite, ma place s’est faite. J’étais des leurs. La sympathie et l’estime étaient réciproques. Chacun en avait conscience sans que jamais nous n’ayons à en parler.
Nous pouvions partager le café et parfois un repas avec la famille.
J’ai en mémoire le long cri de la sirène à Salins et la ruée vers l’extérieur. Leurs vêtements colorés à La Rochère, sur lesquels s’inscrivent quelques rêves d’évasion : New York, Harlem, Honolulu ; et encore la précision de leurs gestes, leur concentration pour éviter le risque d’une manipulation hasardeuse. Une ronde, un ballet de corps durs et souples dont les vêtements salis n’arrivent pas à masquer l’étrange noblesse.
À Syam j’avais envie d’accompagner leurs mouvements, leurs courses vives, la minceur de leurs translations.
Une main qui se tend simplement et chaleureusement pour m’indiquer un passage protégé, pour éviter une imprudence ; ils m’ont acceptée ici où chacun a son lieu d’évolution car rien ne doit gêner ces manipulateurs d’incertitude.
Voilà comment les gens du feu m’ont aidée à comprendre leur vie, la vie, dans sa précarité.
Ce n’est pas pour moi une nécessité de partir loin photographier d’autres peuples car je ne cherche ni l’extraordinaire ni l’exotisme. « L’autre » tout près de moi est déjà tellement différent, et pourtant si proche dans son éloignement qu’il suffit d’être là, dans ces lieux peu visibles, pour tenter quelques images.
Catherine Gardone, Note d’intention, Dossier de presse, Exposition « Gens du feu », Livre « Feu notre monde », mai 1995
Livres et illustrations de livres :
Le Paradis de Léopold Truc — Éditions Les Philadelphes — Texte de François Dominique — 2013.
Ocre en Luberon — illustrations — texte de Sophie Leduc — Édisud, 2010.
La Bonne Maison Jaeger-LeCoultre — à la suite de la commande de la Manufacture suisse, afin de la représenter en Chine, 2004-2005. De la matière à la montre terminée.
Couleur métal — illustrations — Édisud, collection « Les Livrets du Conservatoire », 2004.
Couleurs à boire, couleurs à manger — illustrations — Édisud, collection « Les Livrets du Conservatoire », 2002.
De la matière à la couleur — illustrations du livre du Conservatoire des ocres — Édisud, 2001.
Ocres et badigeons de Vincent Tripard — illustrations — Édisud, 2000.
Vaucluse en détours — livre issu de la commande du Conseil général du Vaucluse, 2000.
Usines Nouvelles — publication d’œuvres contemporaines — Éditions Friches industrielles, Paris.
Feu notre monde — livre, texte de François Bon — photographies dans des sites industriels — Éditions Créaphis, 1995.
Faïencerie de Salins — livre, collection « Patrimoine ethnologique », Besançon, Éditions Cêtre, 1992.
Territoires de la mémoire — livre des Écomusées en France — photos de trois photographes, 1992.
L’Indépendant du Louhannais — livre — tiré à part des photographies — Écomusée de la Bresse, 1991.
Chant Rauque — Photographies réalisées à la fonderie Coste en 1970 — Éditions Granit, 1987. Acquisition de 50 images en noir et blanc par le Centre d’action culturelle de Belfort.
Instant timide — Sculptures d’Alfiéri Gardone, 1984.
Diverses revues : Milieux...
Les images de Catherine Gardone ont donné lieu à plusieurs expositions :
« Un exotisme proche », à l’Ôkhra (Conservatoire des ocres et de la couleur), Roussillon, 2012. Une centaine de photographies sont présentées en grand format au mur de manière « classique » ; d’autres rétro-éclairées ; enfin, par une projection sur grand écran, pour plonger au cœur de la matière, avec une une création musicale d’Amanda Gardone et Lionel Garcin.
« Gens du feu » — Palais Granvelle, Besançon, 1995 — 60 de ces photographies sont à Salins.
« Images de la Ville » de Belfort — par deux photographes : Sabine Weiss et Catherine Gardone, 1985. 40 photographies argentiques (30 x 40) de Catherine Gardone sont acquises par le Centre d’action culturelle de Belfort.