Philippe Beck/ Dans de la nature | |
" Dans la mesure où lintérêt pour la nature se fonde sur une idée, il ne peut se manifester que dans un esprit réceptif aux idées, cest-à-dire dans un esprit moral. La plupart des hommes ne font quaffecter cet intérêt, et la fréquence de cette sentimentalité à notre époque, qui sexprime surtout par des voyages sentimentaux, des jardins du même genre, des promenades et autres engouements de la même espèce, cette fréquence, donc, ne prouve en rien la fréquence de la réceptivité à lidée de la nature. " (Schiller) " On pourrait sintéresser
à la question de la manière dont lesprit poétique
naïf procède avec une matière sentimentale. Voilà
un travail qui paraît tout à fait neuf et dune difficulté
toute particulière : car dans le monde ancien et naïf, une
telle matière nexistait pas, alors que dans le monde moderne,
cest le poète adéquat qui paraît difficile à
trouver. Un caractère qui adopte lidéal avec une sensibilité
ardente et échappe à la réalité pour conquérir
des infinis immatériels, qui inlassablement détruit ce quil
a en lui et cherche ce qui est hors de lui, pour qui ses rêves seuls
sont en réalité tandis que son expérience est une
limite et qui cependant, comme il se doit, outrepasse cette limite pour
pénétrer la réalité vraie ce dangereux
extrême du caractère sentimental est létoffe
dun poète en qui la nature agit avec plus de confiance et
de pureté quen quiconque, et qui parmi les poètes
modernes séloigne peut-être le moins de la vérité
sensible des choses. " (Schiller) |
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illustration: Still life con autruche |
nous remercions vivement Corinne Bayle et Jean-Baptiste Para (revue Europe) d'avoir confié à remue.net la note ci-après pour découvrir davantage Philippe Beck le dossier Philippe Beck de remue.net, textes, liens, entretiens le cahier 28 des Rencontres poétiques de Montpellier, "Dans de la nature" avec corrections de la main de l'auteur (fichier pdf) Aux recensions et Poésies Didactiques (Le Matricule des Anges) Le numéro 7/8 de la revue Il Particolare La fin de cette note (§ IV) de Jean-Michel Maulpoix, La poésie autobiographie d'une soif | |
A lire Dans de la nature... Par Corinne Bayle À lire Dans de la nature, le lecteur se sent proche et pourtant séparé, de l'autre côté d'une vitre infranchissable. Comme une gifle, lui arrive de plein fouet la colère inquiète d'un poète attaché à ses songes, au rebours exact d'un univers qui n'en peut plus de vendre sa pacotille prétendument onirique, et vulgairement dérisoire. Bâillonné, il s'exprime en formules resserrées et en vers cassés, retrouvant par fulgurance le sublime d'un chant de catastrophe : vers en bois de rose, pluie dessinant des licornes, les images rarissimes éclosent en "fleurs de sucre" vénéneuses, pharmakon improbable, en un paysage désertique, le nôtre. Accompagnant l'exil de Baudelaire, la parole de Beck n'est plus la sur du rêve, et le poète sort de ce monde pour réfléchir dans un silence têtu, mais généreux : "Sa vie est une parmi les vivants". L'économie de mots (beaucoup de néologismes) est remarquable, à hauteur de solitude, et d'efforts aussi, qui démasquent la Muse perdue. La réflexivité traverse une prosodie altérée, laissant miroiter brisures et apories, en un scintillement glacé. Paradoxalement, un grand lyrisme point avec douleur. "La poésie fait mal", soulignait naguère Michel Deguy - n'est-ce pas d'abord cette fracture au cur du réel, que la langue poétique cherche d'ordinaire impuissamment à couturer, se nourrissant de cette impuissance même ? Refusant de panser, de cicatriser, le poème, ici, déchire. À l'opposé d'une littérature lénifiante, le modèle romantique (le recueil se place sous l'égide de Schiller) rejoint la rigueur classique et sa haute mission de penser de la nature oubliée. N'en surgit nulle cosmogonie lucrécienne, mais un objet de pure poésie, création ex nihilo, que le "Chanteur Muet" fabrique pierre à pierre, sans ciment de syntaxe, sans recours à la prose, et cependant mêlant du prosaïque auquel il est désormais condamné, avec une volonté de résister à tout - et même à un peu plus que tout. Je pourrais mulltiplier les références (Thoreau et Cap Cod, Dante et les quatre-vingt-dix-neuf chants, plus un prologue, de La Divine Comédie, Novalis et le monde romantisé) sans expliquer la beauté bizarre de ce livre, sa profondeur intransigeante, sa secousse électrique, absolument modernes.
Un extrait de "Dans de la nature" Beauté promet bonheur ? Hein ?
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