Il existe un tableau de Klee qui s'intitule
Angelus Novus.
Il représente un ange qui semble avoir dessein
de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé.
Ses yeux sont écarquillés, sa
bouche ouverte, ses ailes déployées.
Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de
l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé.
Où paraît devant nous une suite d'événements,
il ne voit qu'une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d'amonceler
ruines sur ruines et les jette à ses pieds.
Il voudrait bien s'attarder, réveiller
les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête
qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer.
Cette tempête le pousse incessamment
vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu'au ciel devant
lui s'accumulent les ruines.
Cette tempête
est ce que nous appelons le progrès.
Walter Benjamin, "Thèses sur la
philosophie de l'histoire", Denoël, 1971, traduction corrigée.
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