Journal de résidence

Je voulais écrire quelques mots sur la résidence d’écriture à Villepinte, raconter ma rencontre des enfants, décrire le projet d’écriture et son évolution...
Je me retrouve à Tours, confiné, (et même mis en quarantaine...) un peu sidéré par cette situation et pas très en état d’écrire...
Je reviendrai sur la rencontre des enfants la semaine précédant le confinement et cette découverte d’un âge inconnu, les premières discussions que nous avons pu avoir, ce que nous avons partagé avec eux...
Mais aujourd’hui c’est seulement cette étrange situation que je voulais raconter.
J’ai l’impression d’être hors du temps, ou du moins dans un temps inconnu et élastique, indéfini, qui devrait nous inciter à la création et à l’action. Et pourtant tout semble tellement étrange et décalé, insignifiant, dérisoire que même en s’y obligeant, l’écriture elle-même perd de sa nécessité, de son évidence, peut-être même de ce qui la rend possible : une forme d’innocence, de légèreté.
Ecrire sur la très petite enfance, sur la force de vie de ces petits, sur la naissance du langage et de l’identité, quand tout est encore possible, paraît d’une telle inactualité aujourd’hui qu’on en vient à douter de sa pertinence.
J’essaie d’écrire par "bouffées d’enfance", dans le souvenir de cet état d’enfance qui traverse les âges et les temps. Mais entouré par cette actualité je reste interdit.
Je me remets aussi de trois jours passés au lit, épuisé, terrassé probablement par ce virus qui se balade en région parisienne depuis des semaines et que nous avons sans doute croisé à Villepinte... Cela va beaucoup mieux et Vincent et moi n’avons eu que des symptômes légers, à part cette fatigue brutale et immense qui a disparu en quelques jours.
J’écrirai donc ces prochains jours de chez moi, loin des enfants et de leur énergie, dans le souvenir des quelques mots que nous avons échangés.
C’est sans doute la résidence la plus étrange que je vis, qui va devoir aussi s’étirer dans le temps, dans l’attente du retour à la normale, des retrouvailles avec l’équipe de la compagnie Issue de secours et du bonheur de revoir les enfants.

31 mars 2020
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