Pierre Autin-Grenier / TRENTE-TROIS
POUR SANG À CARPENTRAS
Bien sûr, on ne veut pas mourir dans le souterrain
là où, on le sait, sont murés les monstres, où
se démènent en dindécents chahuts les démons.
Déjà à demi plongé dans les ténèbres
on aspire encore à la surface ; aux fleurs, aux vents, à
de vastes étendues marines. On rêve par bribes dun
village haut perché doù lon dominerait quatre-vingt-onze
clochers et des vignes à perte de vue.
Mais bien que debout entre deux pans de murs blancs près dune
fenêtre claire, lantique sauvagerie cavernicole soudain vous
reprend, linfernal tapage des enclumes sempare à nouveau
de vous jusquà vous briser les tempes et vous voici tout
entier aspiré par lhorrible trou borgne de la nuit contre
lequel nul parapet semble nassurer protection.
Ainsi, quelle que soit la puissance des incantations, mourir reste toujours
ce masque de carnaval barbouillé de cendres qui vient à
notre rencontre pour nous précipiter sans pitié dans lobscur
dédale des catacombes. Résister.