Miklos BOKOR
/ peintures et dessins par Ronald
Klapka
La galerie Lambert-Rouland
62, rue La Boétie, Paris-8e. Tél. :
01-45- 63-51-52 expose Miklos Bokor : "Peintures
et dessins", du lundi au samedi, de 10 heures à
13 heures et de 14 heures à 19 heures. Jusqu'au 15 janvier.
Le journal Le Monde sous la plume de Philippe
Dagen dans son édition du 27/10/02, en fait l¡annonce
et nous livre une
rencontre avec le peintre.
Dans son numéro 2, printemps
1996, la revue Conférence
offrait à ses lecteurs Caïn et Abel, 31 dessins de Miklos Bokor.
Art et vérité chez Miklos Bokor. Yves Bonnefoy.
Regarde et "Souviens-toi d'Amalek". Bernard Blatter.
Tableau, vie, histoire.Christophe
Carraud. (conclusion)
Miklos
BOKOR, la vie vue de dos
Rencontre
avec l'artiste parisien d'origine hongroise, à l'affût
de l'"image mentale" qui lui indique le moment de peindre.
Philippe Dagen, LE MONDE EDITION DU
27.10.02
[...]
"L'IMAGE MENTALE"
Pour expliquer la genèse de ses –uvres,
Bokor évoque l' "image mentale"surgie dans un état
de demi-sommeil qui le guide et constate : "Je sais saisir ce
qui me traverse l'esprit." Il raconte ses longs moments d'attente
pendant lesquels il lit jusqu'à ce que "ça arrive".
"Une sorte de besoin se manifeste. La peinture me pousse." Le
temps de l'exécution est souvent court, mais suivi d'heures
passées à étudier ce qui a pris forme sur
la toile et à le transformer parfois. "C'est le moment
de la réflexion. Quand je peins, je ne pense pas. Tout
le corps et tout l'esprit sont dans la peinture... Ici, à
Paris, quand c'est fini, je sors, je tourne autour de la rotonde
de la Ruche en sifflant des mélodies de Bartok... Le
moment terrible, c'est le lendemain, quand il faut revenir à
l'atelier, voir ce qui s'est vraiment passé. A ce moment-là,
j'ai peur."
Chaque
–uvre est ainsi un commencement. Il poursuit cependant depuis
plusieurs années une autre expérience différente.
En Dordogne, il a découvert une
église romane en ruine. Eglise et non chapelle, ne
serait-ce qu'en raison des dimensions : une vingtaine de mètres
de long, cinq de haut. Il est parvenu à la restaurer.
En 1998, il a mis en chantier un cycle de fresques. Progressivement,
les parois se sont couvertes d'une foule d'apparitions fantomatiques,
de corps terriblement étirés, d'ombres vues de
dos. Après cinq étés, il considère
l'–uvre achevée. L'entreprise était folle et épuisante,
Bokor le reconnaît. "Il fallait que j'aille au bout. Mais,
maintenant, c'est fini, je peux me remettre à mes tableaux."
Comment les qualifierait-il ? "Expressionnisme
abstrait" ne lui convient pas. Il préfère de beaucoup
se référer aux derniers Titien et aux ultimes
paysages de Constable ; ou nommer les poètes qui ont
été ses amis, Celan et Du Bouchet. Brutalement,
on ne sait comment, le nom d'Artaud vient dans la conversation.
"Les portraits d'Artaud... Il était fou, dit-on... Mais,
quand on regarde les choses en face, comment ne pas connaître
une sorte de folie ? La vie, vue de face, n'est pas supportable."
Tableau,
Vie, Histoire.
Christophe
Carraud.
[...]
Un jour d'enfance, Miklos Bokor voit son grand-père
penché à la
fenêtre qui donne sur le champ derrière la maison.
Il l'entend crier sa prière à pleine voix. " Pourquoi
cries-tu, grand-père ? " - " Écoute il y a tellement
de demandes et de chagrins qu'il faut crier très fort
pour que Dieu entende ". Mais la prière du peintre est
comme celle de Moïse, ce cri silencieux qui monte vers
Dieu et que Dieu entend : " Pourquoi cries-tu vers moi ? ".
Jusqu'où ne pourrait-elle porter, cette voix sans bruit
? L'Exode nous dit que Moïse avait la bouche et la langue
pesantes, et son histoire est celle d'un sublime accablement,
quand tout le plan divin, soudain, se déverse sur l'homme
d'Israël ; mais il suffisait de l'aube, et de cette promesse
qui l'éveille : de cette promesse bientôt bafouée,
- reste qu'il y aura eu la lumière que, tôt le
matin, Moïse voit caresser les tentes où repose
le peuple harassé. On comprend que cette prière-là
soit plus qu'une " poésie muette ", dont une si longue
tradition voulait qu'elle fût le nom des tableaux. Peinture
terriblement grave, litanique, accablée, soudain triomphant
de couleurs, puis gagnée par le doute, et infatigable.
L'espérance épuisée de patience, comme
Job splendide et humilié. - Je ne connais rien de plus
beau que ces psaumes peints issus de ceux de David, litanies
de la souffrance, de la foi et du relèvement. Rien de
plus juste, aussi. Les mots contenus, sauvés, qu'on lit
sur des millions de lèvres.