André Hardellet, le fontainier de la fraîcheur l'approche de Christian Hubin Hardellet. Avec lui, c'était toujours le seuil du jardin : le passage en plein jour de l'ange imperceptible, le parfum d'herbe à l'orée d'une innocence intacte. Procession de petites filles à travers un terrain vague, vieux pots de terreau dans l'ombre, corsages séchant au soleil, gouttes argentines, les pas secrets sur la mousse. L'étrangère sans pesanteur déshabillée derrière la haie. La porte poussée sur le rêve du loir, sur l'enfance de Fantômas, la trappe du cellier une féerie pour adultes qui n'ont jamais renonce, une nostalgie qui muse yeux clos, la lanterne sourde des incurables. Qui fut plus que lui, dans ce crépuscule, le fontainier de la fraîcheur ? Des cuistres l'ont traîné devant des tribunaux parce qu'il avait osé chanter un hymne au sexe de la femme et bénie soit cette Germaine entre toutes les femmes, comme celles qui furent l'ombre de Sylvie, de Nadja, d'Irène, de l'Étrangère. « Lourdes, lentes... (mais vous savez cela aussi bien que moi) n'est pas un bouquin porno, mais la recherche du «vert paradis », une progression à travers les labyrinthes et les énigmes du Temps. Mais allez donc convaincre tous ces tristes cons... » (lettre du 12 février 1970) Dans une autre lettre, Hardellet retourne les cartes et donne sur ses goûts, ses sources, des indications précieuses, livrées au hasard du Bic qui, ajoute-t-il, en sait souvent bien plus long que moi : « Oui, j'ai lu L'Oeil, de Bataille, mais sans recevoir le choc, comme cela s'est produit avec : Borges (le plus grand écrivain contemporain, selon moi), Gaspard de la Nuit, Sylvie et Les Chimères, Le tour d'écrou (de H. James), Bartleby le copiste (de H. Melville), La lettre de Lord Chandos (de von Hofmannsthal), Madame Solario (de X ... ) ? ou même de remarquables « policiers » américains tels que La clef de verre ou L'Arnaqueur. Sans parler des « grands », avec Proust au premier rang (comme toujours en pareil cas, j'en oublie dans ma liste ... ). Cela doit tenir à mon côté solaire - un excellent adjectif pour me définir. J'accorde la plus haute importance à la clarté (d'expression), mais une clarté de nature particulière : celle qui laisse subsister l'énigme. Le commentaire affaiblit ; si vous lisez « Les Chasseurs », vous comprendrez sans doute mieux, en direct, ce que j'entends par là. Lorsque vous avez tourné la dernière page du « Tour d'écrou » ou de « Labyrinthes », tout vous a été exprimé, décrit clairement, et pourtant vous abordez la ligne de démarcation à partir de laquelle commence votre propre aventure. Un livre est réussi dans la mesure où il vous conduit à réfléchir sur a) l'approche de l'inexplicable ; b) votre cas personnel. J'écris avec la plus extrême difficulté : une page d'où je m'efforce (sans y parvenir) d'ôter tout le superflu me coûte une peine infinie. C'est « coton ». On sue, on en bave, on mesure ses faiblesses - et on continue ».
voir aussi: Françoise Demougin, André
Hardellet : une øuvre hors du siècle, éditions LÁHarmattan,
2002 |