Gustave Roud / La prière
pour la tache des yeux... Le site suisse Culturactif signale dans une fort belle page: Un événement autour de Gustave Roud. Il mentionne: Gustave Roud par Philippe Jaccottet (extrait) Le poète vaudois Gustave Roud est mort il y a un quart de siècle, à soixante-dix-neuf ans. Sa mort n'a pas fait plus de bruit que sa vie. Son premier livre, Adieu, était paru en 1927, à Lausanne, tiré à quatre-vingts exemplaires. En 1950, l'éditeur Mermod a publié en deux petits volumes l'ensemble de ses proses poétiques sous le titre Écrits ; volumes que la Bibliothèque des Arts a complétés d'un troisième peu après sa mort, en 1978. En France, dès 1976, Bruno Roy avait accueilli plusieurs livres de Roud dans son catalogue chez Fata Morgana; avant qu' un choix de quatre recueils essentiels ne paraisse ici, dans la collection Poésie/Gallimard. Une
chose qui me semble à dire avant toute autre, cÁest que cette
oeuvre est vivante; à l'écart, en sourdine, mais vivante
(peut-être même plus qu'aucune autre de la littérature
dite romande). CÁest une oeuvre à part, qui parle de bout en
bout, à voix plutôt basse, d'une recherche essentielle;
lointaine parente d'autres oeuvres en quelque sorte marginales comme
celles de Novalis, de Maurice de Guérin, de Joubert (et, plus
près de nous, d'un Pierre-Albert Jourdan). Même sans que
l'on n'ait jamais fait aucun tapage à son propos (elle ne s'y
prêterait pas), elle ne cesse de gagner de nouveaux lecteurs,
atteints par cette voix d'une rare limpidité. Les blessures, nous le savions, ouvrent le monde des signes, le monde du dialogue, invisible aux « vivants » : Et toute l'oeuvre soudain se ramasse dans le texte qui forme le recueil, annonçant déjà la transparente pureté de Requiem Ô mémoire... C'est ici, près de ce même arbre, mais nu, ses rameaux ployant sous les lourdes étoiles d'arrière automne, que jÁai surpris jadis aux plus hautes régions de l'air le froissement d'ailes des grands migrateurs invisibles, ce vol fait de milliers de vols, plus doux qu'un fleuve de soie là-haut entre ses rives d'ombre constellée. (II, 286-287)
Et, au moment de conclure, c'est soudain « La prière pour la tache des yeux », cette prière paysanne placée en exergue d'Air de la solitude qui nous vient aux lèvres. Il faut nommer le nom de la personne, et dire : Si tu as la tache Dieu te détache si elle est blanche qu'elle se déblanche si elle est rouge qu'elle se dérouge si elle est noire qu'elle se dénoire au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit amen. La dire trois fois et souffler dedans l'oeil (II, 69)
Pierre-Albert JOURDAN - Noël
1973
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