matières #9

mme la fois où essayant ce médicament (comment s’appelle-t-il déjà ? Roponyl ? Ropynol ? Rohypnol  [1] ?), incapable de tenir sur ses jambes ou du moins s’effondrant régulièrement sur le sol jonché de mégots et de sciure de bois de ce bar de nuit sordide au décor industriel, avec ses bidons métalliques en guise de tabourets, ses murs de béton brut délabrés et couverts d’affiches de concerts rock, ses habitués taciturnes descendant avec une morne et fruste application des pintes de bière dans la lumière artificielle et glauque des néons, les avant-bras posés sur le comptoir, semblant plongés dans une aigre et monotone torpeur, la tête penchée avec résignation au-dessus de leur verre, le garçon perdant toute perception de la réalité, nageant dans un univers confortable, cotonneux et brumeux, l’enchaînement des gestes, mouvements et situations se déroulant non pas au ralenti, mais plutôt apparaissant éclairé par de brefs et périodiques éclats lumineux comme sous l’effet d’un appareil stroboscopique dans un présent éblouissant et excessif, la musique emplissant tout l’espace, semblant s’accumuler en une masse opaque et solide, puis se diluant en couleurs, les ondes sonores et les impressions visuelles devenues indiscernables, se fondant en blocs de matérialité concrète, presque rugueuse, espace et temps à leur tour confondus, indissolublement mêlés en une sorte de matière furieuse et informe, l’ensemble des perceptions brouillées puis sombrant dans un obscurcissement profond, un black-out total, se réveillant le lendemain dans son lit sans se souvenir de rien, émergeant brusquement d’un lourd sommeil sans rêve, les vêtements couverts de sang séché : Bordel               ! Mais               ? constatant cependant avec soulagement après un examen rapide qu’il n’a pas de blessure apparente, apprenant plus tard grâce à un ami témoin de la scène contacté par téléphone qu’il a seulement ramassé un type dans les chiottes du bar qui venait de se faire casser la gu
      

1er février 2012
T T+

[1En plus des effets adverses à court et moyen terme (déficit de l’attention ; ralentissement psychomoteur ; difficulté d’élocution ; incoordination motrice ; baisse de la vigilance ; suppression des inhibitions ; équilibre difficile ; vue brouillée ; confusion ; sommeil ; diminution du rythme cardiaque) on observe parfois des réactions paradoxales (hyperstimulation, agressivité, colère). Plusieurs benzodiazépines affectent la mémoire des utilisateurs. (Rapport INSERM : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/toxicomanies/toxicomanie/produits/medics/medics.htm)