phrases du jour - 2003

Pratiquer l’écriture c’est pratiquer, sur sa vie, une ouverture par laquelle la vie se fera texte. Le vocable est l’étape vers l’inconnu où l’esprit paiera le prix de sa témérité ; cet inconnu sans lequel la pensée ne serait qu’une pensée morte et jamais une pensée àmourir, au plus vif, au plus écartelé de sa mort.

Edmond Jabès, Le Soupçon, le désert

Je pense àune des grandes scènes d’Une mémoire démentielle, l’inépuisable récit, cette cinquième « séquence  » où l’on voit l’enfant qui se tait, depuis si longtemps maintenant, parmi les railleries de ses camarades, se diriger vers la mer, dont le rivage bruyant va ranimer ses fantasmes. Et un autre enfant marche àses côtés, qui le questionne sans malveillance, ce qui lui permet, par exception de répondre. « A moi, tu me parles !  » s’écrie le collégien étonné. Et l’enfant qui deviendra l’écrivain lui dit alors en retour : « Comme je leur parlerais, s’ils m’adressaient la parole.  »

Yves Bonnefoy, Une écriture de notre temps (dans La vérité de parole, édition folio pp. 123-279).
Cette étude sur Louis-René des Forêts (1986) ne fait pas nombre avec celles, ultérieures, de Jean Roudaut ou de Dominique Rabaté.

Comme on respirerait àplein le manque de respiration. Ecrivant, lisant, je ne fuis pas, j’arpente le monde, je mesure et dé-mesure la "réalité" . Non, je n’ai pas encore, je n’ai rien. Je suis sans rien et c’est pourquoi je suis encore. Le chat près de moi, de quoi se souvient-il ? Qu’est-ce qui est ? Quels mouvements dont l’espace est l’extrapolation ? La solitude du livre pardonne. Elle dément l’espoir, enseigne l’espérance.

Christian Hubin, Le Sens des perdants, José Corti, 2002

Tout artiste est lié àune erreur avec laquelle il a un rapport particulier d’intimité. Tout art tire son origine d’un défaut exceptionnel, toute oeuvre est la mise en oeuvre de ce défaut d’origine d’où nous viennent l’approche menacée de la plénitude et une lumière nouvelle.

Maurice Blanchot, Le Livre àvenir, cité par Roland barthes dans La Préparation du roman, àpropos de la phrase de Marcel Proust : "C’est àla cime même du particulier qu’éclôt le général..."

Réduire àrien ce qui sépare l’homme en société de l’homme seul avec lui-même. Que penser ce soit parler bas et parler penser tout haut.

Joë Bousquet, L’Œuvre de la nuit, éditions Unes, 1996

Un homme qui marche n’abonde dans aucun sens. Il n’abonde pas, et la marche est ce retrait, cette marge laissée au sens et qui forme le commencement d’un récit. Une démarche n’est pas une opinion : manière de balancer le corps qui va son chemin, comme la pensée et avec elle.[...] Généralement, la solitude du tracé n’est pas visible. L’art, ce serait enlever ce qui serait autour de la visibilité du tracé pour faire entrer le visible, comme s’il devait être la condition de la parole. Sans doute : dans le noir. Quelqu’un se détache, s’en va dans ses pensées.

Jean-Christophe Bailly, Poursuites, Christian Bourgois, mai 2002

Aucune lecture n’est vraie, quand il s’agit aussi de lire les mots entre les mots.

Gérard Macé, Bois dormant, Poésie/Gallimard, avril 2002

"Ecrire / pour ne pas rester / les mains /nues" (p.53)
ou :
" On ne peut pas faire / de la surenchère / sur la réalité / il suffit / qu’on y bute" (p. 50)
ou :
" ... Aller jusqu’au / bout de chaque mot / ouvrir son ciel / le ciel où finit sa racine" (p. 28)

André du Bouchet, Carnet, Fata morgana, 1994

Le monde tel qu’il est est la nuit noire, la nuit forcenée qui nous secoue et nous entrave. Il est notre incessant devenir. Il est impossible d’y accéder sans déployer l’obstacle cruel de son expression. Face àce barrage qui s’étoffe àmesure de son intrusion, le poème est un entêtement de taupe dans et hors la langue maternelle.

Nicolas Pesquès

Un volume de vers n’est rien d’autre qu’une succession d’exercices magiques. Le modeste magicien fait ce qu’il peut avec ses modestes moyens. Une connotation malheureuse, un accent erroné, une nuance, peuvent briser l’exorcisme. Whitehead a dénoncé le caractère fallacieux du dictionnaire parfait : la supposition que pour chaque chose il y ait un mot. Nous travaillons àtâtons. L’univers est fluide et changeant et le langage, rigide.

Jose Luis Borges, Histoire de la nuit

L’écriture est ce qui isole. L’écriture est ce qui rend public. (...) L’écriture s’oppose àce qui la porte en public, et cependant elle appelle ce public - cette publication. Devenue publique, l’écriture n’appartient plus àl’écriture. Elle se rappelle àelle-même àtravers son lecteur.

Bernard Noë l

La phrase déjàcitée du Dernier Homme : « Je me suis persuadé que je l’avais d’abord connu mort, puis mourant  », est en ce sens comme la matrice narrative de tous les textes de Blanchot. Chaque fois, explicitement ou non, sont engagées les questions de la temporalité, de la spectralité et de la discordance du fragment, de l’alinéa, de la phrase, entre énoncé et énonciation, texte et histoire, témoignage et expérience, reconnaissance et obsession. De plus en plus syncopée, l’écriture dépose, espace et multiplie des instants et des instances de pensée qu’elle n’interrompt que pour mieux faire surgir la singularité àla fois brillante et échouée, ouverte et ramassée, de leur dénuement. Fulgurance qui assemble le livre tout en le désassemblant, recèle l’interrogation vibrante, vibrionnante, sur les conditions de possibilité de sa manifestation, de sa succession, de son enchaînement.

Christophe Bident

Savoir se réjouir de sa capacité de comprendre des choses de la vie et du monde, même partiellement, même relativement.

Lorand Gaspar

Mais tout de même, je voudrais crier àvous tous - àtravers les coups de marteau qui se lèvent comme une musique douloureuse de tous les coins de l’horizon - je voudrais crier : permettez que les hommes créent tous quelque chose avec leurs mains, ou avec leur tête, àtout âge, et surtout dans le tout premier ; qu’ils apprennent les lois mystérieuses de la structure et de la composition esthétique - avant toute autre loi -, si vous avez àcoeur la liberté et la sociabilité sur ce filant météore qu’est la vie, au milieu de toute la non-vie (mais dure patience) que paraît être l’Univers. Introduisez l’Esthétique - et ses lois - dans l’obtuse et prisonnière vie humaine. Vous y aurez introduit liberté - suspension de la douleur -, élégance, douceur. 1er avril 1980.

Anna Maria Ortese, « Làoù le temps est un autre » - Un endroit où aller, Actes Sud, mars 1997

« Etre moderne - c’est créer son époque et non la refléter. Et si, pourtant, la refléter, mais pas comme un miroir - comme un bouclier. Etre moderne - c’est créer son époque, c’est-à-dire lutter contre les neuf dixièmes de ce qu’elle représente, comme on lutte contre les neuf dixièmes de son premier brouillon.  »

Marina Tsvetaeva, Le Poète et son temps (traduit du russe par Véronique Lossky)

L’homme est perdu dans ses désirs comme nos caravelles dans les mondes nouveaux. Comme celui qui rêve est perdu dans son rêve.

Pascal Quignard

Mais ce que nous aimons, toujours inattendu, toujours de l’autre côté du vent, obéit aux règles diffuses et tranchantes d’un jeu presque perceptible. Mettre son corps dans le secret du mental, s’attirer le hasard, mordre la nuit...

Gherasim Luca, inédits, Fusées n° 7, oct 2003

La tâche de l’écrivain ne peut pas consister non plus ànier la douleur ni àeffacer ses traces ou àleurrer son lecteur en dissimulant son existence. Il doit au contraire prendre la mesure de sa vérité et la rendre effective encore une fois, afin que nous puissions voir. Car nous voulons tous devenir voyants. Or seule cette douleur secrète nous rend sensibles àl’expérience, en particulier àcelle de la vérité. Nous disons très simplement et très justement, quand nous nous trouvons dans cet état, cet état lucide, douloureux, dans lequel la douleur devient féconde : mes yeux se sont dessillés. Nous ne disons pas cela pour exprimer le fait que nous percevions une chose ou un événement extérieurs, mais parce que nous comprenons ce que justement nous ne pouvons pas voir. Voilàce que l’art devrait réaliser : réussir, dans ce sens-là, ànous dessiller les yeux.

Ingeborg Bachmann.

L’homme fuit l’asphyxie.
L’homme dont l’appétit hors de l’imagination se calfeutre sans finir de s’approvisionner, se délivrera par les mains, rivières soudainement grossies.
L’homme qui s’épointe dans la prémonition, qui déboise son silence intérieur et le répartit en théâtres, ce second c’est le faiseur de pain.
Aux uns la prison et la mort. Aux autres la transhumance du Verbe.
Déborder l’économie de la création, agrandir le sang des gestes, devoir de toute lumière.
Nous tenons l’anneau où sont enchaînés côte àcôte, d’une part le rossignol diabolique, d’autre part la clé angélique.
Sur les arêtes de notre amertume, l’aurore de la conscience s’avance et dépose son limon.
Aoà»tement. Une dimension franchit le fruit de l’autre. Dimensions adversaires. Déporté de l’attelage et des noces, je bats le fer des fermoirs invisibles.

René Char, Argument, 1938 - in Fureur et mystère, Gallimard, 1962

La poésie n’explique rien / moins que rien / c’est de ce moins que rien que jaillissent mes poèmes

Paul Valet

La vérité est sans partage.
Elle est, àl’origine, déjàpartagée.
Reste àlégitimer le partage.

Edmond Jabès Les deux livres, suivi de Aigle et chouette, Fata Morgana, 1995

Il a fallu enfermer l’homme dans l’infini pour qu’il puisse manger une pomme et boire de l’eau.

Thierry Metz, Journal d’un manoeuvre, voir notre dossier </div

C’est àcause du rêve et dans le champ du rêve que nous nous avérons plus fort que l’ombre.

Jacques Lacan, (1960-61), Le Séminaire livre VIII. "Le transfert"

[...] et quant aux silences, comment raconter des silences au moyen de mots ? Seule la poésie pourrait le faire.

René Daumal, le Mont Analogue, l’Imaginaire/Gallimard

Faire une étude de cageots, c’est découvrir leurs richesses plastiques, ce qui m’amuse en eux. Mais ce pas accessoirement qu’ils se trouvent exprimés. Je suis stimulé par ce jaune blanchâtre et ce côté "toucher" des lamelles de peuplier qui virent au brun ou au noir, dans l’ombre. C’est la clé picturale, l’arpège de base dont je vais me servir pour jouer la grande chose entendue dans le fond de moi. Je crois bien sincèrement que tous les hommes ont le même fond, mais ils n’y descendent que fort peu. Ce qui distingue les plus grands artistes, c’est leur aptitude àdescendre plus loin. Pourquoi descendre ?

Jean Hélion, Carnets et journaux, Maeght éditeur, 1992

Le théâtre expose la littérature dans l’espace public de la convocation. La lecture aussi se déploie dans un espace public, mais qui n’est que la somme ouverte d’une suite plus ou moins longues de relations privées. Comme celui de l’agora, cet espace public de la lecture demeure en son fond insaisissable, alvéolaire et diffus. Le théâtre, lui, assure par l’acte de la représentation que la parole soit tenue devant ceux qu’un soir elle assemble. Et si le public ainsi rassemblé n’est que "l’ombre de tous", et si la parole ainsi convocante n’est elle aussi qu’un souvenir d’intégralité, il reste que l’événement du sens est produit au théâtre selon sa fondation : en tant que le geste politique le plus pur, qui est celui de l’exposition de la parole àl’espace public et de l’espace public àla parole.

Jean-Christophe Bailly, Poursuites, Christian Bourgois, mai 2003

L’homme incliné
sur son abîme
que sait-il
que sait-il
du péril qui grandit
dans la cage de ses os

au milieu de sa peur
pulsation d’un secret
qui parle


Songeur, repié sur moi-même, je franchis alors la porte voà»tée qui ramène en ville. Pourquoi, me demandai-je, la voà»te ne s’écroule-t-elle pas, alors qu’elle n’a rien pour la soutenir ? C’est, répondis-je, parce que toutes les pierres àla fois veulent tomber - et je retirai de cette pensée une consolation indiciblement réconfortante, qui alla de pair avec l’espoir que je saurais également me maintenir si tout venait àme laisser sombrer.

Heinrich von Kleist

Tu as pris une lampe et tu ouvres la porte,
Que faire d’une lampe, il pleut, le jour se lève.

Yves Bonnefoy, Douve

— Où vas-tu, maître ?
— Je ne sais pas, dis-je, je ne veux que partir d’ici, seulement partir d’ici. Sans cesse partir d’ici, ce n’est qu’ainsi que je pourrai atteindre mon but.
— Donc, tu connais ton but ?
— Oui, répondis-je, ne te l’ai-je pas dit : partir d’ici, tel est mon but.

Franz Kafka

et au sommet
le sable, enfin - purement
    La volonté de ne laisser en ce monde aucune trace
_    est ici àson comble

        La dune est le rêve incarné du vent
_        le désir d’infini de la terre

Alain Bernaud
extrait de La Dune, Sur l’arête des pierres, Lausanne, Ed. du Héron, 2002
(voir sur D’Autres Espaces
et cité par Maurice Chappaz, Les Futurs déserts (Conférence n° 16 pp 99-122) sur Maurice Chappaz

À côté de la sphère du sens commun, du commentaire hâtif, approximatif dont la lueur incertaine guide nos pas sur le chemin de chaque jour, il existe des versions approchées, amples, inouïes, étincelantes de notre expérience, celles que la littérature, et elle seule, est susceptible d’en donner. C’est là, et nulle part ailleurs, que nous pouvons découvrir le sens de l’affaire àlaquelle nous nous trouvons mêlés et qui tend ànous échapper parce que nous n’avons pas la force ou simplement le temps. Qui n’a pas accès aujourd’hui àla littérature est, àson insu, frappé d’infirmité, cette part de lui-même qui a nom discernement, liberté, enfouie aux oubliettes, absentée. Le papier, lire, étudier ne sont pas des fins en soi mais des moyens, l’équivalent, dans l’ordre qui est le nôtre, de la griffe du chat, des ailes de l’oiseau. Nous sommes des êtres de langage àqui se pose d’entrée de jeu et jusqu’au bout la question de leur sens.

Pierre Bergounioux, Comme des petits poissons, la Littérature dès l’alphabet, ouvrage collectif dirigé par Henriette Zoughebi, Gallimard "Jeunesse "
Voir aussi cet article

La poésie n’a jamais eu de rôle, justement, et c’est ce qui en fait de la poésie, mais c’est la forme de communication singulière qui est la seule, je crois, réelle. Le fait de ne pas parler pour les autres, dans le langage des autres, fait que, de temps en temps, un autre est atteint réellement. Est réellement touché. Ce qu’on écrit pour soi atteint un soi qui est un autre. Alors il y a quelque chose d’extraordinaire qui peut se passer, qui est hors, bien sà»r, de la forme de la pseudo-communication journalière qui est àl’oeuvre lorsqu’on se précipite, et moi-même du reste, sur un journal, qui est oublié le lendemain et qu’on ne relit jamais. Il y a, dans la poésie, une forme de communication qui est intarissable, qu’on peut relire indéfiniment, et les quelques-uns qui le font sont porteurs de multitude.

André du Bouchet

Tel qui parle, parle, s’explique, se répand. Mots àplumets, formules laquées, dentelles du french-cancan mental. Un solo tout cils tout flammes : feu d’artifice pour les Soupers du Moi.

Christian Hubin, parlant seul, en lisant en écrivant, José Corti, 1993

Un texte de prose peut toujours être lu seulement des yeux ; un poème, par contre, même lu, est toujours articulé par la parole silencieuse selon toutes ses syllabes.

Henri Maldiney, À l’impossible : la poésie, in L’art, l’éclair de l’être, Compa’Act, 2003

chardon argenté
S’en tenir /àla terre
Ne pas jeter d’ombre / sur d’autres
Être dans l’ombre des autres /une clarté.

Reiner Kunze, Un jour sur cette terre, Cheyne, collection bilingue « D’une voix l’autre  »

homme de guerre je te regarde
regarde-moi
je te dis regarde-moi
tu ne sauras pas qui je suis ni d’où je viens
je n’en ai plus la mémoire
mon esprit est tout entier occupé àforger les sentences de ma colère
soudain si je veux comprendre tout de même
tout de même
je suis celle qui essaie de comprendre par la colère
comme la cascade comprend la roche par la colère
il me faut ce courage d’effacer en moi l’effet de lav
douceur tout souvenir
de la douceur
et toi il te faut également accomplir
ce mauvais courage
dont tu es la cause

Jean-Pierre Siméon, Stabat Mater Furiosa, Solitaires intempestifs

Qu’est-ce que le roman et qu’est-ce que le poème ? Nous ne croyons plus que le récit est la forme naturelle de l’écriture. L’histoire qu’on raconte était naguère inhérente àl’histoire qu’on fait et qu’on régit. Celle-ci était garante de celle-là, pour les peuples d’Occident, et celle-làl’éclat légitime de celle-ci. Il y a encore du prestige de cette solidarité dans la vogue des romans àla mode, en Europe et dans les Amériques. Nous sommes tentés par d’autres partitions.

Édouard Glissant

Une pure lecture, une lecture qui n’appelle pas une autre écriture, est pour moi quelque chose d’incompréhensible et sans doute l’a toujours été. Seules m’intéressent, mais alors violemment, les oeuvres qui m’ont donné envie d’écrire, et ici, àciter seulement deux noms majeurs, j’écrirai ceux de Proust et de Blanchot. Encore convient-il d’ajouter aussitôt : la lecture de Proust, de Blanchot, de Kafka, d’Artaud ne m’a pas donné envie d’écrire sur ces auteurs, mais d’écrire.

Roger Laporte, Quinze variations sur un thème biographique, réédition 2003 Flammarion/Leo Scheer

Voir naître et mourir un récit qui cherche en vain àtriompher de la nécessité de l’expression. Poursuite tourmentée où l’échec de la fiction fait partie de la fiction.

Maurice Blanchot voir notre hommage

La nonchalance souvent plus féconde qu’une activité sans relâche, laquelle sur le moment donne le change, mais àlong terme c’est la revanche du cancre relégué au fin fond de la classe.


Et les gens vont dire
Que, dans un lointain avenir
On saura discerner
Le faux et le vrai.

Que le faux disparaîtra
Alors qu’il est au pouvoir,
Que le vrai adviendra
Alors qu’il est au mouroir.

Odon von Horvath, 1938 voir petit hommage de remue.net

La nécessité "de se confronter aux grandes expériences sensibles du passé", pour reprendre l’expression de Breton, ne saurait être niée d’un simple haussement d’épaules dédaigneux.

Jean-Paul Goux, Le Triomphe du temps, collection Digraphe, 1979
J-P. Goux vient de publier Les voix sans repos, et la dette àBreton on la partage

J’ai été un militant politique et syndical actif. Sans renier mes convictions, j’ai choisi ensuite d’agir dans et par la poésie. Parce que j’ai foi en la poésie, en sa capacité àhausser les consciences, et que je crois comme Giuseppe Conte que « la poésie est la première forme de résistance spirituelle  ». Parce qu’elle subvertit la langue commune et les représentations molles de la réalité, elle est une objection fondamentale àl’affaiblissement des consciences. Non pas tant en raison de ce qu’elle dit, mais de ce qu’elle est.

Jean-Pierre Siméon, Un art du partage , le Matricule des anges n° 42, janvier-février 2003, pp. 46-47
JP Siméon dirige avec JM Barnaud, la collection Grands fonds, chez Cheyne ; il est responsable de la manifestation nationale le Printemps des poètes, et textes la poésie et l’enseignement sur remue.net

"Eh bien oui. J’ai aimé votre livre. Beaucoup." Il se penche, il se tend, il s’ouvre pour absorber les mots qui suivront... Il y a un moment de silence... il voudrait l’abréger, il voudrait le prolonger encore un peu... juste encore un moment de suspens... mais les voilà... ils sortent par saccades brèves... des mots sans lien visible entre eux... ils tombent durs et drus, ils tambourinent contre lui sans pénétrer. De temps àautre il parvient àen attraper quelques-uns au passage : Symbolisme. Surréalisme. Impressionnisme. Gros plans. Pans coupés. Structure. Spirale. Mouvement de rotation.... Par-dessus sa tête le regard de l’autre se fixe au loin comme pour y saisir quelque chose, puis les mots jaillissent... On dirait une baleine qui plonge dans l’océan, absorbe de l’eau et la rejette très haut en colonnes de vapeur énormes, des gouttelettes brillent dans un halo irisé, retombent... Hélicoïdal. Photographies. Cartes postales. Dessins animés. Comique. Tragique. Ontologique. Drame. Psychodrame. Arabesques. Contrastes violents de tons. Collages. Papiers collés...

Nathalie Sarraute, Entre la vie et la mort

L’oeuvre d’art, àtous les niveaux d’élaboration que l’histoire a générés, s’ouvrait ànos esprits comme la concrétisation formelle de l’existence de l’homme et de son destin, en sorte que son appréhension, dans l’aigu de l’intuition esthétique, pouvait nous ouvrir vertigineusement àla connaissance : image spéculaire enrichie d’apports insoupçonnés, drainés dans l’inconsciente nuit de l’imaginaire collectif.

Claude Louis-Combet, àpropos d’Henri Maldiney

L’écriture, c’est la main, c’est donc le corps : ses pulsions, ses contrôles, ses rythmes, ses pesées, ses glissements, ses complications, ses fuites, bref, non pas l’âme (peu importe la graphologie), mais le sujet lesté de son désir et de son inconscient.

Roland Barthes

Cette masse indifférenciée comme perdue sur un fond de grisaille où la lumière n’a accès que par intermittence et semble même de jour en jour se faire plus rare, quel langage serait assez chargé de désir pour lui donner relief et couleur, àmoins de recourir aux artifices d’une transfiguration mensongère ?

Louis-René des Forêts, Face àl’immémorable
31 décembre 2003
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