Plusieurs choses à la fois

En allant préparer une visite des archives destinée aux agents municipaux (visite en déambulation avec lectures, écritures, et par groupes, entre les magasins) j’ai aussi avancé dans une recherche sur l’abri souterrain, ancienne galerie creusée sous le centre-ville de Noisy-le-Grand, utilisé au XVIe siècle pour son ru, des puits y prenaient source. Voûte de brique, murs de calcaire, 2m40 au plus haut, 1m de large parfois, des échelles de barreaux métalliques plantés dans la pierre pour accéder, des tinettes intégrées.

Je mélange, mais j’ai aussi pu descendre à la reprographie pour scanner certains documents.

Cette recherche a permis de préparer des ateliers donnés à la Maison pour Tous, et aussi à une classe de CM1, et plus tard dans l’année il y aura les CM2. Les CM1 ont adoré écrire, quand la série d’ateliers sera terminée, leurs textes seront versés aux Archives, et j’en publierai quelques-uns dans cette rubrique.

En revanche, il n’y a pas eu assez d’inscrits pour le groupe de jeunes de la MPT.

Le 18 février, avec Marie-Anaïs Guégan et Martine Sonnet, nous serons face au public de la Médiathèque. Le rendez-vous est précisé ici ; parler archives, documents, et écriture. Le temps passe aussi sur les ruines numériques.

Je fais plusieurs choses à la fois. Pas véritablement à la fois, puisque le temps s’écoule uniformément et sans relâche, à mon échelle ; mais sans arrêt, et je n’ai qu’un corps.

Et qu’un texte.

Il y a un scanner pour les grands documents (je parle de la repro) il fonctionne avec un rouleau où s’enroule le document, qui ne doit pas être abîmé. On imagine avec frisson la fine coupure, pliure, pas vue, et l’affiche de 1941 ressortir entièrement déchirée.

J’ai lu un livre sur l’Histoire, que j’ai oublié. Il y avait des arrestations, des interrogatoires, des déportations. Cela, est certain.

Il faut préparer Hors Limites, j’invite Antonin Crenn. Comme lui, je suis fan de vieux annuaires. On va lire, croiser les époques. Une colonne Vendôme s’effondre, une colonne de chars entre dans une ville, avec ses tuyau-becs ridicules. Ce sera le 14 avril.

Je ne sais plus où j’en suis, parfois. Parfois seulement. Ne croyez pas que je perds la tête.

D’ailleurs, écrire, ça va, mais il faut que tout soit, autour de moi, comme aligné : des astres. Oh non, des phares ; parce que si je dis désastre... on se comprend, je n’ai pas dit ça.

J’ai appelé l’URSSAF, on s’écrit, on s’envoie des messages. Il y a de l’argent en jeu. Un document administratif pèse sur le haut du crâne, comme si l’os fondait, vous voyez ce que je veux dire, n’est-ce pas ? Pré-compté toi-même. Etc.

Dans mes recherches, je suis allé jusqu’à Ovide. C’est grave docteur ?

On crie Urssaf Limousin ! dans les salons du XVIIIe siècle. Mais y’a person qui répon.

Cependant je m’éloigne des réseaux dits sociaux.

Il faut immanquablement penser à l’après-résidence. En ferais-je un journal de post-résidence ? Car l’écriture ne sera pas terminée, et l’argent, c’est du temps.

J’ai écouté Laurine Roux, à la librairie Folies d’encre de ma ville, venue parler de ses livres, j’ai commencé à lire L’Autre moitié du monde, qui s’annonce bien, pas seulement parce qu’il n’y a aucun dialogue, ce qui est toujours bon signe, et ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de parole, mais justement, c’est intéressant comment c’est tissé avec le texte, ces voix, ces paroles. Et puis c’est la guerre, civile.

Tiens, le temps Unix qui s’écoule. Les ordinateurs ont cette fonction qui nous donne, à la milliseconde près, le temps écoulé depuis minuit le 1er janvier 1970 (en temps universel UTC). Ce qui pourrait être l’an 0 d’une nouvelle ère. On serait alors en janvier 53, tout simplement. J’ai écrit ce texte que vous lisez le 18 janvier 53 vers midi 43 et le temps Unix était alors : 1674042206692 millisecondes. Actuellement, à l’heure où vous lisez ces lignes, il est :

Soit une différence de :


J’ai trop joué aux échecs aujourd’hui, ça me vide tellement le cerveau que je perds. Parties rapides. Mais si je gagne, alors, quel boost. Jeu de hasard presque, addiction, Solitaire ou Démineur, Scrabble en appli ou grattage au PMU. Pareil. Que l’auteurice qui ne joue pas en ligne me jette la première pierre de taille du haut d’un faux-immeuble haussmannien de la nouvelle ville de Val d’Europe à l’extrême est de Marne-la-Vallée. Car c’est ce qu’on trouve là-bas, entre les champs. Des villes minuscules poussent, mais faites d’immeubles compacts. Beaucoup d’AirBnB pour Disney, on ne peut presque plus habiter là par intérêt, par besoin. C’est vide et à louer. On parle même de tourisme sexuel.

Un document trouvé aux archives, daté de 1944, émis par la mairie, suite à une décision du préfet de Seine-et-Oise, indique "que les ouvriers travaillant au fort doivent être payés au tarif de 11 frs 50 l’heure et non 15 frs". Voilà aussi l’état de la politique sociale de "l’État Français" (précisé dans l’en-tête). Le document conclut qu’une contestation reste possible mais... "En cas de contestation de la part de l’Officier du fort, s’adresser à la Feldkommandantur". Ce qui refroidit quelque peu.

Donc, écrire, j’ai écris, j’écris, je vais ré-écrire. Le dispositif. C’est la question. J’avance parallèlement, ou plutôt asymétriquement mais dans le même espace-temps (ce n’est qu’une impression, à moins que je ne sois actuellement enfermé, l’ignorant, croyant à une seule géodésique de vie, dans une boîte de Schrödinger, une sorte de Caverne-boîte de Platon-Schrödinger) sur l’aspect formel et sur l’aspect "fiction", disons plutôt documentaire — j’écris des scènes avec les outils, nécessaires, de la fiction, pour décrire un ayant-été. Des pensées impossibles à retrouver. On sait pourtant quelques traits de caractères, grâce à des témoins ayant témoigné. Des traces de textes, ici et là.

Il y a même ce match au long cours débuté à cause d’une querelle foot-rugby.

Les aiguilles d’une horloge. Il y a tous ces instants. Et ce qu’on pense à chaque instant épaissit l’aiguille des secondes avec des possibles. Le poids ne la ralentit pas, mais augmente la difficulté que représente le temps.

Si l’on convertit l’an I, premier jour à minuit, le temps Unix donne comme "date" : -62135597361 secondes pour la naissance déclarée de Jésus à ce zéro-là.

Donc, je suis descendu à la reprographie pour numériser des documents.

Parmi les documents, il y a ce qu’on cherche et que l’on ne trouve pas, ce qu’on cherche et que l’on trouve (est-ce que ça arrive réellement ?), ce que l’on ne cherche pas mais qu’on trouve, ce qui manque et que l’on ne sait pas qu’il manque ; mais je l’ai déjà dit quelque part et il faudrait que je découpe ce son (c’était en novembre) et aussi ce que j’ai raconté sur le mot "archive".

Les documents officiels étaient à jour, en 1944, de cet "État Français" à Vichy, comme on le voit. Mais en 1940, pas encore. Comme sur cet autre document, s’adressant aux ressortissants de l’URSS pour qu’ils signent, chaque jour, le cahier de présence, à la mairie. Ici, l’État Français est un tampon, qui comprend deux lignes épaisses horizontales destinées à barrer la République Française. Il y avait eu le temps de faire ça, au moins, pour commencer. Il fallait y penser.

Documents : Archives/Ville de Noisy-le-Grand. Photos : JS

20 janvier 2023
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