Prendre suint - 7

Le poète est une espèce en voix d’extinction. Bruyamment il bruisse dans les feuilles où le monde s’écrit. Son encre suinte de la plume, du granite ou de l’andouiller, dans laquelle il trace les desseins de l’homme. Son chant est une murmuration de lettres là. Il n’existe au monde de perles que de ses pertes. Dès son apparition, la conscience humaine a introduit la ruine et la mort dans le monde, dont la poésie est la chronique recueillant nos ombres de ce côté-ci du mûrier.


XIX



Etc. C’est ainsi que nous arrangeons, dans l’apocope des matinées passées près des hortensias, des emplacements de menuiserie. Nous lavons nos mains terreuses à la pompe à eau vert-de-grisée, sous la fenêtre correcte de la cuisine. L’eau de la source est froide et jette aux quatre coins de la cour une lumière scintillante. À cette heure, la factrice n’est pas encore passée.



Les outils sont sagement alignés sur l’établi par la disposition des crocs. Dans l’angle droit, des papillons de nuit tournent le peigne de leurs antennes en direction des pare-brise. Sur la planche je te rabats comme un poncif.

Notre petit travail d’émotions nous accapare
nous parlons vrai dans les ornières

des coquelicots la colère
 : puis le couinement des mourants


XX



De ce moment-là fallut-il polémiquer avec nos aïeules ;
poème décanté
par les interstices du monde
sculptés dans les lettres
goulet de neige salpêtre
hors d’atteinte de la salive
puisqu’il n’y a que les mots
qui ne peuvent pas du tout
s’écrire


Vint le tour de la simplification ;
le sang n’est qu’un sanglot taillé
dans une lèvre
comme une esche il gicle
de mes tempes
sur le liège les faïences
quand le poème
de leurre en fleur
te traîne par la langue




À la table des goules et des engoulevents ;
nous sommes les animaux
des fantômes les quasi-nous-mêmes
dans le report des
hypotyposes
du fond des bocages se dispersent
les mots
défassent l’appel de mer
dans la merveille

XXI



L’été coupé des siens désormais se blottit le long des poubelles
rangées par trois sur le bas-côté de
la route s’étire dans l’horizon
le matin déjà terne sous les chaumes

. Une fois n’est pas coutume, les lynx prirent toute la nuit des attitudes conjugales. Ils ont gratté contre nos murs en rêvant de coulis et de dunes. À tour de rôle, ils ont été les objets d’une révélation insignifiante. L’animal n’est pas très regardant : il se nourrit du moindre concept ; un son lui fait le jour.



Sous la tonnelle, nos voisins reçoivent leurs invités. Une jeune fille est assise sur la margelle du puits. On l’entend rire quand l’eau devient infecte. Si je me tourne vers toi, tu es mon amour.



Tu brandisses tantôt ce couteau tantôt
cette fièvre
ou les ruisseaux plus jamais ne seront
l’occasion d’exploits mémorables

16 mai 2023
T T+