Prendre suint - 9

Anges, mésanges : mécompte du ciel. Les enfants jouent autour de la nappe en papier. Combien ce sachet de dragées peut-il contenir de tristesse, pour qu’on se soit donné àdix mille ans de làla mort, ou le mot ? La poésie accapare notre joie. La joie n’est pas la gaieté. La gaieté n’est que la forme supérieure du contentement : qui est content commence par se contenter de soi. Rien n’arrête la joie. Elle nous jette dans l’étreinte du monde. Son feu nous accroît ; nous anéantit. La joie est l’expression même de tout ce qui existe. Dans la souffrance aussi formidable est la joie. Comment – sinon – la douleur pourrait-elle tant durer ?



LA VIE DE BIEFS


Avec un peu de renoncement
aux morts de la semaine,
tu pourras attraper de grandes écrevisses
dans le ruisseau presque asséché en contre-bas de la maison ;
il nous sert d’été dans un trouble de vase et ne te quittent pas des yeux.
Avec un peu de pardon pour les tristes,
on a le droit d’espérer dans des actes humides.
Nous nous accrochons aux pinces de nos filles
par nos doigts bavards.

On incriminerait une éthique sous les racines
en se poussant du coude.
Avec un peu d’insolence en estime,
je déposerais – l’un après l’autre – les dieux malintentionnés sur la paille.
Ils remuent tandis que nous observons leur danse basse.
L’enfance est incapable de voir ; inapte à
entendre ; impuissante àtoucher.
Longue
est la nuit pour qui est en mesure d’étancher sa soif.


LA VEILLÉE


De la canopée des platanes ne tombe qu’un jour
de lignes
et d’ardoise. L’église a crevé dans nos larmes.
Des bourdons volent d’une jambe àl’autre ;
nous marchons dans la lumière.
Endormies
dans la bétoire du clocher, les chauves-souris préparent àtout hasard
un autel de dévoration pionnière.
Puis c’est le même amour qui nous excède, finalement.


L’ANGINE


La brosse est posée près du cahier dans la dérivation des vagues.
Écrire n’est qu’un exercice de clémence
orienté vers la férocité,
pendant que, du premier étage, on entend les joueurs de croquet
tirer leurs arceaux de la pelouse ;
ils parlent fort et vont crânant.
Les fleurs àdemi fanées dans le vase notifient la maladresse de l’être,
un espoir discret braqué sur d’autres arbres
que ceux poussés sur le bord des feuilles.

On entend des ouvriers démonter
les cabines de bain dedans la lave.
Des girelles pondent leurs œufs àl’extrémité de tes
mains méticuleuses,
et la douleur
palisse ton corps contre le treillage des couvertures. À ton chevet,
j’agite mes palpes pour souper de ta fièvre,
de l’autre côté du soir,
mais tu n’es pas tournée vers moi.

29 octobre 2023
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