Véronique Breyer / Elle pensait à sa terre...

Véronique Breyer est écrivain et enseignante. Elle a publié "Lever les murs" aux éditions Fourbis (Farrago) en 1997 - du même auteur, sur remue.net : Hymne

Véronique Breyer est aussi intervenue dans le débat sur enseignement et écriture d'invention

le texte ci-dessous est encore en travail d'écriture

Elle pensait à sa terre. Elle avait toujours cette image, la même, de la terre qu’on effrite entre les doigts. Alors, elle se voyait accroupie, sur le chemin, la jupe pliée, longue. Et elle effritait la terre.

 

Dans les champs, elle fredonne. C’est sa mère. Les sillons sont tracés. Sa mère est debout, les sillons derrière elle.

L’histoire comme elle la pense. Une vie transpercée, au corps couvert de sang. Et le sang qui ruisselle, comme la pluie sur la vitre.

 

Les morceaux sont épars. Un corps à boucherie, passé dans la poussière. Le sang coagulé. La mort n’existe plus.

Parfois, le matin, ils allaient au village, avec la bicyclette. Ce sont les roues contre la jambe, de la bicyclette qu’on pousse, le matin, pour aller au village. Le guidon dans les mains, le ciel est sur les champs.

L’adulte au souvenir.
Ils poussent la charrette pour rejoindre la ville. Pendant des jours, ils poussent. Ils arrivent. De la ville, plus rien.

Dans le champ jaune et sec, elle a des cheveux blancs, petite. Elle dit : c’était ici. Elle désigne des traces. L’air est chaud, elle est vieille.

La tombe n’existe pas. Les fleurs sont pour l’église.

A l’enterrement, sont, seuls, penchés sur pas-de-tombe. Sous la terre, déposée, une fille perdue.
Elle se dresse soudain, en catafalque bleu, où le ciel disparaît.
Elle parle, son visage, sur un drap dessiné.
Elle est belle et son corps est traversé de blé.
Aérienne.